La révolution des outils

posted in: Histoire | 0

LA REVOLUTION DES OUTILS.

Sur la terre, depuis Lucy, ont vécu 80 milliards d’hommes. Le progrès est fonction du nombre d’individus, de la masse de communications interhumaines et de la conservation des .

Définition.

Outil : objet fabriqué, conçu et fait pour agir sur la matière, pour exécuter un travail, produire un objet.

Si, curieusement, le néolithique constitue dans la tradition religieuse, le mythe du paradis perdu pour l’homme, le paléolithique est l’époque des grandes révolutions humaines. Au  paléolithique, l’homme vit, pourtant, de la nature en parasite : il tue le gibier, il pêche les poissons, il cueille les fruits et récolte les plantes comestibles, sans se préoccuper de leur reproduction. L’économie est essentiellement destructrice avec les conséquences que cela comporte : nécessité de se déplacer fréquemment à mesure de l’épuisement des ressources naturelles, limite très stricte imposée au développement de la population par la masse disponible des ressources alimentaires.

Il n’est pas déraisonnable de penser que, primitivement, l’ancêtre de l’homme moderne vivait comme un animal. Son comportement était dominé par les besoins nécessaires à sa survie. C’est à travers une lente évolution s’échelonnant sur des millions d’années qu’un être animal s’est différencié des autres. Disposant d’un cerveau de plus en plus grand, cet être-là s’est mis à penser autrement et mieux.

Au cours de campagnes de fouilles menées en 1970 et 1980, les préhistoriens ont découvert dans la Rift Valley éthiopienne des galets aménagés vieux de 2.9 à2.4 millions d’années qui sont les plus anciens outils connus à ce jour. Une datation aussi ancienne met fin en outre à la théorie selon laquelle Homo aurait été la seule espèce à connaître et à employer l’outil, puisque ces objets n’ont pu être fabriqués que par le genre pré humain Australopithécus.

« L’homme ne peut à proprement parler être défini par l’outil », selon Yves Coppens. Mais, c’est bien l’outil qui caractérise le passage à l’homme. Il implique, en effet, un emprunt à l’environnement matériel et sa transmission culturelle, qui supposent toutefois d’importantes modifications biologiques préalables.

L’étape de l’outil est, en fait, liée à l’abandon de la station quadripède par les hominidés (qui permet ainsi de libérer la main), ainsi qu’au développement du cortex visuel, parallèlement à celui des fonctions motrices du cerveau.

L’Homme prit alors conscience des ressources limitées dont il disposait pour assurer sa survie. En plus de cette intelligence instinctive qu’on trouve chez les animaux, il se mit à développer lentement une intelligence créatrice. Sans doute, se mit-il à implorer les dieux pour l’aider à survivre et à le préserver des cataclysmes. Mais, comme cela n’était pas suffisant, il se mit à inventer comment reculer la cruelle limite des ressources disponibles. En d’autres termes, il chercha à diminuer la rareté des biens disponibles. C’est alors qu’il commença à transformer la nature par le travail. C’est ainsi, semble-t-il que l’homme est devenu homme. Il ne se contente plus de trouver sa nourriture et sa boisson. Il ne satisfait plus de chasser ou de cueillir ou d’aller boire à la rivière. Il invente des outils primitifs pour la chasse et la pêche. Il commence sa longue marche en avant contre la pénurie permanente.

Quand les animaux utilisent des outils, il ne s’agit que de gestes instinctifs. Pour quelques singes, comme certains chimpanzés, ce sont parfois des comportements acquis. Ces comportements varient suivant les régions : pierres pour briser des fruits, bâtons pour extraire du miel, etc. L’homme n’est donc ni le premier ni le seul être à se servir d’outils. Il existe une guêpe qui utilise des petits cailloux pour tasser le sable sur sa ponte. Le pinson des îles Galápagos prend une épine de cactus pour extirper les insectes des fentes des arbres. Le pic épèche maintient une ouverture dans une branche à l’aide d’une pomme de pin. La loutre de mer, tout en nageant sur le dos, pose une pierre sur son ventre et y frappe un coquillage pour en briser la coquille. Et, enfin, il existe beaucoup de singes qui utilisent des bâtons et des pierres comme leviers et projectiles.

La grande différence entre les hommes et les animaux réside dans le fait que les animaux suivent des instincts héréditaires. L’homme, en revanche, peut apprendre. Les animaux ne peuvent que trouver des outils adéquats : l’homme en construit. En fait, d’une façon simpliste, il a une certaine idée de l’utilité de l’outil, et il s’efforce d’en inventer un qui remplisse son rôle. En outre, il cherche sans cesse à l’améliorer. Inventer est, en fait, une façon à prendre sciemment des dispositions pour rendre sa vie plus facile, se protéger, se faire plaisir.

Mais, à l’origine, l’homme n’a peut-être pas délibérément entrepris d’inventer. Initialement, ce furent probablement des découvertes involontaires : l’homme créait quelque chose soit pour subvenir à ses besoins de première nécessité, soit pour améliorer ses rudes conditions d’existence. Ses premières inventions furent des outils rudimentaires nécessaires pour couper, marteler, creuser ou lancer et qui pouvaient plus que la main seule.

Les premiers outils humains ont pour la plupart disparu (s’ils étaient en bois) ou ne sont pas reconnaissables (s’il s’agissait de cailloux non travaillés). Progressivement, les Australopithèques aménagent le tranchant d’un outil. Avec Homo Erectus apparaissent les premiers outils symétriques, les bifaces, naguère appelés « coups-de-poing ». Les outils ne cesseront plus de se diversifier, et les techniques de taille de la pierre de se raffiner. Avec 1 kilogramme de silex, Homo Erectus ne parvient à fabriquer qu’un seul outil. Plus tard, l’homme de Neandertal, avec la même quantité, en confectionne plusieurs. Homo sapiens sapiens, quant à lui, avec la même matière en réalise plusieurs dizaines.

L’invention des premiers outils primitifs (pierres taillées puis polies, outils simples en bois ou en os) doit être qualifiée de première grande révolution de l’homme. Si l’invention du travail est sans doute le signe de l’apparition de l’homme, l’invention du premier outil permet à celui-ci d’augmenter l’effet de son travail. Ainsi, la lance primitive ou l’arc à flèche augmente l’effet du travail du chasseur. Grâce à l’outil, même primitif, l’homme peut produire plus; il augmente la production de sa chasse et de sa pêche.

L’industrie des galets aménagés produit des outils selon un stéréotype attesté par des millions d’objets et qui se perpétue sur plus d’un million d’années (début : 2.900.000 av. J-C). Dans cette industrie, un galet est utilisé comme percuteur: il est employé pour débiter un autre galet, et il permet d’obtenir un outil aménagé aux bords coupants; tandis que les éclats, eux-mêmes coupants, peuvent aussi servir d’outils. Choppers et Chopping-tools (hachoirs et outils hachant) sont ainsi créés selon un mode immuable de fabrication. Mais on trouve aussi des vestiges de rabots, de grattoirs, de polyèdres, de trièdres, etc.

Le débitage par percussion perpendiculaire qui caractérise l’étape des galets aménagés se perpétue pour le dégrossissage des hachereaux, mais aussi pour la manufacture d’un nouveau type d’outil, plus tranchant et plus maniable, le biface. Il s’y ajoute une technique de percussion tangentielle qui permet d’obtenir des éclats plus longs et plus fins.

L’industrie levalloiso-moustérienne, qui marque la fin de cette période se particularise par la production proprement industrielle d’outils dans de véritables ateliers de débitage du silex, situées près des sites d’extraction. Le principal changement opéré pendant cette longue phase de temps, c’est que le l’éclat devient la matière première de l’outil, et non le sous-produit d’un nucléus taillé en biface. Cette évolution est rendue possible par l’amélioration des techniques de percussion tangentielle qui permettent la production d’éclats et de forme préétablie très longs. D’où une diversification et une spécialisation considérables de l’outillage, caractérisées par la multiplication des racloirs, des couteaux, des pointes et autres instruments. Après le paléolithique moyen, les hommes s’orientent vers la production de lames de plus en plus fines et étroites avec réduction de déperdition de silex : c’est l’apparition des microlithes.

Vers 35.000 av. J-C, l’emmanchement de l’outil représente un stade avancé de l’industrie de la pierre dans la mesure où il incorpore des principes nouveaux (prise, centre de gravité) qui donnent une plus grande précision au travail manuel et une meilleure efficacité aux techniques de chasse.

Les premiers outils dotés de manches apparaissent au paléolithique supérieur, de 35.000 à 10.000 ans environ avant notre ère. Cette période se caractérise par une évolution rapide vers la fabrication d’armes et d’outils spécialisés de type complexe.

Au cours de ces vingt-cinq millénaires, on voit apparaître des techniques de débitage de la pierre par écaillages successifs (débitage laminaire) qui permettent de tailler des pointes acérées pour les flèches, les sagaies, les couteaux, les burins, les grattoirs, etc. Le débitage laminaire et l’industrie microlithique fournissent des éléments d’armature; les techniques de percement permettent de créer des orifices destinés à l’emmanchement.

II n’est pas inutile de rappeler de quelle manière l’emmanchement de l’outil, en prolongeant et en renforçant l’action de la main avec une gaffe, ou la possibilité de manipuler le feu à distance avec une paire de pinces. L’outil emmanché agit ici comme un relais de la main. Son action ne consiste pas à lui donner plus de force mais plus de portée. Malheureusement, bien qu’elle paraisse probable, aucun vestige archéologique ne vient attester l’existence de tels outils préhensibles au paléolithique supérieur. En revanche, il est indiscutable que le principe de l’emmanchement a fait évoluer de façon décisive les techniques de percussion.

La percussion posée consiste à appliquer l’outil sur la matière en imprimant directement la force des muscles. Le couteau, le racloir et le grattoir sont des instruments courants de ce mode de percussion au paléolithique. L’adjonction d’un manche augmente la quantité et la qualité de la force appliquée à la transformation de la matière.

Le marteau est le représentant le plus important de la percussion posée avec percuteur. On l’emploie au paléolithique supérieur pour enfoncer des coins dans la matière que l’on souhaite fendre ou pour pratiquer une retouche indirecte sur un outil.

Il n’existe pas au paléolithique supérieur de preuves formelles de percussion lancée appliquée à des outils coupants emmanchés, tels les haches, les herminettes, les tranchets, les faucilles ou les houes. Ceux-ci n’apparaissent qu’à partir de 7.000 avant notre ère, mais révolutionnent les rapports de l’homme à son environnement. Ils sont, en effet, employés au débitage des matériaux, au défrichage des forêts, aux travaux agricoles et, pour la hache, à d’importantes fonctions rituelles et guerrières, et deviennent, alors, les instruments de la révolution néolithique.

La plupart des outils nous viennent donc approximativement du paléolithique à partir du moment où ils ont dû être enchâssé pour pouvoir être employés. Ainsi, on a découvert des pierres néolithiques enchâssées dans des bois de cerf et qui sont les ancêtres indéniables de notre ciseau. De même, le mode d’emmanchement des herminettes de l’âge de la pierre ne nécessitait pas d’œil traversant le fer comme cela est cependant nécessaire pour la hache. On remarquera que ce mode d’emmanchement que les primitifs avaient rendu très sûr dès l’âge du néolithique a traversé l’histoire et subsiste encore pour certaines formes artisanales.

Dès le début de l’âge du bronze en Grèce, Egypte et Scandinavie, les outils commencent à prendre leurs formes actuelles. La scie est déjà une lame de bronze dentée et emmanchée à une extrémité. Le rabot ordinaire est déjà reconnaissable. La hache dite gallo-romaine a déjà un fer symétrique et axial à l’œil. La découverte de la vis, qui se situe vers la fin de l’âge du bronze, va apporter à l’étau un perfectionnement qui l’amènera jusqu’à nous à peine modifié, mais  singulièrement allégé par le perfectionnement du travail du fer. La forme primitive de l’étau est d’ailleurs connue. Il s’agit d’un billot de bois où une entaille en U permet de saisir la matière à travailler, qui est maintenue par des coins de bois (les sabotiers utilisent encore ce mode de serrage).

L’antiquité romaine nous présente des outils qui formeront jusqu’au 14ème siècle les outils de l’occident. Le Moyen Age apportera des recherches particulières dans la disposition et la forme des outils. Par exemple, la disposition des dents de la scie sera revue dès le milieu du Moyen Age.

Au moment de la renaissance, non seulement l’arsenal ouvrier n’a perdu aucun des outils utilisés depuis l’antiquité, mais il s’en crée chaque jour de nouveau pour les besoins des artisans. Avec la renaissance, apparaît, en effet, le goût du beau meuble. La charpenterie se distingue alors de la menuiserie. Répondant ainsi à la demande de la noblesse ne voulant plus de meubles grossiers pour meubler leurs intérieurs comme des coffres, des cathèdres, ou encore des tables posées sur des tréteaux. En effet, seuls la noblesse et le clergé pouvaient se permettre durant le Moyen Age de posséder des meubles. De plus, les habitudes et le mode de vie du Moyen Age, les déplacements de population fréquents, la misère du peuple et les troubles permanents, imposaient aux gens de l’époque des meubles plus qu’utilitaires. A la renaissance, on va donc commencer à décorer les meubles, à travailler les moulures, à cacher les pièces mobiles comme les charnières par exemple.