A l’aube de l’industrie

posted in: Histoire | 0

L’aménagement des mines.

L’aménagement des mines précède de longtemps le développement des techniques.

En effet, avant même de commencer à extraire et à travailler l’or, l’argent et le cuivre, les peuples du néolithique – et peut-être même ceux du paléolithique supérieur – exploitent des filons de silex, d’ocre, de pierres diverses, d’argile, de sel, etc. C’est à Spiennes, en Belgique, que l’on a découvert pour la première fois des exploitations de silex, datées du Ve millénaire avant notre ère.

La mine de Spiennes.

A Spiennes, les paysans du néolithique ont d’abord exploité les affleurements de silex, pour rejoindre ensuite le filon lui-même en creusant des puits de mine. L’aire occupée par les puits couvre 2 à 3 hectares. Leur profondeur est de 9 à 12 mètres. Ils ont un diamètre tout juste suffisant pour laisser passer un homme (60 cm à 80 cm). En revanche, leur fond est évasé, ce qui leur donne une forme « en cloche » caractéristique.

A partir du fond de ce puits, les mineurs préhistoriques ont creusé des galeries rayonnantes qui se relient parfois à celles de puits voisins. Le travail de déblaiement des galeries est alors pénible, et il faut encore apporter des blocs de pierre pour étayer les parois et les voûtes.

Les outils employés à la construction des galeries, ainsi qu’à l’extraction du silex, se composent de pics et de râteaux en bois de cerf, de masses et de pics à encoches en silex ou en roche dure, et de pelles en omoplates de bœufs. A quoi il faut ajouter les paniers, les cordes et les dispositifs servant d’échelle.

Le débitage du silex s’effectue en surface et les produits manufacturés sont exportés jusqu’à de très grandes distances (plus de 400 km).

La métallurgie du cuivre.

Le cuivre est, avec l’or et l’argent, le premier métal connu de l’homme. Sa découverte et son emploi annoncent le déclin du travail de la pierre, technique à la longévité exceptionnelle mais incapable d’évolution.

En effet, la métallurgie bouleverse immédiatement l’emprise que les êtres humains exercent sur leur environnement, comme les rapports qu’ils entretiennent entre eux : chasse, pêche, agriculture, artisanat, guerre, tous ces domaines sont irrémédiablement transformés par l’usage des métaux. C’est leur emploi qui permet à l’homme de devenir véritablement moderne.

A l’origine, le cuivre natif.

Le cuivre, avant d’être utilisé comme minerai, est d’abord repéré sous la forme de cuivre natif, c’est-à-dire d’un métal naturel et relativement pur, produit par métamorphisme au sein de la Terre. La formation de veines de cuivre natif se fait à des niveaux superficiels de l’écorce terrestre, les affleurements. Comme le métal a un aspect brillant, ses affleurements sont connus à des époques relativement anciennes. Les premiers objets en cuivre (perles, alênes, crochets, fils, épingles) datent du Vllle millénaire avant notre ère et proviennent d’Anatolie, de Syrie du Nord et d’Iran occidental.

A cette date, le travail du cuivre s’effectue encore à l’aide de techniques relativement simples : le martelage à froid pour les petites pièces, et le chauffage du métal entre 200 et 300°c pour les plus grosses, afin de faire perdre sa dureté au métal et de faciliter sa mise en forme. La fusion est encore douteuse et il ne s’agit pas encore de « métallurgie », car celle-ci implique la réduction du minerai sous l’effet de températures élevées. Dans tous les cas, les objets en cuivre restent exceptionnels pour la période allant du Vllle au Ve millénaire avant notre ère.

Les premiers pas vers la métallurgie.

A partir de la fin du Ve millénaire, une série d’objets, découverts en Mésopotamie attestent d’une maîtrise beaucoup plus grande de l’homme sur le métal : aiguilles à chas, épingle, poinçons, miroirs, haches concaves et plates sont, en effet, retirés de la nécropole de Suse. Non seulement, les hommes ont découvert les principales propriétés du métal, sa ductilité, sa malléabilité et son pouvoir réfléchissant, mais ils ont su couler le cuivre dans des moules à un seul creux pour obtenir des haches d’épaisseur assez importante. Cette technique du moulage, qui implique la fusion préalable du cuivre représente un premier pas vers la « pleine métallurgie ».

Le travail du minerai.

Celle-ci n’apparaît réellement qu’avec les procédés d’extraction et de réduction des minerais – c’est-à-dire la désoxygénation des oxydes métalliques pour obtenir le métal pur. De ce point de vue, on peut dire, dans l’état actuel de nos connaissances, que la métallurgie du cuivre date du IVe millénaire avant notre ère, et se caractérise par l’apparition de petits centres de réduction du cuivre situés en Iran, à proximité des lieux d’extraction.

Le hasard et l’expérience.

S’il est relativement facile de situer dans le temps l’apparition, il est, en revanche, beaucoup plus difficile de saisir la démarche qui préside sa découverte. Savoir que l’on peut tirer un métal d’une pierre, savoir choisir le minerai, construire un four, ce qui suppose l’idée que la chaleur est le vecteur essentiel de l’opération, savoir qu’en certains cas il faut griller préalablement le minerai, en tout cas l’additionner souvent de fondants, créer le charbon de bois et savoir qu’il est essentiel pour la réduction, supposent des démarches de l’esprit qui sont surprenantes et qu’il serait sans doute vain de vouloir reconstituer.

L’apparition du bronze ou la mise au point des premiers alliages métalliques.

Au cours du llle millénaire avant notre ère, on assiste à un développement sans précédent des techniques métallurgiques. Tandis que la période antérieure reste vouée à la métallurgie du cuivre, avec quelques tentatives en plomb, en argent ou en or, peu à peu émerge une technologie polymétallique.

L’or, l’argent, le plomb et l’étain – la plupart des métaux connus de l’Antiquité – sont travaillés dès cette époque. Mais le fait marquant réside dans la découverte des alliages, qui permet la manufacture du bronze. Mais, c’est aussi d’abord l’existence d’une culture métallurgique qui rend possible la diffusion de la technique des alliages et l’émergence d’un « âge du bronze ».

L’art des alliages.

L’invention du bronze est à mettre en relation directe avec les avancées réalisées dans la métallurgie du cuivre. Le bronze antique consiste, en effet, en un alliage de minerai de cassitérite, un oxyde d’étain naturel, et d’oxyde de cuivre.

Or, la recherche archéologique a mis au jour une phase antérieure, qui est celle de la fabrication d’alliages de cuivre et d’arsenic. Les forgerons de l’Antiquité savent que l’addition d’arsenic (qui est un désoxydant) améliore la qualité des pièces moulées et augmente la capacité de durcissement par travail du métal. On peut d’ailleurs comparer le cuivre arsénié au bronze à l’étain, du point de vue de ses propriétés mécaniques.

Mais l’arsenic pose plusieurs problèmes à ceux qui le manipulent : il est très volatile; il est difficile à récupérer dans les minerais et émet des fumerolles nocives. En revanche, aucun de ces défauts ne se retrouve pas avec l’étain, ce qui explique le passage relativement rapide à son emploi dans les alliages de cuivre avec toutefois, une période de cinq siècles au cours de laquelle les deux techniques se chevauchent.

Les spécialistes de la métallurgie pensent que l’efficacité de l’étain a pu être reconnue de deux manières. 1/ par confusion entre la stanite (sulfure naturel d’étain) et un minerai contenant de l’arsenic car tous deux ont la même apparence métallique; 2/ en utilisant comme fondant un gossan, c’est-à-dire la partie affleurante d’une veine souterraine soumise à oxydation.

Les routes de l’étain.

Toutefois, étant donné la rareté sur terre des dépôts de stannite et de gossans riches en étain, c’est la cassitérite qui est employée pour la manufacture du bronze, bien qu’elle soit pratiquement introuvable au Proche-Orient. En fait, pour les archéologues contemporains, la question des sources d’approvisionnement du monde antique, au llIe et au lIe millénaire avant notre ère, reste la grande énigme de l’âge du bronze. Par-delà, elle met en relief le rôle qu’a pu jouer le bronze dans le développement de la colonisation et du commerce lointain des Phéniciens et l’ouverture, par les Grecs, de « routes de l’étain » en Gaule, par lesquelles ils remontent, le long du rhodanien, vers les rivages armoricains.

Un moteur économique.

Ainsi, par delà le rôle considérable qu’il joue dans l’amélioration de l’efficacité des outils et des armes, le bronze agit comme un véritable moteur du commerce antique, et il stimule l’exploration et la colonisation de l’Occident méditerranéen par les navigateurs phéniciens.

Le premier âge industriel : le fer.

Principal métal des temps classiques et modernes, le fer est un corps qui offre une très grande résistance mécanique, bien supérieure à celle du bronze. Il supplante donc aisément ce dernier dans la fabrication des armes et des outils, à partir de la fin du lle millénaire avant notre ère.

L’emploi du fer est extrêmement rare avant le lIe millénaire. On ne connaît guère à l’heure actuelle que quatorze vestiges d’objets en fer qui remontent au-delà du lVe millénaire. Ils proviennent de quatre sites seulement : Samarra, en Iraq, daté d’environ 5000 avant notre ère; Tepe Sialk en Iran; El Gerzeh et Armant en Egypte. A l’exception de l’objet de Samarra, dont le fer est le produit d’une réduction, ce qui est jugé comme une anomalie par les archéologues, les autres objets sont en fer météorique.

Le llle millénaire n’est guère plus riche en vestiges : quelques objets en fer à Uruk, à Ur; dans la pyramide de Chéops à Gizeh en Egypte.

Des météorites aux gisements de fer.

Le fer est alors considéré comme un métal précieux, que l’on associe à d’autres matériaux rares, tels l’or, l’agate ou la cornaline, pour fabriquer des bijoux ou des objets cérémoniels. Toutefois, on ne fait plus seulement usage de fer météorique, mais aussi de fer de gisement, obtenu par réduction.

Certains archéologues pensent que ce type de fer a pu être découvert lors de la réduction de minerais de cuivre dans lesquels il était présent : comme le point de fusion du fer est supérieur à celui du cuivre, il aurait laissé une loupe au fond du creuset, que les métallurgistes auraient ensuite pu travailler à la masse.

Le fer se substitue au bronze.

Pour certains archéologues, le passage du bronze au fer serait dû aux difficultés d’approvisionnement du monde antique en étain, qui aurait entraîné l’abandon graduel de la manufacture du bronze au Proche-Orient, entre le Xlle et le Xe siècle avant notre ère. Le fer aurait été adopté comme produit de substitution et non en raison de ses qualités intrinsèques.

Cette thèse semble être étayée par le regain d’une industrie du bronze en Grèce au Xe siècle avant notre ère, après la découverte de nouvelles sources d’étain. Mais, la supériorité du fer est finalement reconnue, après la mise au point des techniques d’aciérage, sans doute vers le lVe siècle avant notre ère, et ce métal occupe dès lors une position dominante qu’il ne perdra plus.