Le complexe d’Œdipe

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L’enfant avant l’âge de quatre ans découvre la différence sexuelle ; Il sait qu’il est un garçon ou une fille et se sent attiré par le parent du sexe opposé tandis que celui du même sexe est perçu comme un rival. C’est la période du complexe d’Œdipe. Ce complexe met du temps à se résoudre : l’enfant doit comprendre et accepter qu’il ne peut épouser son père ou sa mère et qu’il peut admirer le parent du même sexe.
Le complexe d’Œdipe définit donc un moment fondamental de l’existence de l’enfant caractérisé par une violente tendresse pour la mère et une affectivité ambivalente pour le père. L’étude des névroses permet à Freud de décrire la formation de ce complexe triangulaire, qui diffère selon le sexe mais non quant à sa structure. Primitivement, le premier objet d’amour pour tout enfant est sa mère. Tout en aimant son père, il en vient à souhaiter sa mort pour l’éliminer comme rival. C’est ce mélange de haine et d’amour que Freud nomme ambivalence. Mais, l’enfant craint que ses souhaits de mort soient partagés par son père. Cette peur se manifeste sous la forme de l’angoisse de la castration. Le petit garçon va alors renoncer à la mère comme premier objet de son désir. Il se contentera notamment de se mettre entre les deux parents dans le divan ou dans le lit. Pour la fille, le complexe de castration ne marque pas la fin du complexe d’Electre mais son commencement. Lorsqu’elle découvre la différence des sexes, elle en éprouve un profond dépit et en rend sa mère responsable. Cette haine à l’égard de la mère va la pousser vers le père. Le désir de posséder un pénis se transforme en désir d’avoir un enfant du père. En renonçant à ce désir, elle accède à une sexualité adulte. Il arrive que l’enfant ne renonce jamais à la mère comme premier objet de son désir. La fixation du garçon à la mère peut conduire à l’homosexualité ou à la névrose obsessionnelle. Celle de la fille au père peut entraîner une culpabilisation générale de la sexualité sous forme d’hystérie. De plus, les complexes mettent en évidence la notion d’objet creux et d’objet plein qui sera nécessaire pour le développement normal de la sexualité.
Quelle fillette n’a-t-elle pas rêvé d’évincer sa mère et de séduire son père alors que ce n’était pas permis… quel gamin ne s’est-il pas vu tuer son père lors d’un rêve (sous forme de loup ou de « méchants ») et protéger, tel un héros, sa mère et les autres enfants s’il y en a ?
Le développement « normal » de l’enfant implique, à un moment donné de son évolution personnelle, ce désir de supprimer le parent du même sexe et de s’approprier l’autre. Ce désir inconscient et brûlant un temps, est confronté à la réalité et à ses interdits. Il se calme le plus souvent peu à peu et s’éteint au profit d’autres intérêts et d’autres amours.
Il arrive cependant que l’amour « amoureux » du fils pour sa mère et de la fille pour son père ne s’éteigne pas, qu’en restant actif et virulent, il prenne des teintes noires et obscurcisse alors toute la vie de famille lorsqu’il n’est – heureusement – pas satisfait.
Il arrive parfois qu’un enfant ne supporte pas ce qu’on appelle classiquement « l’interdit de l’inceste » et le manifeste par son incapacité à supporter tout autre interdit. En boudant, râlant, criant, en se mettant en colère face à chaque interdiction et règle, il continue à manifester son désaccord profond face à l’interdiction implicite, peu claire pour lui : l’interdit d’être l’homme de maman, la femme de papa. Il peut alors transformer la vie de famille en un véritable cauchemar.
De jour en jour, Camille utilise son énergie à charmer son père. Il est charmé… comme un père. Mais, elle le séduit, elle, comme une femme. Ils ne sont plus sur la même longueur d’ondes.
Pourquoi ne l’emmène-t-il pas dîner comme maman ? Parce qu’il est charmé comme un père, pas comme un amoureux. Et Camille de pester, de râler à tout bout de champ, de pousser sa mère dans ses retranchements et d’en vouloir à son père, prétendant qu’on ne l’aime pas…
Effectivement, « on » ne l’aime pas comme elle le voudrait. Mais, on l’aime quand même. Elle est « difficile », dit-on dans l’entourage. En fait, elle a un chagrin d’amour, elle n’en voit pas la fin.
« Dire » ce qu’il en est remet l’enfant à sa place d’enfant. « Je ne t’emmène pas dîner parce que tu es ma fille. Je t’aime comme une fille, pas comme une femme. Un jour, un homme qui t’aimera et que tu aimeras t’emmènera aussi dîner ».
Dire les choses clairement permet à l’enfant de perdre ses illusions étouffantes, de retomber sur terre. La chute, peut-être douloureuse, lui permettra néanmoins de passer à autre chose.
Pour la majorité des familles actuelles, cet interdit incestueux est évident… mais est-il explicite ? Ce qui coule de source pour l’adulte n’est pas pour autant clair comme de l’eau de roche chez l’enfant, surtout lorsqu’il désire ce qu’il ne peut pas avoir.
Il semblerait parfois que l’enfant devrait comprendre tout seul et parfois, il ne comprend rien. L’on sait comment, en amour, il est difficile, voire impossible, de faire le deuil de celui qui, aimé, laisse planer le doute. Comme l’amante a besoin de s’entendre dire qu’elle n’est pas la femme de la vie de celui qu’elle aime pour pouvoir tourner la page, Camille demande qu’on lui explique ce qu’il en est. Elle ne sera jamais la femme de son père non parce qu’elle n’est pas jolie ou pas gentille, mais parce qu’il s’agit d’une règle chez les humains, et que les règles servent à quelque chose.