La naissance de l’Islam

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Au début du VIIe siècle, un prophète se lève dans le désert d’Arabie. Il proclame la soumission à Allah, le Dieu unique. Tout à la fois religion, code de vie et organisation politique, l’Islam conquiert rapidement de vastes territoires, bousculant les empires byzantin et perse et y ruinant l’héritage romain et chrétien. Une nouvelle civilisation est en train de 

  1. L’Arabie avant l’Islam.

La péninsule arabique a vécu jusqu’au VIe siècle à l’écart des grandes civilisations méditerranéennes et asiatiques. Ce vaste territoire présente des aspects très variés. Le centre est un grand désert caillouteux avec une maigre végétation et de rares points d’eau, les oasis. Il est parcouru par les Arabes, tribus de pasteurs et de caravaniers. Ils élèvent des chèvres et des moutons mais surtout des chameaux qui permettent le transport et fournissent lait, laine et viande. Ces Arabes pratiquent le commerce à longue distance (caravanes), amenant dans l’empire byzantin les produits achetés dans le golfe Persique ou au Yémen à des marchands perses (épices, soieries, parfums) et éthiopiens (esclaves). Au sud-ouest, le Yémen est un royaume fertile (moussons). Au nord, les plaines, plus riches, sont vouées à l’agriculture.

Cette région n’a pas d’unité politique. A côté d’Etats organisés (Yémen au sud-ouest, empires byzantin et perse au nord et à l’est), subsistent des tribus du désert qui n’ont pas de liens politiques. Les guerres et surtout les razzias, sources de butin, y sont fréquentes.

Diversité religieuse aussi : les Arabes sont polythéistes. Ils adorent des djinns, sortes de divinités secondaires, présidées par un dieu principal à qui ils rendent un culte simple : offrandes et sacrifices mais surtout pèlerinage à La Mecque dont la Ka’ba (Pierre Noire) abrite les différents dieux de leur panthéon. Dans les oasis, on rencontre des juifs et des chrétiens surtout parmi les marchands, les artisans et les esclaves.

  1. Un empire fondé sur les conquêtes.
  2. Mahomet.

Né à La Mecque vers 570, dans la puissante tribu Quoraïch, Mahomet (Muhammad) pratique le commerce caravanier vers la Syrie byzantine au service d’une riche veuve, Khadidja, qu’il finit par épouser. Il bénéficie désormais de loisirs et il les consacre à la méditation religieuse. Vers 40 ans, il reçoit la « révélation » de l’archange Gabriel qui lui dicte la parole de Dieu et lui impose de la réciter autour de lui, en fondant ainsi une nouvelle religion, l’Islam. Les préceptes diffusés par Mahomet, qui ne savait ni lire ni écrire, seront fixés dans le Coran, sous le règne de ses successeurs, à la fin du VIIe siècle.

Soutenu par sa femme et quelques familiers, Mahomet commence sa prédication. Il inquiète ainsi les notables mecquois qui tiraient de gros profits du pèlerinage et des marchés qui l’entouraient.

En 622, ses fidèles et lui-même s’enfuient de La Mecque où ils ne sont plus en sécurité et ils s’installent à Yathrib qui devient Médine, la « ville » [du Prophète] : c’est l’hégire, début de l’ère musulmane. Dès ce moment, Mahomet associe pouvoir politique et religieux. Il se rallie peu à peu les tribus du désert et étend son autorité sur tout le centre et le Sid de l’Arabie. En 630, il s’estime assez fort pour s’imposer à La Mecque. D’abord mal reçu, il finit par l’emporter et il « récupère » le pèlerinage, transformant la Ka’ba en lieu du culte principal d’Allah. Désormais, on y vénère l’endroit d’où Abraham, le premier prophète est monté au ciel.

A la mort de Mahomet (632), la majeure partie de la péninsule arabique a adopté l’Islam. Les musulmans sont donc en contact direct avec deux grands empires : la Perse et Byzance.

  1. Les successeurs de Mahomet, l’expansion et les divisions de l’Islam.

Mahomet n’avait pas réglé sa succession. Comme il n’avait pas de fils, les premiers califes (« successeurs » du Prophète) sont choisis dans sa proche famille, contre les prétentions de son gendre, Ali. Ce problème se règlera dans les assassinats et la guerre civile. Les partisans d’Ali se séparent de l’ensemble des musulmans et provoquent ainsi le schisme le plus grave de l’histoire de l’Islam. Il y a désormais deux groupes rivaux : les Sunnites, soucieux de respecter la Sunna, la tradition venue du Prophète, et qui reconnaissent les califes désignés par l’ensemble des croyants, et les Chi’ites, qui n’acceptent comme chefs qu’Ali et ses descendants directs. Ce schisme n’entraîne pas de différences religieuses fondamentales. Les deux tendances sont encore très vivantes aujourd’hui et leurs partisans se déchirent toujours avec autant de conviction et de violence. Les Chi’ites sont souvent plus traditionnalistes que les Sunnites.

Les premiers califes, à la fois chefs religieux et politiques, utilisent les conquêtes pour assurer leur pouvoir car ils s’attachent des fidèles grâce au butin. Les principales sont l’œuvre d’Omar (634-644) et de Othman (644-656) qui soumettent tout le Proche-Orient (Irak, Syrie, Palestine, Egypte, Libye).

Un conflit de succession donne le califat à la famille des Omeyyades qui font de Damas leur capitale. La Mecque perd ainsi son rôle politique mais reste le centre religieux de l’Islam. Les Omeyyades étendent les conquêtes à toute l’Afrique du Nord après de durs combats contre les Berbères qui se convertissent sans vraiment se soumettre. Ils passent ensuite en Espagne où ils s’imposent assez facilement au royaume wisigoth et traversent les Pyrénées. Ils sont arrêtés par Charles Martel à Poitiers en 732. A partir de la Syrie, les Omeyyades s’attaquent à l’Empire byzantin et assiègent plusieurs fois, en vain, Constantinople (711-718). A l’est, ils envahissent l’Empire perse et vont jusqu’à l’Indus et la Transoxiane (Talas, 751).

Les Abbassides, descendants d’un oncle de Mahomet, prennent le pouvoir et chassent les Omeyyades en 750. Ils fondent une nouvelle capitale, Bagdad. Un prince omeyyade se réfugie en Espagne et se proclame calife à Cordoue où sa dynastie se perpétuera jusqu’au XIe siècle.

Les Abbassides ne reprennent pas les conquêtes. L’empire, trop vaste, se gouverne difficilement. Aux frontières, les adversaires se réveillent : Charlemagne aux Pyrénées, Basile I et Basile II à Byzance. En outre, des guerres civiles opposent les clans musulmans. De nouvelles familles s’emparent de territoires importants. Comme les Omeyyades d’Espagne, les Fatimides, partis de Kairouan, proclament le califat au Caire au Xe siècle. A l’est, les Turcs se convertissent à l’Islam et menacent Bagdad.

  1. Organisation de l’Islam.

A l’époque de Mahomet, le conseil des tribus était l’organisme principal. Après les conquêtes, de vastes territoires devaient être gouvernés et administrés. Les musulmans maintiennent l’essentiel des structures existantes, byzantines ou persanes. Des villes nouvelles, centres commerciaux et militaires, peuplées d’Arabes, surveillent les pays d’alentour. Elles attirent marchands et artisans et diffusent la religion et la civilisation musulmanes.

Les conquêtes, sauf cas de résistance, acharnée, se sont faites assez pacifiquement pour les populations, se sont faites assez pacifiquement pour les populations qui conservent leurs biens, leur liberté et leur religion moyennant paiement d’un tribut. Pour ne plus payer celui-ci, beaucoup se convertissent à l’Islam.

Caravaniers et commerçants, les Arabes ont une civilisation essentiellement urbaine organisée pour le commerce à longue distance (caravansérails).

Dans les villes se groupent les artisans qui produisent les objets de luxe dont de nombreuses techniques viennent d’Asie : travail des métaux, ivoire, cuir, tissus de soie, de coton, de lin, …

Les Arabes pratiquent le commerce entre l’Asie, la Méditerranée et l’Europe. Grâce à eux, de nombreux produits d’Orient pénètrent lentement en Méditerranée et, par l’Espagne et l’Italie, gagneront l’Europe au moyen âge (ainsi, le papier).

Les Arabes, qui ne pratiquaient guère l’agriculture, adoptent celle des pays conquis. Les terres des particuliers restent à leurs propriétaires, moyennant le paiement d’une taxe. Les terres impériales et le butin de guerre passent à l’Etat qui met en place une administration (diwan) pour gérer et partager le produit des conquêtes, dont un cinquième revient à Allah. Ils en perfectionnent les méthodes, particulièrement l’irrigation (noria) et introduisent en Méditerranée des plantes asiatiques qui se répandront peu à peu.

  1. Une civilisation inspirée par la foi.

L’enseignement est lui aussi basé sur le Coran que les enfants apprennent par cœur. Certains poussent plus loin leurs études religieuses. C’est parmi ces lettrés que l’on choisit souvent les imams. A côté des grandes mosquées, des écoles supérieures étudient le Coran et les hadîths, recensent les éléments de la tradition, et des spécialistes du droit s’efforcent de trouver des solutions aux situations imprévues.

Dans le domaine des sciences, de nombreux savants, musulmans ou non, profitent de l’hospitalité des écoles et des palais pour poursuivre leurs recherches. Ils rassemblent et traduisent en arabe les œuvres de leurs voisins grecs, perses et indiens qu’ils reprennent et développent surtout à partir du XIe siècle. Cela explique l’importance des grandes bibliothèques arabes : celle de Cordoue comptait 400 000 volumes, mais les plus riches étaient celles des Fatimides au Caire. En médecine, les hôpitaux permettent la recherche de méthodes empiriques de soins à partir des connaissances anciennes. Les premiers grands savants à la fin du Xe siècle sont Al Biruni, astronome et mathématicien, et Avicenne, philosophe, médecin et poète.

Les Arabes transmettront à l’Europe, par l’Espagne, les chiffres arabes, le zéro et l’algèbre, les logarithmes, et de nombreuses connaissances en médecine, astronomie, géographie, etc.

Dans les arts, comme dans les sciences, les Arabes ont beaucoup copié leurs voisins mais ils ont tellement bien intégré les éléments choisis qu’ils ont réalisé des œuvres originales. C’est particulièrement le cas des grandes mosquées et des objets décoratifs.

L’architecture varie d’une région à l’autre mais, dans les mosquées, on trouve presque toujours les mêmes éléments : une cour entourée d’un portique, avec une fontaine pour les ablutions ; une salle divisée par des rangées de colonnes, avec une niche richement décorée (Mihrab) qui indique la direction de la Mecque (Quibla) et une chaire (Minbar) où prend place l’imam pour diriger la prière ; cette salle est parfois surmontée d’une coupole d’inspiration byzantine ou persane ; une ou plusieurs tours (minarets) flanquent la mosquée d’où le muezzin appelle à la prière. L’interdiction des images, sous les Abbassides, contemporaine de la Querelle des Images à Byzance, relève plus de la sensibilité de la région que des prescrits religieux (il n’y a pas d’interdits de ce type dans le Coran). La décoration devient essentiellement géométrique (arabesques), entremêlée de versets du Coran dans la belle écriture dite « coufique » (de la ville de Kufa en Irak). Cependant des représentations animales et humaines ornent des objets profanes et des manuscrits dont certains reproduisent même le Coran.

In Racines du Futur, Tome 1, Hatier, Bruxelles, 1991, pp. 174-183.