Panoramas Occident et Orient

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Depuis le VIIIe siècle, la Méditerranée a cessé d’unir. Trois mondes s’y rencontrent et s’y côtoient, chacun agrégeant des morceaux de continent. L’Occident, sorti de l’Empire Carolingien, mais pressé de s’agrandir vers le nord et l’est; Byzance, éblouissante de richesses et de passé mais entourée d’ennemis; l’Islam, répandu sur ses immenses conquêtes mais attaqué et fractionné. Trois univers, trois façons de penser, de croire et de vivre.

Eveil de l’Occident et présence de Rome

1. Guerre et foi

L’Europe a trouvé ses premiers contours sur les Carolingiens. De 950 à 1350, elle ne cesse de repousser ses bornes au nord, au sud et à l’est. Pour l’essentiel, elle joue son jeu sur le continent, même si l’Italie fait fortune sur la Méditerranée.

Conquérante, cette Europe croise le fer au nom du christianisme. Profitant de l’anarchie qui démembre le califat de Cordoue, elle entreprend la Reconquête de l’Espagne; l’opération se mue en guerre sainte quand le pape Alexandre II engage en 1063 les chevaliers d’outre-monts à franchir les Pyrénées pour combattre l’Islam.

En 1095, Urbain II revient à la charge; il s’agit, cette fois, de “venger Dieu” offensé dans sa terre “captive de l’Infidèle”. A ceux qui partiront, il promet la rémission de leurs péchés. Au moins cent mille guerriers répondent. Des rebuts de famille noble, mais aussi des princes. L’ardeur religieuse les galvanise et ils rêvent de coups d’épées, de butins fabuleux et de pays neufs. Leurs bataillons s’ébranlent au printemps 1096, se rejoignent à Constantinople et, au terme d’aventures, “délivrent” Jérusalem le 15 juillet 1099. Ils y fondent un royaume latin, puis d’autres Etats qui s’étirent sur 800 km. Durant un siècle et demi, l’Occident arme ainsi la croisade pour tenir, renforcer ou reconstituer le front guerrier contre l’Islam.

2. Loi du monde d’ici-bas

Guerrier, l’Occident du XIe et du XIIe siècle l’est dans ses propres frontières. L’insécurité reparue après l’échec des Carolingiens avait envenimé les rapports politiques et dévié les pouvoirs commandement. Pour des générations, le cadre le plus efficace de l’organisation politique se confond avec la région : quand sonne l’alerte, mieux vaut un chef sur place qu’un roi lointain ! De là l’importance des liens d’homme à homme.

Dans ce contexte, l’inégalité règne. Dieu l’a voulue, disent les théoriciens; dès les origines, il a divisé le genre humain; certains labourent et bêchent, filent et tissent, pour que d’autres prient, ou chevauchent et commandent.

3. Tuteurs du monde : l’empereur ou le pape ?

Même fractionné, l’Occident a ses hauts-lieux : Rome et Aix-la-Chapelle, où les Carolingiens avaient domicilié leur Empire. Depuis 962, il a retrouvé un empereur : le souverain de Germanie. Sans doute celui-ci ne règne-t-il que sur l’Allemagne, l’Italie et, depuis 1032, la Bourgogne, mais il porte le titre d’Auguste et il est “défenseur” de Rome. Il aime à le rappeler dans des cérémonies de parade où il paraît, tantôt muni d’un globe d’or qui symbolise “la monarchie de tous les royaumes”, tantôt drapé dans un manteau bleu où figurent le firmament.

Il ne se contente pas d’éblouir. Pour contrecarrer les grands, il s’allie bon nombre d’évêques qu’il choisit et dote de pouvoirs politiques dans de vastes territoires. Ainsi fait-il à Liège. Un diocèse important : Aix-la-Chapelle en relève. Or une noblesse insolente s’y agite. Otton 1er décide de la mater. Parmi les clercs de son entourage, il a distingué un Souabe énergique, Notger. Il lui confie en 972 le siège de Liège avec mission “d’arracher et de planter”. A peine arrivé, le nouvel évêque frappe dur. Il prend par ruse le château de Chèvremont – un nid d’aigle qui menace la ville – et massacre la garnison. Il déjoue les intrigues, assiège les rebelles, fortifie la cité et plusieurs points d’appui dans son territoire. Des dons le récompensent. Il reçoit au coeur du diocèse la possession du comté de Huy. A sa mort, en 1008, Liège chante : “Tu dois Notger au Christ, tout le reste à Notger”.
Abaissée elle-même, la papauté tolère ces pratiques, jusqu’au jour où, emportée par l’esprit de réforme, elle s’insurge. Et les critiques de fuser, ici des prédicateurs itinérants, là des moines sortis de leur retraite fustigent l’ambition et la cupidité des prélats. A Rome, des responsables, parfois issus d’abbayes, mais portés à des fonctions d’autorité, se déchaînent contre la mainmise des laïques : une abomination ! On marchande les ministères sacrés et on les confie à des indignes !

Rétablie dans son prestige moral, la papauté gagne sa liberté. Par décret, Nicolas II réserve en 1059 l’élection pontificale aux cardinaux. Et tout se précipite. En 1075, Grégoire VII dénonce sans appel l’ingérence des laïques et proclame l’autorité de Rome sur tout et sur tous, même en matière politique. Un renversement des positions. L’empereur Henri IV refuse de s’incliner. Excommunié, accusé de trahir les devoirs de sa charge, il réplique : ne tient-il pas son pouvoir de Dieu lui-même ? Le conflit ébranle tout l’Occident. Il ouvre pour un demi-siècle la Querelle des investitures, où les armes, les exclusions et les efforts de conciliation parlent tour à tour.

De guerre lasse, les antagonistes s’accordent sur un compromis en 1122 : le Concordat de Worms. Désormais, les évêques seront élus par “le clergé et le peuple”, en fait par le chapitre cathédral. Une fois sacrés, ils seront revêtus de leur pouvoir spirituel par la remise de la crosse et de l’anneau. Puis, dans un délai de six mois, ils pourront obtenir l’investiture d’une fonction temporelle.

La lutte du Sacerdoce et de l’Empire se ranime avec Frédéric Ier Barberousse, épris de “l’honneur de l’Empire”. Elle redouble de violence quand le pape attaque Frédéric II “dont la Majesté impériale” ne doit de comptes “qu’au jugement de la raison, mère du droit”. A qui revient donc la “tutelle du monde” ? Autant de démêlés donnent corps à une théorie qui prévaut à Rome vers 1200 – 1230. Non seulement le pape domine tous les évêques, mais les souverains tiennent de lui leur royaume. Couronné de la tiare, il dirige l’Eglise en monarque. Sous ses ordres officient une hiérarchie de tribunaux, une administration financière et des inquisiteurs chargés de dépister les erreurs et les déviations.

Byzance et la chrétienté d’Orient

1. De Basile II à Alexis Comnène

La chrétienté d’Orient vit une ère de défi. Un élan de reconquête triomphal en Mésopotamie, en Crête, en Italie du Sud et sur le Danube l’a portée au Xe siècle. Il se brise en 1025 : l’empereur Basile II n’a pas de successeur de sa trempe. Pis : le parti opposé aux grands généraux persuade le gouvernement de réduire les armées. Comme si l’Empire pouvait se découvrir ! En 1071, il perd l’Italie du Sud, tandis que les Turcs, avancés en Asie Mineure, écrasent la même année l’empereur Diogène à Mantzikert, en Arménie. Issu de l’aristocratie militaire, Alexis Ier Comnène les arrête en 1081 et jugule l’anarchie. Le réalisme l’accule à céder des territoires sur sa frontière orientale : aux Turcs, le centre ouest de l’Asie mineure; aux Byzantins, la côte.
Désormais, l’Est de l’Empire vit de sa propre vie face à un Islam de plus en plus remuant. Il est administré, découpé en districts que tiennent des commandements retranchés dans leurs leurs places fortes. Mais l’aristocratie monnaye sa contribution : elle fournit un contingent de soldats proportionnel à l’importance des terres que lui concède l’Etat.

La réduction du territoire et la concurrence des cités marchandes d’Italie sont durement ressenties. L’économie se délabre, les finances publiques se dégradent, les impôts s’alourdissent, les corvées empirent, la petite propriété dépérit. Il faut compter aussi avec les intrigues de la bureaucratie et, aux frontières, avec les effets des contacts avec les Turcs. Un empire en sursis ?

2. Sécession religieuse : le schisme

Attendre de l’aide de l’Occident chrétien? Depuis des siècles, trop de dissensions religieuses gangrènent les relations avec Rome. En 1054, les deux Eglises font sécession. En cause, la primauté pontificale, le mariage des prêtres et la concurrence des deux chrétientés en Europe centrale et dans les Balkans. Une délégation arrivée de Rome au début de 1054 excommunie le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire, qui riposte par l’anathème. Ce règlement de comptes installe chacun dans ses retranchements. Byzance, bientôt confrontée aux croisés, conclut à la corruption de Rome.

Sur ce fond de défi, elle donne au christianisme un visage de triomphe. La semaine qui précède Pâques y est célébrée dans l’allégresse des chants qui glorifient le Christ. Le luxe du culte ne doit pas surprendre : conçu comme un écrin et rehaussé de coupoles, le sanctuaire se veut « ilot de l’autre monde ». Il figure l’espace céleste. C’est pourquoi la lumière ne se déverse pas de l’extérieur; ce sont les parois rutilantes de mosaïque et de fresques qui la distribuent ou la distillent. Au plus haut du chœur, l’effigie du Tout-Puissant, maître des cieux et de la terre.

3. Eclats d’un soir d’empire

Reine des détroits, Constantinople abrite le gouvernement civil, les tribunaux et les bureaux. Ville d’églises et de palais somptueux, de quartiers de luxe et de rues bruyantes, elle est sans égale : 400 000 habitants souvent diserts, toujours versatiles, contre 80 000 à Paris vers 1200 et 20 000 à Londres ! Nul n’y fait carrière s’il ne maîtrise le grec savant, les lettres ou l’intrigue. Mais le milieu dirigeant s’ouvre aux hommes de talent.

Byzance éblouit de luxe et de richesses. Elle tient la route des épices asiatiques et redistribue les tissus de soie, dont elle a arraché le secret de fabrication à la Chine au VIe siècle. Elle a une monnaie d’or inaltérée jusqu’au milieu du XIe siècle que, par dépit, les Occidents appellent le besant (le byzantin). Si le trafic en provenance d’Asie passe par des intermédiaires juifs ou musulmans, les lieux de négoce se situent à Constantinople, Thessalonique et Trébizonde. Les Vénitiens s’y inscrivent comme étrangers pour recevoir des concessions. En face, le monde latin n’est qu’indigence ou grossièreté, répètent les voyageurs, dévorés de jalousie.

Car le ressentiment va bon train. Les Grecs, aux yeux des Occidentaux ? Des maniérés « mous et efféminés », des fourbes et des lâches ! Toutes les hérésies ont pris naissance chez eux et ils ont abandonné Jérusalem ! Or à la fin du XIIe siècle, des luttes intestines les affaiblissent de nouveau. Le fils d’un compétiteur détrôné appelle à l’aide les armées des croisées, qui rétablissent le souverain déchu, mais, bientôt, se prennent de querelle avec les autochtones. Et c’est, le 13 avril 1204, l’assaut de Constantinople. Un massacre, où s’assouvit la haine des « Francs » envieux : « Jamais pareil butin n’avait été ramassé dans une ville », s’exclame l’historien des croisés Villehardouin. Et le chroniquer Nicétas Choniatès : « Les Sarrasins eux-mêmes sont bons et compatissants en comparaison de ces gens qui portent la croix du Christ sur l’épaule ».

Non contents de piller, les Croisés démembrent l’Empire d’Orient. Ils proclament l’un d’eux, Baudouin, comte de Flandre et de Hainaut, empereur de Romanie à Constantinople ! Refoulés en Asie mineure, les Grecs cultivent avec nostalgie et courage le meilleur de leur héritage culturel. Ils organisent, non succès, une économie de repli et harcèlent les positions des empereurs latins que honnissent les populations et que minent des dissensions. En 1261, Michel VII Paléologue reprend Constantinople par surprise et y ceint le diadème. Byzance restaurée fera-t-elle front aux Turcs ?

Crises et renouveau de l’Islam

1. Dangers et divisions

Toute une légende entoure l’Islam de l’an mil. Pour les Occidentaux qui ne l’ont pas rencontré, c’est le monstre à abattre. Ecoutez La Chanson de Roland : « Les Français disent : Bientôt vous mourrez, goujats ! » C’est que les Musulmans ont pris Jérusalem, subjugué une partie de l’Orient et de l’Afrique, empiété sur l’Europe, sans parler de l’Asie où ils ont passé l’Indus et saisi les routes de la soie et des épices. Ils ont inventé la guerre sainte. L’Occident leur oppose la Reconquista  et la croisade tout en les refoulant d’une partie de la Méditerranée par vaisseaux de guerre et bateaux pirates interposés.

Image bien incomplète. L’Islam joue son destin ailleurs et autrement. L’important pour lui : amalgamer des territoires échelonnés sur trois continents ! Le monde musulman se fractionne donc, mais reste musulman, et il s’agrège des peuples nouveaux.

Le califat fondé à Kairouan en 909 et transféré au Caire en 969 se prévaut d’Ali et du chi’isme. D’entrée, il se coupe de celui de Bagdad qu’il tient pour usurpateur. Ayant rallié les villes saintes de la Mecque et de Médine en 971, sa dynastie – les Fatimides – dirige le plus puissant des Etats musulmans durant un siècle et demi : Afrique du Nord, Egypte, Palestine et Syrie. L’économie prospère, l’armée suit et recrute au besoin des Turcs et des Noirs. Des désordres assombrissent les années 1050, puis, entre 1090 et 1120, des dissidences crevassent l’édifice. Des troupes se révoltent, alors que les croisés attaquent !

Là-dessus, le califat de Bagdad reprend l’initiative. En 1169-1171, le Kurde Salâh al-Dîn (Saladin) reconquiert l’Egypte et en chasse les Occidentaux. Ses succès foudroyants jusqu’à Jérusalem et Saint-Jean d’Acre en 1187-1189 refont l’unité de l’Orient musulman.

2. Souffles nouveaux

Entre-temps, des Musulmans de fraîche date ont relancé l’expansion.

A l’Est, les Turcs. Originaires de l’Asie centrale, ils ont oscillé aux frontières du califat de Bagdad, certains s’enrôlant comme auxiliaires dès le IXe siècle. En 1040, une de leurs tribus – les Seldjoukides – vainc le sultan de Ghazna, dans l’actuel Afghanistan, et prend le contrôle des franges de l’Islam. Passée en Iran, elle vole au secours du calife de Bagdad, alors en difficulté, y restaure l’administration civile et militaire, combat les Fatimides, se tourne vers l’Asie mineure et harcèle les Byzantins. Victorieuse à Mantzikert, elle fonde un Etat qui lutte contre les croisés et atteint son apogée entre 1210 et 1240.

De ses traditions, elle garde la conception du pouvoir : une famille domine; l’aîné en est le chef reconnu; les autres membres reçoivent des commandements militaires et des postes à responsabilités : ils y sont préparés. Chaque enfant du sultan a un précepteur qui le suit et le conseille sans désemparer. Des écoles d’Etat, les madrasas, forment le personnel nécessaire à l’administration. Lieux de prière et d’étude, elles enseignent les sciences. Les plus importantes possèdent de riches bibliothèques et accueillent cinq à six milles étudiants.

Comme au Proche-Orient, de nouveaux venus refont l’unité musulmane en Afrique du Nord. Sortis du Sahara occidental où ils ont vécu en nomades, ces « hommes voilés » – les Almoravides – pratiquent une religion de stricte observance. A peine ont-ils fondé un Etat à Marrakech en  1062-1070, qu’ils se mobilisent aux côtés des Maures d’Espagne. Vainqueurs des Castillans en 1086, ils bloquent la reconquête chrétienne. Mais séduits par les raffinements de l’Andalousie, ils relâchent leur rigueur. D’autres Berbères, restaurateurs de l’ordre, les Almohades, les supplantent en 1145-1147 et raniment l’esprit de conquête.

3. Gengis Khan et le péril mongol

Le destin de l’Islam échapperait-il aux Arabes? Les Mongols lui portent au XIII siècle des coups terribles. Ne le voyons pas surgir des steppes en hordes déchaînées : ils ont dés longtemps entrepris leur longue marche. Vers 1150, ils tiennent un certain rôle en Extrême-Orient, professent des religions originaires de l’Asie antérieure et trafiquent de l’or et des fourrures avec les marchands musulmans. Vers 1200, ils élisent pour chef un rassembleur de génie Temudjin (Gengis Khan) qui galvanise l’allégeance des clans et se donne pour l’envoyé du ciel. Sous ses ordres, les armées courent de victoire en victoire. Elles submergent la Chine du Nord, l’Asie centrale et l’Afghanistan. Au lendemain du partage qui solde l’héritage de Gengis Khan, celles de « l’Ouest » se précipitent sur l’Islam, conquièrent l’Iran, écrasent les Seldjoukides en 1243 et dévastent Bagdad en 1258.

Le Proche-Orient menace de se désagréger. Un coup d’Etat met au pouvoir en Egypte et en Syrie un groupe de militaires : des mercenaires d’origine turque ou géorgienne, les Mamluks. Ils ne visent pas l’expansion, mais repoussent les Mongols. Conscients des avantages de leurs positions, ils s’approprient les voies qui conduisent de la Méditerranée et de la mer Rouge à l’Inde et à la Chine. Libre à eux d’ouvrir ou de museler les trafics.

4. Le développement artistique et scientifique

Tant de retournements auraient pu briser les axes nerveux de l’Islam. Mais non ! Chercheurs, marins et marchands rencontrent dans leur périple les trésors du monde grec, persan et indien. Inventifs, ils perfectionnent ce qu’ils trouvent. Deux exemples : leurs navigateurs rallient l’océan Indien et croisent les Chinois. Ils en ramènent le papier, la boussole et le chiffre qui deviendra arabe. Ils tirent de l’oubli un outil d’origine grecque qui mesure la hauteur de la Polaire sur l’horizon et, du coup, fournit une bonne approximation de la latitude : l’astrolabe, « preneur d’étoiles ».

Un mouvement de tradition diffuse à partir de Bagdad, puis de Cordoue un trésor d’œuvres grecques et persanes. Renourries, les sciences percent. En médecine, la chirurgie et l’ophtalmologie conjuguent théorie et pratique. Les mathématiques dépassent le calcul et l’étude des figures : l’algèbre est inventée, l’extraction des racines cubiques, résolue, le binôme (a+b)m, développé sous la forme d’un triangle des nombres six siècles avant Pascal ! D’autres recherches abordent l’attraction  des corps et la vitesse de la lumière. Toutes participent d’une question repensée à partir des Grecs : comment la foi, la raison et l’expérience ? Pour y voir, un Ibn Sinà (Avicenne), au début du XIe siècle, un IBn Rushd (Averroës), au XIIe siècle, totalisent le savoir de leur temps.

Un art de l’irréel prolifère : pour orner nombre de niches et de plafonds, des alvéoles sculptées en prisme; sur les murs, des arabesques, des volutes et des graphismes qui s’étirent, se recoupent et s’enlacent à l’infini. La ligne parle et n’abandonne rien au vide. Elle rythme les tracés, travaille les surfaces, mue le décor en une sorte de méditation graphique sans commencement ni fin. L’équivalent ciselé en reliefs ou modulé en volutes des oscillations mêmes de l’esprit.

In Racines du Futur, Tome 2, Hatier, Bruxelles, 1991, pp. 8-17.