Analyser le paysage

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Comment expliquer le «phénomène» croissant de la diversité religieuse, ou du pluralisme religieux, dans notre société ? C’est une question complexe. Pour tenter d’y répondre le plus simplement possible, nous évoquerons rapidement quelques grands jalons de l’histoire, du XVème siècle à nos jours.

Mais dans un premier temps, que diriez-vous de suggérer vos propres éléments d’analyse…

D’après vous, que s’est-il passé dans la société qui ait pu favoriser l’apparition d’une plus grande diversité de croyances religieuses ?

Note: Il serait intéressant de comparer votre réponse avec celle d’une ou deux autres personnes de votre connaissance.

LE CHOC DES IDÉES

On doit remonter assez loin dans I’histoire de l’Occident pour reconnaître les signes avant-coureurs du droit à la diversité des croyances, soit jusqu’au bouleversement scientifique et culturel qui s’est produit à l’époque de «La Renaissance», aux XVème et XVIème siècles. Plusieurs remises en question ont alors modifié des façons de penser qui étaient pourtant, pour l’essentiel, les mêmes pour tous.

Il faut d’abord comprendre qu’à cette époque on attribuait à la Bible, en quelque sorte, les prétentions d’un traité scientifique. On croyait qu’elle ne présentait pas seulement une réflexion sur le «pourquoi» mais aussi sur le «comment» des choses; qu’elle traduisait non seulement la révélation d’un Dieu proche et aimant, mais aussi toutes les explications utiles à propos des origines et du fonctionnement de l’univers. Or voilà que le monde occidental entrait dans une période de découvertes scientifiques importantes, notamment dans les domaines archéologique et astronomique. Ces découvertes successives allaient modifier assez rapidement la manière de comprendre l’évolution du monde. Du même coup, elles remettaient en question les idées religieuses promulguées par les autorités.

On doit comprendre aussi qu’à cette époque, les pouvoirs religieux et civils se légitimaient mutuellement. Ce que décrétait le roi devait être validé par les autorités religieuses et vice-versa;en conséquence, la religion du prince ou du roi devenait celle du peuple. Ainsi les découvertes scientifiques se mirent à ébranler des certitudes fortement ancrées, qui étaient reçues généralement sans discussion et qu’il était bien mal venu de contester. Dans un tel contexte, les choix personnels demeuraient fort limités et n’étaient pas bienvenus.

Parmi les éléments déclencheurs de ce bouleversement scientifique et culturel, prenons pour exemple la théorie de l’astronome Nicolas Copernic (1473-1543) voulant que la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse. C’est maintenant une évidence pour nous, d’autant plus que sa théorie fut vérifiée par la suite; mais à l’époque, une telle position a été reçue difficilement, autant chez les luthériens que chez les catholiques romains. Cette position a été considérée non conforme à ce qui semblait écrit dans l’Ancien Testament; elle ferait même l’objet d’une hérésie. L’approche scientifique ne pouvait conduire à la vérité, selon les personnes en autorité dans les diverses Eglises, si elle contredisait les explications religieuses.

Essayez d’imaginer les réactions des autorités religieuses devant les découvertes scientifiques au temps de la Renaissance.
o Pouvez-vous imaginer un tel contexte aujourd’hui?

o À votre connaissance, arrive-t-il encore que la science et la religion ne fassent pas bon ménage?

o Pourriez-vous apporter un exemple illustrant votre réponse?

De la liberté de découvrir à la liberté de penser

Le mouvement déclenché à la Renaissance s’est accentué à l’époque dite des Lumières, soit aux XVIIème et XVIIIème siècles. Depuis il n’a cessé de s’accélérer. À titre d’exemple, on peut penser ici à l’influence de l’historien Richard Simon, auteur d’une Histoire critique du Vieux Testament, en 1678. Comme l’indique le titre de son ouvrage, ce chercheur a proposé une approche plus rationnelle de la Bible, suscitant ainsi la controverse parmi les théologiens de son temps. On peut aussi évoquer l’œuvre du biologiste Charles Darwin (1809-1882), qui a mis de l’avant la «théorie de l’évolution». En suggérant de nouveaux éléments d’explication des origines du monde, cette nouvelle théorie parut encore contredire les écrits bibliques à ce sujet. Et il y aurait bien d’autres exemples possibles.

Dans la foulée des lumières (XVIII/ème siècle) et plus encore au cours du XXème siècle, les nouvelles possibilités de découvrir ont conduit progressivement nos sociétés occidentales à réclamer une autre liberté, plus fondamentale encore : la liberté de penser, c’est-à-dire de penser autrement que ne le commandaient les grandes institutions religieuses. C’est ainsi que les libertés de conscience et de religion sont peu à peu devenues des «droits». La plupart des sociétés modernes considèrent aujourd’hui ces droits comme étant très précieux; on ne voudrait pas en être privé, tout en étant conscient qu’ils sont parfois difficiles à appliquer dans le respect mutuel. Mais on vient de voir qu’il n’en a pas toujours été ainsi. Il est d’ailleurs permis de constater que, encore de nos jours, l’exercice des libertés de conscience et de religion exige parfois de longs discernements.

Cela dit, il n’en demeure pas moins que, chacun et chacune étant placés devant ses propres choix, la multiplication des croyances et des appartenances religieuses est devenue progressivement une possibilité, puis une réalité de la société moderne.

o Exprimez en vos propres mots ce que la liberté religieuse représente pour vous.

o Vous arrive-t-il d’exercer votre liberté de pensée et d’action. Si oui, de quelle manière ? Est-ce que cela suscite des réactions ?

De l’uniformité à la diversité

La liberté religieuse – et donc aussi la diversité des croyances – ne s’est pas affirmée de la même manière ni au même rythme partout. En Belgique, en particulier, l’Église et l’État ont été fortement liés jusqu’en 1830, date de la création du pays.Par la suite, le paysage religieux y était passablement uniforme et majoritairement catholique. Le contexte n’y était pas favorable à l’expression d’opinions divergentes. À titre d’exemple, les Témoins de Jéhovah étaient très mal reçus non seulement par l’Église catholique mais aussi par l’Etat. Quant aux promoteurs d’une société laïque, le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’avaient pas bonne presse…

Vers la fin des années 60, l’apparition croissante de nouveaux groupes religieux ne saurait être qu’une simple «coïncidence». Il y a un lien logique entre ces phénomènes; surtout si on tient compte du fait que beaucoup de gens, qui en avaient assez de la «mainmise de l’Église sur la société», ont délaissé toute référence à l’institution religieuse ou se sont tournés vers d’autres croyances.

o Comment les gens réagissaient-ils au pouvoir de l’Église sur la société ?

o D’après vous, quels ont été les principaux changements dans le paysage religieux belges depuis le début des années soixante ?

Pluralisme culturel et religieux

De toute évidence, les changements amorcés au cours des années soixante ont engendré des transformations sociales et culturelles importantes dans notre société. Ce qu’on a mis plus de temps à évaluer cependant – et qu’on n’a pas encore fini de mesurer -, c’est l’impact de ces bouleversements sur l’Église catholique dans notre pays, de même que l’impact de la multiplication des nouveaux groupes religieux dans la société.

Les relations entre les continents se sont accrues considérablement dans le monde depuis un demi-siècle; à l’occasion de l’Expo’58 à Bruxelles, nous avons pu en prendre conscience de manière particulière. La modernisation des moyens de transport a facilité les voyages outre-mer et les échanges inter-culturels. Ces rapprochements ont amené en Europe de nouvelles vagues d’immigration qui s’ajoutèrent à celles qu’on avait déjà connues à la fin de la seconde guerre mondiale. Par le fait même, la présence d’autres grandes traditions religieuses, telles l’islam et l’hindouisme, a commencé à s’affirmer chez nous.

Assez rapidement, le rapprochement avec les cultures orientales a influencé de manière importante la spiritualité d’un grand nombre d’occidentaux et la naissance de nouveaux courants religieux dans notre société. Ces nouveaux courants se sont imposés principalement depuis les années soixante-dix, dans la foulée du mouvement hippy qui avait pris naissance aux États-Unis.

o Dans votre milieu avez-vous été témoin de certains bouleversements au plan religieux? Comment se sont-ils manifestés ?