Le blouson noir de l’amitié

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A quatorze ans, Jean-Pierre travaillait déjà. Il était coursier. Ses études n’avaient jamais marché. L’échec au certificat d’études bouchait son avenir. A quatorze ans, l’âge de toutes les tendresses, le visage de Jean-Pierre portait déjà toutes les cicatrices de la dureté et de la souffrance. Car, chez lui, c’était l’enfer ! Son beau-père buvait et ne supportait pas sa présence. Quand il s’enivrait, il injuriait Jean-Pierre et le rouait de coups. Oui, c’était l’enfer pour ce gosse sensible qui se voyait refuser l’affection naturelle d’un foyer.

Au fur et à mesure qu’il grandissait, son désespoir et sa rage augmentaient. Spontanément, alors qu’il approchait de ses quinze ans, il déserta progressivement la maison détestée pour se réfugier dans la rue et les places du 18e arrondissement de Paris, cette monstrueuse agglomération de 280.000 habitants qui abrite Pigalle et ses vices.

Personne ne l’aimant, il rejoignit très vite les bandes de jeunes adolescents mal aimés : 300 gosses environ, que la solitude et le désarroi avaient attirés et groupés comme un phénomène naturel. Désormais, aux yeux de la société, Jean-Pierre était étiqueté comme « blouson noir », c’est-à-dire comme un sauvage ou un voyou.

Comme les autres, il adopta l’uniforme : cheveux longs et crasseux, blue-jeans en loques, ceinturon le plus voyant possible et le plus solide. Comme les autres, il se lança dans des activités frauduleuses, rançonna les touristes de passage à Pigalle, participa à des vols de voitures, provoqua des bagarres.

Il vivait la nuit, traînant sur les boulevards jusqu’à cinq heures du matin, flânant dans les rues, passant des heures dans les salles de jeux, dans les cinémas bon marché, se battant pour un rien, se faisant ramasser par la police qui chassait les blousons noirs.

Engagé dans ce cycle de violence, Jean-Pierre était mûr pour « tomber » définitivement. La moitié des blousons noirs de sa horde avait déjà connu la prison, les interrogatoires, les maisons de redressement. Toutes les conditions étaient réunies pour qu’il devienne un véritable gangster.

Un soir, à la suite d’une terrible bagarre avec son beau-père qui l’avait frappé plus durement encore, Jean-Pierre lui brisa une bouteille sur la tête et s’enfuit de chez lui, cette fois pour de bon. Mais, pour aller où ?

Par un jeu d’imprévisibles circonstances, il se retrouva dans l’une de ces vingt familles de chrétiens qui, sur le même quartier, s’étaient engagées à recevoir comme un des leurs enfants, chez eux, les blousons noirs qui n’avaient plus pour foyer que les places et les dépôts de police.

J’ai dîné un soir dans la famille qui avait accueilli Jean-Pierre et j’ai compris comment l’amour avait sauvé l’ancien voyou. C’est simple et bouleversant. Monsieur et Madame X et leurs jumeaux de deux ans sont maintenant cinq, le nouveau venu comptant pour un. Le père a trente ans. Il est chef de travaux. Leur appartement, peuplé d’oiseaux en cage, chante le bonheur calme.

Madame X raconte, avec douceur, l’arrivée de Jean-Pierre, dans leur intimité familiale : « Prendre un blouson noir chez nous ! Oui, nous avons hésité ! Tout le monde nous a traités de fous. Mon beau-père m’a supplié de ne pas faire ça. Et puis, nous avons accepté. Depuis longtemps, nous avions envie de faire « quelque chose », nous nous disions qu’être chrétien, ça ne consistait peut-être pas à se contenter de la messe hebdomadaire. Jean-Pierre est donc venu un soir. Il est là depuis cinq mois. Il fait partie de la famille. Nous l’aimons comme notre propre enfant.

Voilà ! Madame X dit cela comme si tout allait de soi. Jean-Pierre, dès le premier jour de son entrée dans la famille, remarqua avec étonnement : « Je n’en reviens pas qu’on s’occupe de moi ! » Un peu plus tard, après qu’il eût regardé vivre cette famille accueillante, il jeta : « Je suis passé de l’enfer au paradis. Je ne croyais pas qu’on pouvait vivre sans se battre et s’injurier. »

Aujourd’hui, Jean-Pierre travaille régulièrement comme manutentionnaire et il espère, dès qu’il aura 17 ans, faire de la formation professionnelle accélérée pour acquérir un métier. A ses hôtes, il répète souvent : « Je voudrais fonder une famille comme la vôtre. »

Jean-Philippe Caudron (Vie Catholique Illustrée, 19 juillet 1964).

1. Pour quelles raisons Jean-Pierre travaillait-il déjà à quatorze ans ?


2. Pour quelles raisons est-ce l’enfer chez lui ?


3. Où se réfugie-t-il ?


4. Comment Jean-Pierre était-il étiqueté désormais ?


5. Quel est l’uniforme des blousons noirs ?


6. Quand vivait-il ?


7. Pour quoi Jean-Pierre était-il mûr ?


8. Que se passe-t-il un soir ?


9. Où se retrouve-t-il ?


10. Qu’est-ce qui a sauvé l’ancien voyou ?


11. Quelle fut la réaction de l’entourage ?


12. De quoi avaient-ils envie de faire depuis longtemps ?


13. Qu’est-ce que Jean-Pierre ne croyait pas ?


14. Que répète-t-il souvent ?

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