La Mésopotamie ancienne

posted in: Histoire | 0

Vers la fin du lVe millénaire se produisent en Mésopotamie des événements capitaux pour l’histoire du monde : le développement d’une agriculture irriguée, l’organisation de cités et, surtout, la naissance de .

Située au cœur du Moyen-Orient, à plus de 900 km à l’est de la Méditerranée, dans une plaine monotone brûlée par le vent du désert, la Mésopotamie semblait condamnée à n’être qu’un éternel désert. C’est sur ce rude théâtre que se développèrent pourtant l’agriculture et le commerce, la médecine et l’astronomie, la littérature et la musique, le système de gouvernement et la religion. Les antiques Mésopotamiens sont bien, en ligné directe, nos plus vieux parents.

Entre Tigre et Euphrate.

Enserrée entre le Caucase, le golfe Persique, les plateaux iraniens et le désert arabo-syrien, la Mésopotamie n’est qu’une large vallée, drainée par le Tigre et l’Euphrate, que le géographe grec Polybe a justement appelée, au lIe siècle avant notre ère, « le pays d’entre les fleuves ». Chargés de limon, ces deux fleuves ne cessent d’en remplir leur lit et coulent au-dessus de la plaine entre deux cordons d’alluvions.

Si cette vallée est extraordinairement fertile, seule la peine des hommes peut la mettre en valeur. La crue est en effet très irrégulière et se situe au printemps. Tout au long de l’année, l’écoulement des eaux est difficile en basse Mésopotamie. Il faut donc construire tout un système de canaux pour amener l’eau des fleuves dans les champs en été et en automne, pour évacuer vers des réservoirs le trop-plein de la crue de printemps qui risquerait de noyer la végétation qui sort de terre et, en toute saison, pour éviter que l’eau d’irrigation ne stagne et ne dépose alors ses sels. Ce travail pénible, toujours à refaire, permet toutefois au moins deux récoltes par an et des rendements élevés.

Les excédents de grain, de dattes et d’huile permettent alors de faire venir de la haute Mésopotamie et des montagnes les pierres dures, absentes de ces immenses plaines argileuses et marécageuses, le bois et les minerais.

Les premiers mésopotamiens.

Des premiers habitants de la Mésopotamie nous ne savons presque rien. Les différents sites fouillés démontrent seulement que le territoire a été peuplé au fur et à mesure de son assèchement. Les grottes montagneuses du Nord, d’abord, jusqu’aux villages en pleine vallée, échelonnés du nord au sud, et, enfin, tout près du golfe Persique.

C’est vers 3500 avant notre ère qu’interviennent toutefois les changements les plus notables. La cause en est l’arrivée de nouveaux groupes humains, les Sémites et les Sumériens. Les Sémites sont arrivés du nord-ouest et se sont installés dans la vallée qu’ils ont occupée depuis le nord jusqu’aux environs de l’actuelle Bagdad. Par convention, ils sont appelés Akkadiens, du nom de la partie septentrionale de la basse Mésopotamie, Akkad.

Le chemin que suivirent les Sumériens pour occuper le sud du pays est en revanche moins connu. Le mythe des Sept sages, consigné vers 300 avant notre ère par Bérose, un prêtre babylonien, décrit en effet l’arrivée de sept monstres, venant des flots du golfe Persique et qui auraient appris aux habitants « la culture, l’écriture, les sciences et les techniques de toute sorte, la fondation des villes, la construction des temples (…) la culture des céréales et la récoltes des fruits(…), en somme, tout ce qui constitue la vie civilisée ».

Les fouilles ont révélé un peuple de gens de taille plutôt petite et trapue avec des cheveux noirs, un nez droit, le front légèrement fuyant et les yeux un peu bridés. Ils sont vêtus de tissus de laine fine. Les femmes drapent leur vêtement sur l’épaule gauche, les hommes autour de la ceinture, laissant ainsi le torse nu. Les textes littéraires et religieux dont ils sont les créateurs sont écrits dans une langue qui s’apparente à l’une de celles que l’on parlait près de la mer caspienne et qui est totalement isolée au Proche-Orient.

La rivalité des cités-Etats.

Ce sont les premières tablettes écrites vers 3200 av. J-C., qui nous permettent de mieux connaître ces habitants de la basse Mésopotamie et de découvrir l’existence d’un pays morcelé en une trentaine de cités-Etats dirigées par des souverains, vicaires (ensi) du dieu de la cité, véritables maîtres de la population et de ses biens. Ils doivent toutefois composer avec la puissance d’un clergé qui gère les possessions importantes de la divinité. Il arrive ainsi, à Lagash, que l’héritier d’un vicaire soit évincé du pouvoir par un prêtre. Dans leur manoir de brique, au toit couvert de roseaux, non loin du temple qui se dresse sur une terrasse le mettant à l’abri d’une inondation toujours redoutée, ces princes vivent des redevances de la population.

Leur ambition est d’imposer leur suzeraineté aux cités avoisinantes, sinon à toutes celles du monde mésopotamien. Vainqueurs, ils maintiennent en place les vicaires locaux et se contentent du titre prestigieux de roi. On comprend alors que la guerre soit un thème artistique de prédilection.

Les princes ont pour mission d’assurer la prospérité de leurs cités. C’est que la Mésopotamie tire d’extraordinaires richesses de son agriculture et de son artisanat. L’activité commerciale est intense. Pour descendre les fleuves avec leurs lourdes cargaisons de bois et de pierres, les négociants venus du nord attachent ensemble les grumes pour en faire des radeaux dont ils améliorent la flottaison à l’aide de peaux de bêtes gonflées d’air. D’autres conduisent des caravanes d’ânes à travers la Syrie jusqu’à la côte méditerranéenne et, vers l’est, jusque dans les terres des tribus élamites, en passant par les cols de la chaîne de Zagros. D’autres naviguent dans le golfe persique sur de petits voiliers, entrent dans la mer Arabique et poussent vers le sud jusqu’à Oman. Certains d’entre eux font même route jusqu’à la vallée de l’Indus.

Ces marchands ne rapportent pas seulement les matières premières qui font défaut à la Mésopotamie : matériaux de construction, or, pierres dures semi-précieuses, mais aussi les objets précieux retrouvés dans les tombes royales d’Our et qui révèlent le goût du temps pour les bijoux, les représentations d’animaux, les panneaux mosaïqués et les meubles marquetés.

Le panthéon mésopotamien.

Les tablettes écrites nous révèlent aussi l’importance capitale de la religion. Chaque cité reconnaît comme souverain une grande divinité que le sort lui a assignée, affirment les prêtres, le jour de la naissance du monde. Ces dieux, semblables aux hommes, mangent, boivent, aiment, se marient et se querellent comme les humains, mais ils s’en distinguent par l’intelligence et la vie éternelle.

Chacun est chargé d’une fonction liée à la marche du monde : Outou-Shamash le dieu-soleil, Nanna-Sin le croissant de lune, Doumouzi le dieu du monde végétal, les vents, lshkour-Adad l’orage, les mers, les fleuves, le feu, la guerre, Inanna, future Ishtar, la planète Vénus.

C’est par l’intermédiaire des prêtres et des prêtresses qu’ils communiquent leurs désirs aux hommes, qui doivent leur construire des temples magnifiques, leur offrir des vêtements précieux et des bijoux, des musiques et des chants et leur préparer de riches repas quotidiens.

Ils ne leur imposent aucune contrainte morale, mais chaque manquement à la révérence ou à l’exécution des rites est alors susceptible d’entraîner des catastrophes : inondations, sécheresse ou razzias par des tribus descendant des montagnes. Comme de telles calamités sont fréquentes, la peur engendre dans la population un état d’anxiété permanent dont les prêtres et les temples profitent largement. Des offrandes généreuses aux greniers des temples sont en effet les seuls moyens de se protéger de la colère des dieux. Des prières et des formules d’exorcisme peuvent aussi aider à détourner le mal envoyé par les agents surnaturels des dieux irrités.

Le temple est bien l’édifice le plus grandiose des cités. A l’origine, il est de dimensions modestes et consiste en un bâtiment rectangulaire comportant une salle unique, fait de la même brique de boue que les maisons. De façon générale, il est construit sur une plate-forme qui l’élève au-dessus des habitations voisines. Puis, avec le développement et l’enrichissement des cités, il devient plus vaste et s’élance vers le ciel, adoptant la forme de pyramide à étages connue sous le nom de ziggourat. A mesure que les temples s’agrandissent, leur zone d’influence grandit aussi. De grands domaines leur sont annexés dont une partie est cultivée par les prêtres. Les récoltes nourrissent les prêtres eux-mêmes et parfois des habitants démunis, comme les veuves et les orphelins.

Avec le temps aussi, un panthéon unique, commun à tous, est instauré au-dessus des divinités. Enlil, « seigneur du vent », dieu souverain de l’Univers, son père An, qui n’exerce plus le pouvoir mais en garde le prestige. Enki, un dieu à l’intelligence supérieure, composent la tirade suprême.

Dès 2500 avant notre ère, ce culte commun a pour siège le grand temple central d’Ekour, le temple-Montagne situé à Nippour. Enlil y règne, entouré d’une multitude de divinités.

Cette mise en ordre du monde, qui sera poursuivie et développée tout au long de l’histoire du pays, inspirera largement les voisins de la Mésopotamie et, au-delà, notre propre civilisation. C’est bien entre le tigre et l’Euphrate que sont déposés nos plus vieux papiers de famille.