Que sait-on de Jésus ?

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Que disent les historiens ? Un vendredi, un homme du nom de Jésus a été crucifié à proximité de Jérusalem. On avait cloué sur la croix un écriteau portant le motif de sa condamnation : « Roi des Juifs. » Auparavant, on avait vu le condamné avancer dans les rues, entouré par les soldats romains. Conformément à la loi et à la coutume, il portait sur ses épaules la barre transversale du gibet. Le matin, il avait comparu devant Pilate, le procurateur, qui avait rendu la sentence de mort selon la loi romaine [1].

Les autorités juives avaient voulu la mort de celui qui avait osé remettre en question la Loi juive, leur loi. Ils voulaient éliminer ce prophète qu’ils estimaient destructeur de tout l’édifice socio-économique religieux d’Israël [2]. Il aurait donc dû être lapidé, selon le mode d’exécution précisé par le droit juif. Lui-même n’avait-il pas entrevu cette éventualité le jour où il disait : « Jérusalem, toi qui lapides les prophètes… ? » Alors, que s’est-il passé ? Pourquoi est-ce que ce sont les Romains qui le mettent en croix comme un vulgaire brigand ou agitateur politique ? Pourquoi le Christ est-il mort à cause de cette Loi alors qu’il était justement venu l’accomplir et non l’abolir, et qu’il avait bouleversé la société de son temps en déclarant que la Loi était faite pour l’homme et non le contraire ?

Selon Matthieu et Luc, Jésus de Nazareth naît à Bethléem, en Palestine, au temps du roi Hérode le Grand, lors d’un voyage de ses parents [3]. Comme il n’y a pas de place dans les auberges, Marie, sa mère accouche dans une grotte qui sert d’étable. L’enfant reçoit l’hommage de trois « Rois mages », Melchior, Gaspard et Balthazar, venus d’Orient lui offrir l’or, l’encens et la myrrhe. Mais, Hérode, prévenu de la naissance d’un roi des Juifs, ordonne de tuer tous les nouveau-nés. Prévenu par un songe (ainsi que les rois mages), Joseph, son père et l’époux de Marie, s’enfuit en Egypte avec sa famille, avant de regagner Nazareth en Galilée. Certainement charpentier comme Joseph, Jésus mène une vie « cachée » jusqu’à l’âge de 30 ans selon la tradition.

Les réalités d’une naissance miraculeuse.

Jésus est originaire de Nazareth en Galilée : tel est l’état civil qui va figurer sur son acte de condamnation. Pourtant, ses origines seraient en Judée puisque, pour Matthieu et Luc, il descendrait du roi David. Sa généalogie est connue et plutôt insolite car on y retrouve Thamar l’incestueuse, Rahab la prostituée, Bethsabée l’adultère et Ruth l’étrangère. Selon les deux évangélistes, il appartiendrait à une vieille famille juive [4]. C’est à Bethléem qu’il est peut-être né, mais on ne peut préciser ni le lieu ni la date exacte de sa naissance puisque les Evangiles se réfèrent soit au règne d’Hérode le Grand, qui mourut en 4 avant notre ère, soit au recensement de Quirinus, qui a pu avoir lieu soit entre 12 et 8, soit en 6 de notre ère. En tout cas, la date « officielle » de la naissance de Jésus, qui détermine notre ère fut calculée au VIe siècle sur des bases erronées.

Pour raconter l’événement, les évangiles utilisent des stéréotypes. La grotte est, dans l’Antiquité, un lieu privilégié de contact avec l’au-delà. Les « Rois-mages » expriment la fascination de l’époque pour l’astrologie mésopotamienne. Les bergers décrivent la volonté de reconnaissance du bon pasteur. L’épisode du massacre des innocents transpose l’exécution des enfants hébreux par le pharaon avant la sortie d’Egypte. Tout cela décrit une naissance miraculeuse, celle du messie-roi, fils de David, tel que l’attendaient pharisiens et esséniens.

La virginité de sa mère est une affirmation plus originale dans le contexte des religions orientales. Mais, le mariage « blanc » de Marie et de Joseph correspond à une pratique des esséniens. En tout cas, la famille de Jésus a son importance et elle jouera son rôle dans l’Eglise de la première génération.

Le milieu galiléen est très ouvert : la population est cosmopolite et certaines villes, comme Césarée, sont très hellénisées. Les ports phéniciens sont tout proches. Jésus vit donc au contact de païens et sa langue est l’araméen, qui est même utilisé à la synagogue. Il apprend à lire et à écrire. Son métier manuel (charpentier) et sa connaissance de la campagne ne permettent pas de le situer précisément dans la société de son temps, dont il reflète pourtant les préoccupations.

La rencontre des baptistes.

Comme bien d’autres juifs, Jésus quitte son village pour s’intégrer à un groupe en recherche de Dieu. Il rejoint les baptistes, qui refusent la religion formaliste, dépendante du Temple. Dans l’attente d’une manifestation de Dieu, ils se distinguent par leur exigence de pureté, dont le baptême est le symbole. Jean le Baptiste prêche le repentir et la conversion. Après l’avoir rencontré, Jésus découvre sa mission prophétique et recrute dans ce milieu ses premiers disciples.

Il prend vite la tête d’un petit groupe indépendant, et ne suit pas le Baptiste dans son ascétisme et son refus du monde. Lui-même ne baptisera pas, prêchant à la manière d’un docteur, d’un savant. Ses disciples viennent de partout et le groupe de Jésus semble particulièrement ouvert, alors que les sectes du temps sont très exclusives.

Un prédicateur itinérant.

Jésus fait à maintes reprises retraite au désert, mais il prêche surtout en milieu urbain. Sa mission, inaugurée dans les synagogues de Galilée et notamment au moment du sermon sur la montagne par l’annonce de la venue du royaume et les conditions requises pour pouvoir y entrer, s’ouvre aux Samaritains, marginalisés par les Juifs, aux Syriens et même aux Romains sympathisants du judaïsme. Elle s’inscrit dans la tradition du prosélytisme pratiqué par certains pharisiens mais refusé par les esséniens et par le parti du Temple, plus soucieux d’affirmer l’identité juive. [5]

Jésus se déplace beaucoup entre la Galilée et Jérusalem. Mais, on ne sait pas établir le nombre de ses séjours à Jérusalem ni la durée de sa prédication : tout pourrait se réduire à un an, selon l’évangile de Marc, ou se développer sur trois années, selon celui de Jean. Il fait par ailleurs d’autres voyages, en Phénicie et dans la décapole, au nord et à l’est de la Galilée. Il utilise l’hospitalité d’amis et de sympathisants, ce qui l’introduit parmi les patrons pêcheurs aussi bien que parmi les fonctionnaires ou les intellectuels. Accueilli dans les familles, il fait surtout des adeptes parmi les femmes : celles-ci sont nombreuses à contribuer à sa mission et à l’accompagner dans ses déplacements, ce qui est assez singulier pour l’époque, mais révélateur de l’intérêt que Jésus porte à leurs aspirations mystiques.

L’enseignement de Jésus.

La nouveauté de l’enseignement de Jésus surgit à travers ses actes et ses attitudes : elle fait corps avec lui. Ses rencontres et ses initiatives mettent en œuvre son message. Même si les évangiles ont pratiqué des regroupements de miracles, de dits, de paraboles, de controverses, tout était mêlé, aux jours où le jeune prédicateur allait de village en village à travers la Galilée.

Le message, c’est d’abord le contact avec tous. Jésus donne parfois des explications supplémentaires au groupe de ceux qui l’accompagnent, et il vit avec eux un rapport de maître à disciples, dont ils recueilleront et transmettront le contenu. Mais, son enseignement n’est ni ésotérique ni réservé : c’est au peuple qu’il annonce la proximité du Règne de Dieu. Il en donne d’ailleurs les premiers signes, concrets, de la création nouvelle : on voit, on marche, on guérit, on est réintégré dans la société [6].

L’enseignement de Jésus est donc varié. Il énonce des règles de vie sociale, mais surtout il prophétise. Certaines exhortations à la conversion, les prédictions sur la fin du monde ou les malédictions ont des accents qui rappellent la tradition des anciens prophètes. Mais, Jésus pratique aussi la méthode des rabbins de son temps qui est d’utiliser des récits illustrés appelés « paraboles » et qui sera son mode d’expression privilégié pour inviter subtilement à en accueillir la nouveauté de son enseignement, sans même s’en apercevoir. Mais, qu’on ne se méprenne pas : la parabole n’est pas un procédé un peu simpliste pour faire comprendre à des esprits épais des vérités profondes ou pour traduire en termes concrets des considérations abstraites. Elle est un mode de communication très fin qui évite tout blocage, implique l’auditeur et le conduit à prendre position à son insu.

La vocation de prophète de Jésus se manifeste nettement quand il chasse les « démons » et guérit les malades, car juifs et païens s’attendent à des manifestations surnaturelles de la part d’un homme de Dieu. La maladie a un aspect religieux : imputée à des esprits mauvais, omniprésents, elle doit inciter au repentir et à la purification. Les pharisiens reconnaissent d’ailleurs que certains d’entre eux peuvent faire des miracles, mais ils exigent de strictes vérifications pour distinguer les vrais thaumaturges des magiciens. Dans les synagogues, on commente abondamment les miracles de la Bible, que le Messie devra accomplir à son tour. Ainsi Jésus est-il peu à peu perçu comme le Messie-Roi, celui qui proclame le règne de Dieu, celui qu’annoncent les psaumes et qu’attendent les esséniens.

L’idée de l’avènement du Messie est très contestataire, dans un pays en pleine effervescence et imprégné d’un nationalisme exacerbé. L’administration romaine, contrôle le pays, le pouvoir politique appartient aux Hérodiens, convertis d’origine étrangère, trop hellénisés, à qui les pharisiens ne pardonnent pas leur usurpation du pouvoir, tandis que les baptistes critiquent leur mode de vie, ce qui vaut à jean d’être exécuté, sur les instances de la femme d’Hérode agissant à travers sa fille.

Le recensement de l’an 6 est l’occasion d’un soulèvement en Galilée. Un esprit de révolte marqué par des mouvements de résistance sporadiques s’instaure et on peut supposer que certains disciples de Jésus, comme Judas Iscariote, en sont proches.

Le climat n’a pas encore la violence que connaîtra la Palestine à partir de 45, mais Jésus doit veiller à se démarquer des implications politiques du messianisme. Il n’utilise pas volontiers son titre de Messie, préférant celui de « Fils de l’homme ». Il insiste sur la valeur de la souffrance, qui sauve les hommes et non sur la puissance et la gloire. Le salut qu’il promet est d’ordre mystique et non pas révolutionnaire : il refuse la grève de l’impôt, s’enfuit dans la montagne pour éviter d’être roi. Il prêche la conversion individuelle, sa prédication est de plus en plus centrée sur le thème de sa mort et de sa résurrection.Autre exemple, Jésus ne veut pas supprimer le sabbat. Il montre que le sabbat n’est pas un absolu car il a une finalité supérieure qui l’englobe : servir la vie, sauver l’homme. Il n’abolit pas la loi, il la situe dans une lumière nouvelle afin qu’elle puisse s’accomplir : celle de l’amour, de la miséricorde, de la justice.

Pourtant, dès qu’il commence à parcourir les bourgs de Galilée, le prophète de Nazareth ne cesse d’ébranler tout ce qui fait l’autorité de la nation : il va vers les exclus et les étrangers, il viole le sabbat et les rites de pureté, il conteste l’autorité morale des scribes, des prêtres et des pharisiens… et tout cela au nom de Dieu qu’il ose nommer son « père » (cfr. Notre Père qui…). Sa manière de parler d’un Dieu qui aime sans limite, sa manière de le manifester par ses actes, est dérangeante. Et puis, il prend des libertés comme s’il jouissait de l’autorité de Dieu lui-même. Ainsi quand il pardonne au paralysé de Capharnaüm, les scribes se montrent scandalisés : « Pourquoi cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés sinon Dieu seul (Mc II, 7) ? » Enfin, dans sa parabole du Samaritain, pour flétrir l’indifférence inhumaine, il met en scène un prêtre, un lévite. C’est un inqualifiable outrage que les autorités de Jérusalem, et principalement le groupe des sadducéens, parti clérical, aristocratique et fort ami des romains, ont décidé de faire payer au Christ.

Une condamnation pour l’exemple.

Ce n’est pas la croyance de Jésus en la résurrection qui choque l’opinion, car elle est répandue chez les pharisiens, quoique apparue tardivement ni même ses miracles. Non, ce qui lui vaut les plus d’ennemis, c’est l’ambiguïté de ses propos sur le Temple [7]. Jésus affirme que Dieu habite le cœur de l’homme, et ne privilégie pas l’édifice de pierre. Il compare son propre corps au Temple et en prédit la destruction. Il peut ainsi apparaître aussi détaché des rites que certains Juifs de la Diaspora, totalement hellénisés. Mais cette méfiance n’aurait pas suffi à décider de la mort de Jésus s’il n’y avait pas eu plus grave : son scandale au Temple dont il chasse les marchands et les bêtes à sacrifier de l’esplanade, où il renverse les tables des changeurs, perturbant ainsi le rituel des sacrifices. Cela ressemble à une provocation. Car les prêtres et les sadducéens tirent du Temple leur prestige, leur autorité et … leurs revenus ! Jésus parle même de détruire le lieu saint ! En fait, c’est tout l’édifice religieux et social d’Israël qu’il met ainsi en péril. Il faut donc éliminer ce prophète destructeur [8].

Aussi la milice du grand prêtre se chargera-t-elle de son arrestation [9]. La résistance juive s’organise. Le sanhédrin publie une ordonnance demandant de venir dénoncer Jésus si on sait où il se trouve (Jn XI, 57). On multiplie les pièges pour le prendre en faute et pouvoir ainsi le lapider selon la loi juive (cfr. La femme adultère ou l’impôt à César).

Mais le véritable catalyseur de toutes les oppositions est l’accueil royal que reçoit Jésus à Jérusalem, à la veille de la pâque. Il avait échappé à la foule en liesse en se réfugiant à Ephraïm. Mais, c’est cette même foule qui vient le chercher à Béthanie et qui l’escorte à Jérusalem, où il entre en Messie. Tous attendent une révolution, mais jésus continue son enseignement et retourne à Béthanie. La foule est désenchantée, l’événement semble sans lendemain. Mais, les notables ont peur : Jésus est désormais considéré comme un élément subversif qu’il faut éliminer. On utilise la déception et la frustration d’un de ses disciples : Judas.

Arrêté en pleine nuit pour éviter une éventuelle émeute, Jésus comparaît le lendemain matin d’abord devant le Conseil des Juifs, le sanhédrin, réuni par le grand prêtre. Il n’a d’autre « ordre du jour » que de muer en une sentence régulière la résolution informelle prise quelques temps plus tôt. Pourtant, ce n’est pas un procès mais plutôt un interrogatoire visant à obtenir des aveux de blasphème. Le sanhédrin ne peut pas condamner à mort le Christ car le procurateur romain, Ponce Pilate, est présent à Jérusalem à cause de la pâque juive pour éviter d’éventuels débordements. A cette occasion, en effet, le procurateur, qui réside toujours à Césarée maritime en temps normal, le long de la côte, monte à Jérusalem avec des troupes supplémentaires, tant que dure la fête et ce rassemblement de foules venues de toutes part, occasion de troubles nationalistes toujours possibles, toujours à craindre.

Au cours du procès romain, devant le procurateur romain Ponce Pilate, représentant de César et détenteur d’un pouvoir absolu, l’accusation développe les griefs d’agitation et de subversion en mentionnant au passage qu’il est de Galilée [10], les seuls retenus par la loi romaine, laquelle ne connaît ni les délits d’opinion ni les délits religieux [11]. Pilate comprend sans peine que les prêtres, pour des raisons qui ne l’intéressent en rien, cherchent à lui soutirer une sentence de mort contre cet homme qui ne lui paraît pourtant pas tel qu’on le décrit. L’affaire, néanmoins, est délicate, car il lui est difficile de se montrer moins attentif aux intérêts de César que ces collaborateurs subitement pleins de zèle, d’autant plus que Pilate se sait surveillé par Rome. Pilate aurait donc cédé, selon la tradition, peut-être parce qu’il est dans la dépendance du légat de Syrie et qu’il risquerait d’être dénoncé pour incurie à son supérieur, ou bien peut-être a-t-il manœuvré le sanhédrin en lui faisant croire qu’il avait encore un semblant de pouvoir et renforcé ainsi par la même occasion l’autorité romaine en se débarrassant d’un éventuel gêneur se faisant passer pour un roi.

C’est donc comme « roi des Juifs », aspirant à la royauté et coupable de lèse-majesté, que Jésus est condamné et exécuté. Le fait de l’associer à deux brigands, les larrons de la Tradition, c’est-à-dire à des révolutionnaires, ajoute à l’apparence d’une affaire politique [12]. Pour Pilate, l’affaire Jésus n’est qu’un désagréable incident local. Le légat impérial de Syrie n’y attachera, on peut le présumer, qu’une attention distraite. Petit drame banal et sans gravité, qu’a réglé, très vite et comme il le fallait, son subordonné Pilate. Quant au rapport officiel, s’il y a eu un rapport, il est infiniment probable qu’il fut classé sans suite, à peine parcouru, d’un regard blasé.

Le mode d’exécution est la crucifixion. C’est le mode le plus cruel utilisé par les Romains pour servir d’exemple dans les révoltes populaires et les révoltes serviles comme celle menée par Spartacus. Comme tous les condamnés, Jésus transporte la poutre transversale de la croix jusqu’au lieu de l’exécution. Il porte aussi un écriteau indiquant en trois langues le motif de sa condamnation. On l’anesthésie quelque avec du vin avant de le clouer au poteau. Il meurt très vite d’asphyxie et on l’enterre rapidement. On est, sans doute, le vendredi 7 avril 30, veille du sabbat pascal. Le reste appartient à l’Histoire et est une question de foi.

Notes.

[1] La pratique de la crucifixion était fréquente. C’était un supplice déshonorant que les Romains réservaient à leurs esclaves ou aux étrangers. Les citoyens romains qui devaient subir la peine capitale étaient, eux, décapité, comme ce fut le cas de saint Paul. Depuis que les légions romaines étaient apparues en Palestine, en 63 avant J.C., on avait souvent vu des cohortes de suppliciés : Rome n’était pas tendre pour les résistants de l’époque. Un jour, spectacle d’épouvante, deux milles croix avaient été dressés autour de Jérusalem. Ainsi se terminaient les tentatives de soulèvement. On ne s’étonnait plus en voyant dressée vers le ciel la poutre qui attendait la barre transversale, et en entendant passer dans les rues dallées les misérables cortèges.

[2] Le contrôle de la Galilée et des régions voisines par les Romains a bouleversé le mode de vie des villages juifs à un tel point qu’il apparaît clairement que le ministère de Jésus, qui offrait un espoir de renouvellement des traditions, fut une réponse à ces transformations et que les paroles de Jésus sont l’écho de la situation sociale de l’époque (Heureux vous les pauvres …).

[3] L’année 754 de Rome a été retenue par le moine Denys le Petit (VIe siècle). Depuis le XIX siècle, certains historiens ont estimé vraisemblables les dates de 759 ou 760 de Rome (5 ou 4 pcn). D’autres 749 ou 750 (5 ou 4 acn, à cause de la mort d’Hérode le Grand (750 de Rome) ou 745 (8 acn, à cause du recensement ordonné par l’empereur Auguste). Au XXe siècle, certains astronomes ont voulu déterminer la date exacte de la naissance de Jésus d’après celle de l’étoile de Mages (hyp. : 12 acn, comète de Halley (assimilée à l’étoile des Mages depuis 1305, Zabulon étant au zénith de la comète) ; 7 acn, triple conjonction Mars-Jupiter-Saturne ; 6 acn, double conjonction entre Mars et Jupiter ; apparition de la nova du Capricorne ; 4 acn, passage de la comète de l’Aigle ; 2 acn, conjonction Jupiter-Vénus (17/06). Mais, les récits évangéliques ne prétendent pas à la précision astronomique.

[4] Les généalogies de Jésus diffèrent cependant entre Matthieu et Luc. Chaque auteur a son point de vue. Les deux généalogies soulignent avec force que Jésus est de la race des hommes, mais Luc insiste sur l’universalité notamment en remontant jusqu’à Adam, tandis que Matthieu se rattache davantage à Israël. On peut donc conclure en comparant les deux auteurs que Jésus est Fils de l’Homme et Fils de David.

[5] On imagine la stupeur de ceux qui avaient vu et entendu le « prophète galiléen » : les Romains avaient-ils quelque chose à lui reprocher ? Jamais, il n’avait pris les armes ou prêché l’insurrection. Beaucoup avaient même été déçus de le voir fuir quand on avait voulu le faire roi. Certains avaient critiqué sa non-violence comme un signe de faiblesse. Alors, pourquoi en était-il arrivé à se voir infliger le supplice romain ?

[6] Il faut bien le constater : ceux qui ont voulu la mort de Jésus, on fait faussement de lui un agitateur politique aux yeux des Romains pour que ceux-ci endossent la responsabilité de l’arrêt de mort et pour obtenir d’eux une exécution rapide du jugement, avant la fête de la Pâque toute proche.

[7] Alors, qui furent les instigateurs ? C’est parmi les sadducéens – les aristocrates de Jérusalem parmi lesquels on recrutait les prêtres et les grands prêtres – qu’il faut les chercher. Ce groupe détenait ce qui restait du pouvoir depuis l’occupation romaine : il jouait le jeu de la collaboration. Il se méfiait de la Galilée où l’on voyait périodiquement éclater des révoltes. Ce Jésus ne risquait-il pas, un jour, d’être le brûlot qui occasionnerait une flambée nationaliste et une répression romaine ? « Mieux valait qu’un seul homme meure… » comme ils disaient.

[8] C’est sous l’accusation de blasphème que Jésus comparaît donc devant le sanhédrin. Il a blasphémé, dit le sanhédrin, parce qu’il s’est fait l’égal de Dieu, son Fils. « Le Grand Prêtre lui dit : « Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es, toi, le Messie, le Fils de Dieu. » Jésus lui répond : « Tu le dis. Seulement, je vous le déclare, désormais vous verrez le Fils de l’homme siégeant à la droite du Tout-Puissant et venant sur les nuées du ciel ». Alors le Grand Prêtre déchira ses vêtements et dit : « Il a blasphémé. Qu’avons-nous encore besoin de témoins ! Vous venez d’entendre le blasphème. Quel est votre avis ? » Ils répondirent : « Il mérite la mort » (Mt XXVI, 65-66) ».

[9] Comme l’indique le passage de jean (Jn XVIII, 3) des soldats romains en auraient fait également partie. Ce qui n’est pas inadmissible. Anne et Caïphe ayant sans doute eu l’habilité de requérir l’appui des forces romaines contre l’individu dangereux qu’on s’apprête à leur livrer.

[10] Détail utile car la Galilée a mauvaise réputation. Les tumultes de résistants y sont fréquents.

[11] Cependant, c’est ce même motif de blasphème que les Juifs allèguent Jésus devant Pilate : « Nous avons une loi, et selon cette loi, il doit mourir parce qu’il se fait Fils de Dieu (Jn XIX, 7) ». Mais c’est finalement en faisant passer Jésus comme l’ennemi de César – en travestissant ainsi les vraies raisons de leur hargne – que les autorités juives emportent la décision de Pilate de le faire crucifier : « Si tu le relâchais, tu ne te conduirais pas comme l’ami de César ! Car quiconque se fait roi, se déclare contre César (Jn XIX, 12) (…) C’est alors qu’il le leur livra pour être crucifié (Jn XIX, 16). »

[12] Traditionnellement, la date de la mort reconnue officiellement par l’Eglise est celle du vendredi 3/4/33 (jour d’une éclipse visible à Jérusalem). Deux autres dates ont également été retenues : les vendredi 18/3/29 et 7/4/30. En 1974, Roger Russk (un Américain) a démontré que Jésus est mort le jeudi juste avant la Pâque juive du 14 nissan, le 6 avril 30 ; ayant ressuscité le dimanche, il est bien resté trois jours au tombeau et non deux comme on est forcé de conclure, quand on situe sa mort un vendredi.