P. Gosling, les conditionnements psychologiques : Ivan Petrovitch Pavlov ( 1849-1936)

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En Psychophysiologie, le conditionnement est un terme qui, dans son acceptation la plus large, indique la possibilité d’inciter l’individu à se conduire d’une manière bien définie.

C’est au psychophysiologiste russe Ivan Petrovitch Pavlov que revient le mérite d’avoir fait du conditionnement un concept bien précis. Pavlov entendn par là un phénomène naturel ou artificiel élaboré qui consiste dans la formation et le fonctionnement de liens nerveux momentanés entre un des nombreux facteurs se rapportant au milieu et une activité bien déterminée de l’organisme. Deux physiologistes, Claude Bernard en France, et Ivan Mikhaïlovitch Sétchenov en Russie, en soutenant le déterminisme des faits biologiques, exigeaient avec une perspicacité particulière une étude des phénomènes de l’intellect par les mêmes méthodes que celles employées pour les autres phénomènes de la vie.

Dans le cadre de cette étude, Pavlov réalisa son expérience (dite de la sécrétion psychique), où il stimula la salivation d’un chien dans des conditions déterminées. La présentation de la viande au chien provoquait chez celui-ci une réaction mesurable à travers sa sécrétion salivaire. Dans un second temps, cette présentation était précédée d’un son de clochette. On observait au bout d’un certain temps que le seul son provoquait la salivation. Cette constatation induisit le savant russe à penser que les phénomènes du monde extérieur opéraient directement sur l’organisme à travers  le système nerveux central ou, mieux, par l’entremise de son segment supérieur, l’écorce cérébrale. Pavlov entrevit le phénomène des réflexes un moyen plus adapté à l’étude objective des centres nerveux supérieurs. L’expérience classique dite de la sécrétion psychique permet d’établir les éléments de base de tout processus de conditionnement.

D’abord, une réaction inconditionnée (salivation) qui est la réponse de l’organisme à une excitation provenant du milieu ambiant. Sa principale caractéristique est de n’être soumis à aucune condition, sinon d’être provoquée de manière approprié (réflexe inné).

Ensuite, la stimulation inconditionnée et absolue (présentation de la viande) qui est un signal, un événement venu de l’extérieur, provoquant d’une manière constante la réaction inconditionnée et représentant l’élément moteur de la mise en condition.

Enfin, un stimulant extérieur neutre (son de clochette), indifférent au départ puisqu’il ne provoque pas la réaction inconditionnée désirée (salivation), mais devenant actif au cours de la mise en condition, grâce à l’association répétée de celui-ci avec le stimulant inconditionné. Le stimulant neutre acquiert, nonobstant la persistance de sa nature physique, une nouvelle signification psychologique.

Le stimulus conditionné (le son d’une clochette) ne prend pas la place du stimulus non conditionné (la viande), mais il établit avec ce dernier une relation originale, un lien dans le système nerveux du sujet : c’est justement ce lien entre les deux événements (la viande et le son de la clochette) se rapportant au milieu et à la réaction de l’organisme qui représente le « conditionnement ». A la notion de conditionnement classique s’est ajoutée peu à peu celle de conditionnement-instrument orienté vers un but précis (apprentissage).

Le conditionnement qui, au stade élémentaire, est un auxiliaire dans la vie quotidienne (arrêt des voitures au feu rouge, par ex.), pose immédiatement un grave problème lorsque nous sommes victimes de pressions extérieures comme la propagande et la publicité.

Ainsi, des hommes se sont aperçus qu’ils pouvaient « violer psychiquement » leurs contemporains. Ils ont su repérer les leviers nécessaires à cette action, trouver les règles d’application qui les font jouer et, sans scrupule, ils s’en sont servi. Ce fut le cas des grandes manifestations nazies organisées par Hitler. Or, une tentative systématique pour venir à bout de la montée hitlérienne a eu lieu en s’appuyant sur les mêmes méthodes. En 1932, dans la province de la Hesse, S. Tchakhotine, chef de la propagande du « Front d’Airain », la grande organisation de défense anti-hitlérienne créée par le parti socialiste allemand, organisa des manifestations populaires pour amener un certain nombre d’électeurs à voter contre Hitler. Les défilés représentaient en quelque sorte une série d’illustrations et faisaient appel à une gamme de sentiments qui, pris dans un ordre précis (compassion, peur chez l’adversaire et courage chez les amis, rire, joie) devaient produire le résultat escompté.

A la suite de cette campagne organisée dans quatre villes de la Hesse (Offenbach, Darmstadt, Mayence, Worms), on constata que le gain de voix variait directement en fonction de la période durant laquelle les électeurs avaient été soumis à ce traitement. En revanche, le parti social démocrate perdit des voix au profit du parti hitlérien dans la ville de Giessen où aucune manifestation n’avait été organisée.

Certains psychologues pensent que le conditionnement peut fournir la clef des théories sur l’acquisition des connaissances. En effet, les lois du conditionnement ont été vérifiées expérimentalement et les résultats obtenus ont permis, en définitive, de prévoir ce qui se passe au cours de l’apprentissage de certaines tâches, telles que la résolution d’un problème, la mémorisation d’une liste de syllabes dépourvues de signification ou d’une série de formes. L’acquisition des connaissances que la psychologie traditionnelle ignorait totalement constitue aujourd’hui l’un des thèmes centraux de la psychologie et il est clair qu’on ne peut en parler en connaissance de cause sans tenir compte du conditionnement.

Le conditionnement pose aussi le problème philosophique de la liberté. « La liberté de l’individu ne réside pas dans la négation de ses conditionnements spécifiques ni dans sa vaine espérance de s’affranchir en les refusant. Elle repose plutôt sur une prise de conscience raisonnée et scientifique des conditions qui la déterminent et sur l’effort matériel entrepris pour améliorer celles-ci (Le Ny). »


Travaux récents.

Krosnick, Betz, Jussim, Lynn et Stephens (1992) montrent que les attitudes peuvent être le fruit d’un conditionnement subliminal. Ils montraient aux sujets les diapositives d’une jeune femme occupée à des activités quotidiennes. Immédiatement avant chaque diapositive, on projetait de manière subliminale une autre photo ayant une valence positive (des chatons) ou négative (un visage entouré de flammes). Les sujets exposés à des photos censées induire des affects positifs exprimaient une attitude plus positive à l’égard de la jeune femme que les sujets exposés à des photos censées induire des affects négatifs. Autrement dit, les sujets étaient conditionnés par des stimuli dont ils n’avaient pas conscience.

De nombreuses recherches ont mis en évidence le fait que l’exposition répétée et inconsciente à un stimulus accroît notre attirance pour ce stimulus.