Vestiges du stade dominant-dominé et traits du caractère

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L’érotisme lié à ce stade se retrouve plus tard, notamment dans l’acte de déféquer et le plaisir qui est lié. L’agressivité de ce stade est caractérisée par les comportements et le vocabulaire scatologiques. Ce stade est aussi lié à la manipulation magique et cathartique du langage sous la forme notamment des blagues (« lâcher une vanne », tout le plaisir trouvé à se contenir, à se retenir jusqu’à la fin vécue comme une libération) mais aussi dans tous les jeux avec les mots et le langage. « Les mots eux-mêmes, en dehors de leur contexte, gardaient pour elle leur signification. Elle aimait à les prononcer tout haut, à les lancer contre les murs où ils rebondissaient avec un écho mat, à en remplir la pièce, à les arrondir, à les faire tomber, petites gouttes fragiles, sur le sol où ils s’écrasaient sans bruit, à les lancer par la fenêtre, ballons jetés au vent-dérive, à se les renvoyer, la bouche ronde, devant un miroir, elle aimait aussi à les retenir en elle, à les dire très doucement, à les caresser… » (Catherine, 26 ans).
Selon Freud, les excréments pouvaient être introjectés, gardés, retenus, aimés et donc considérés comme étant précieux. C’est là qu’il faut voir le point de départ de l’attachement aux objets : depuis le trésor de l’enfant (boîte dans laquelle il entasse n’importe quoi ayant une valeur toute subjective) ou de l’adulte (tiroir, coffre ; cf. ces personnes qui entassent tout et ne jettent jamais rien en prétextant que « ça peut toujours servir »), le spotting (rassembler des objets identiques : images, billes, scoubidous, verres à bière), jusqu’aux collections monnayables (timbres, livres, disques, monnaies, poupées, femmes ( ?)) et donc l’argent. La passion de l’objet amène à le considérer comme une chose créée par Dieu : un collectionneur d’œufs en porcelaine trouve que Dieu n’a jamais crée de forme aussi belle ni plus singulière et qu’il l’a imaginée pour la seule joie des collectionneurs… » (M. Rheims, « La vie étrange des objets »). « Je suis fou de cet objet, disent-ils. On frise le sublime, le fanatisme et il y a là un parfum de harem » (Baudrillard). Ces différents objets sont soumis aux pulsions contradictoires de ce stade et Baudrillard (« Le système des objets », Médiations, Denoël/Gonthier, 1968) cite le cas de collectionneurs qui en une nuit détruisirent le travail de toute une vie.
La composante oppositionnelle se retrouve décuplée chez l’enfant « caractériel » ou chez le délinquant pour qui l’agressivité, le vandalisme, le sadisme (vis-à-vis des adultes, des autres enfants ou des animaux), l’opposition, le défi, le combat sont les seules possibilités de vivre, d’exister, d’être, et, démarche désespérée et désespérante, peut-être de se faire reconnaître (en cassant).
Le dégoût et la honte sont des formes réactionnelles héritées de cette période. La publicité et le marché de la production les exploitent, les amplifient au maximum et nous conditionnent au point de refouler pratiquement l’acte d’élimination qui devient invisible (même chez les bébés), inodore (Utilisez tel désodorisant que vous cacherez par un procédé subtil), inaudible (usage de certaines souffleries d’aération qui cachent par le bruit), désinfecté, aseptisé.
Par déplacement possible du mécanisme, la honte et le dégoût peuvent aussi se porter sur les autres odeurs et bruits corporels. Vous êtes alors dérangé par le bruit que fait votre estomac, par les mauvaises haleines (Utilisez tel dentifrice, tel bain de bouche, tel chewing-gum,… ) ou les odeurs corporelles (Utilisation de déodorant, de bain-mousse, de « Dévorodor, … ». Un extra-terrestre, analysant de sa planète la quantité et le contenu des publicités pour désodorisants ne pourrait en arriver qu’à une seule conclusion : l’être humain « pue », et surtout la femme (B. Groult, Ainsi soit-elle, p. 81).
Si l’érotisme scatologique est devenu une source de honte et de culpabilité, plus tard, un déplacement pourra être à la base de sentiments identiques à l’égard de la sexualité ou du corps dans son entièreté. « Dans la publicité du dépilatoire et du déodorant, (…) ce n’est pas seulement une odeur qui est supprimée, ce peut être aussi pour la femme l’image odorante et coupable de son corps. C’est bien pourquoi, dans ce type de publicité, il apparaît souvent nécessaire de récupérer la sexualité que le produit annule d’une certaine manière : privée de son odeur, la femme doit récupérer sur le plan de l’exhibition de son corps, récupérer ce qu’elle a perdu grâce l’érotisme pour bien mettre en évidence que le corps existe toujours ». (Jean Zurfluh, « Pour une psychanalyse de la publicité. ») La femme est d’ailleurs bien conditionnée à rester toujours fraîche, même et surtout lors des règles : pas question que cela se voit, se remarque, se sente, se devine. Les mots, les couleurs (utilisation des blancs, verts, roses…), les gestes eux-mêmes deviennent « tabous ». Ainsi, dans une publicité : « Pratique et hygiénique, l’applicateur XXX : je peux placer mon tampon en douceur sans avoir à le toucher. Je ne me salis pas les mains, et puis l’applicateur se jette dans les toilettes. ». Les textes des annonces des poudres à lessiver ou des produits d’entretien présentent bien la saleté comme une substance à expulser, à combattre : « Le nouvel XXX super-détergent expulse la saleté qui vous résistait jusqu’ici… dans une chemise propre, XXX trouve encore de la saleté ! » Ces arguments trouveront une résonance particulière chez les ménagères obsessionnelles qui n’en ont jamais fini avec… la saleté.
Les traits fondamentaux de ce caractère constituent la fameuse triade : manie de l’ordre, parcimonie, entêtement. La manie de l’ordre se manifeste par le goût du rangement, le souci de la propreté, la minutie, la recherche de la précision, la tendance au classement, au collectionisme. La parcimonie confine parfois à l’avarice, mais souvent il s’agit du plaisir de posséder, de garder pour soi, d’où une comptabilité minutieuse de ce que l’on doit et de ce qui vous est dû. Les règlements d’argent, les prestations de service, les échanges d’objets sont assurés au « compte-goutte ». La parcimonie s’applique également au temps et à tout ce qui peut être identifié à un bien (opinion, sentiment vis-à-vis d’autrui, etc.). L’entêtement, enfin, se voit dans l’attachement à ses opinions, une attitude continuellement critique à l’égard de celle d’autrui, un refus de se laisser influencer ou dominer par l’autre.