La civilisation hellénistique

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L’époque hellénistique n’est pas une période de décadence, un simple intermède entre un brillant âge classique et le majestueux « siècle d’Auguste ». La civilisation qui se développe dans le monde grec après Alexandre est profondément originale : des œuvres marquantes apparaissent dans tous les domaines, les arts, les lettres, la philosophie et les sciences.

  1. Les arts plastiques.
  2. L’architecture.

Les constructions hellénistiques sont très nombreuses : les vieilles cités s’ornent de nouveaux édifices, les rois fondent des villes qui doivent être bâties de toutes pièces.

Répondant au goût et à l’orgueil des souverains, l’architecture est grandiose, colossale ; certains bâtiments atteignent des tailles énormes.

La construction et l’aménagement des villes respectent désormais des règles d’urbanisme : le plan général est le plus souvent orthogonal ; on prévoit des adductions d’eau et des fontaines publiques ; on détermine l’espace qui doit séparer les bâtiments. Les architectes tirent parfois admirablement parti du terrain, ainsi à Pergame, où le relief est très marqué : de gigantesques travaux de terrassement ont permis d’accrocher la ville au flanc de la montagne.

  1. La sculpture.

Les riches amateurs de sculptures étant très nombreux, la production est fort abondante et de qualité variable.

Certaines œuvres imitent les modèles classiques mais les tendances de l’époque hellénistique sont différentes. On vise maintenant au réalisme. Les artistes veulent inspirer la peur ou la pitié (pathétique). Ils aiment traduire dans le bronze ou le marbre la puissance physique, le mouvement, quand ce n’est pas le difforme ou le grotesque.

  1. La peinture.

La peinture sur vases est en déclin. On préfère maintenant la poterie avec appliques en relief. D’ailleurs, beaucoup de récipients de luxe sont fabriqués en métal (bronze, argent) plutôt qu’en terre cuite.

En revanche, la peinture murale se développe. Les artistes représentent des sujets historiques (les batailles d’Alexandre et de ses successeurs, par exemple), des scènes mythologiques, des paysages, des cérémonies religieuses. Ces grandes œuvres ont à peu près toutes disparues. Nous ne les connaissons souvent que par des copies romaines.

La technique de la mosaïque fait de grands progrès. On ne se contente plus d’utiliser des cailloux naturels. Des pierres de couleur, taillées en petits cubes, permettent de réaliser des figures géométriques, des natures mortes, des images d’animaux. Les archéologues ont retrouvé de très belles mosaïques à Délos et dans le palais des rois de Macédoine à Pella.

  1. La littérature.
  2. Le théâtre.

Bien des poètes tragiques continuent à écrire mais leurs pièces ont disparu.

La comédie a subi à peu près le même sort. Par bonheur, les papyrus d’Egypte ont permis de redécouvrir quelques œuvres de Ménandre. Ce poète athénien abandonne les grands thèmes traités autrefois par Aristophane. Il fait surtout de la peinture de caractères : le misanthrope, l’amoureux, le soldat fanfaron, l’esclave ingénieux. Au travers d’intrigues compliquées qui ne se dénouent souvent par l’effet du hasard, Ménandre laisse filtrer un message d’une grande noblesse. C’est probablement chez lui que Térence (poète latin du IIe siècle av. J-C) a puisé la célèbre formule : « Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger. »

  1. La poésie.

Les principaux poètes résident à Alexandrie. Les premiers Ptolémées soutiennent en effet très vivement les activités intellectuelles et artistiques.

Callimaque (IIIe siècle av. J-C) cherche volontiers son inspiration dans les récits mythologiques. Adaptant ces légendes, il y introduit des éloges de la famille royale. C’est un poète érudit et un courtisan.

Théocrite affectionne les scènes campagnardes. Il décrit les occupations et les amours des bergers (poésie bucolique).

La poésie alexandrine, savante et raffinée, ne s’adresse qu’à un public choisi. Elle a beaucoup moins d’audience que n’en avaient les grands poètes athéniens (tragiques et comiques) de l’époque classique.

  1. L’histoire.

De nombreux historiens de l’époque hellénistique, seul Polybe a survécu. Originaire de Mégalopolis, dans le Péloponnèse, Polybe est emmené comme otage à Rome après la bataille de Pydna (168 av. J-C), il y reste une vingtaine d’années et est fort bien traité : il a d’excellentes relations avec les membres les plus influents de l’aristocratie romaine. Son Histoire, malheureusement mutilée, veut expliquer comment et pourquoi les Romains ont réussi à s’emparer aussi rapidement de presque tout le monde méditerranéen.

  1. Les travaux d’érudition.

D’importantes bibliothèques se constituent, en particulier à Alexandrie et à Pergame où sont rassemblés des dizaines de milliers de volumes. Un énorme travail philologique s’y accomplit. Il ne suffit pas en effet d’acquérir ou de copier les œuvres d’Homère ou d’Hésiode, il faut encore s’assurer de la qualité du texte et en éliminer les fautes. D’autre part, ces livres anciens contiennent des passages qui ne sont plus parfaitement intelligibles : il faut donc rédiger des commentaires.

Les érudits de l’époque hellénistique ont largement contribué à la conservation et à la transmission des grandes œuvres de la littérature grecque.

  1. La philosophie.

A l’extrême fin du IVe siècle av. J-C, deux nouvelles écoles s’installent à Athènes : celle des Epicuriens et celle des Stoïciens. Les uns et les autres se préoccupent surtout du bonheur de l’homme et cherchent les moyens d’y parvenir ; ils mettent l’accent sur la morale.

Epicure pense que la peur de la mort est, chez l’homme, le principal obstacle au bonheur. Or celle-ci n’a, selon lui, rien de redoutable puisqu’il n’y a pas d’au-delà. Ainsi rassuré, le sage cherche à éviter sur terre tout ce qui pourrait troubler sa sérénité : il se tient à l’écart de la vie politique et renonce au mariage auquel il préfère les joies de l’amitié.

Les Stoïciens croient que l’univers est animé par un souffle divin et que l’homme trouve son bonheur en se conformant à l’ordre qui règne dans la nature. Faisant taire les passions qui troublent son jugement, le sage accepte la souffrance, la maladie et la mort, puisqu’elles sont inévitables.

Ces deux doctrines auront une grande influence à Rome. Au Ier siècle av. J-C, Lucrèce compose un long poème inspiré d’Epicure. Aux Ier – IIe siècles ap. J-C, le philosophe Sénèque et l’empereur Marc-Aurèle sont de brillants représentants de la pensée stoïcienne.

  1. La religion.

Une nette évolution apparaît dans ce domaine. Si les divinités traditionnelles continuent d’être honorées, elles subissent la concurrence des divinités orientales : dès la fin du IVe siècle av. J-C, des Egyptiens introduisent le culte d’Isis au Pirée ; un siècle plus tard, Sarapis a son temple à Délos.

Des rois et des reines sont maintenant divinisés.

D’autre part, un certain scepticisme à l’égard de la providence divine explique le succès du culte de Tyché (le Hasard ou la Fortune).

  1. Les sciences.

Souvent encouragée par les rois, la recherche scientifique connaît un développement considérable.

Géomètre et ingénieur, Archimède (IIIe siècle av. J-C) établit notamment le rapport entre la circonférence et son rayon ( = 3.1416) et met au point d’étonnantes machines qui seront utilisées pour défendre Syracuse assiégée par les Romains (213-211 av. J-C).

Son contemporain Erathosthène parvient à calculer la longueur du méridien terrestre (taux d’erreur : 10%). A la même époque, Aristarque défend l’idée que la terre tourne autour  du soleil (héliocentrisme).

Au IIe siècle av. J-C, Hipparque calcule avec beaucoup d’exactitude la durée de l’année solaire.

La médecine fait aussi de grands progrès. Au début du IIIe siècle, Hérophile peut procéder à Alexandrie à des dissections de cadavres et découvre le trajet des veines et des artères ; il fait également de très utiles observations sur le pouls.

Le niveau de la science hellénistique est tel qu’il ne sera pas dépassé avant les temps modernes.

In Racines du Futur, Tome 1, Hatier, Bruxelles, 1991, pp. 66-71.