La page de prose : les types d’énoncés

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1. L’énoncé historique et le discours.

On distingue dans le langage deux grandes catégories d’énoncés : l’énoncé historique et le discours.

1.1. L’énoncé historique.

Il consiste dans la présentation d’événements passés sans aucune intervention du locuteur (le sujet parlant) dans l’énoncé. Le locuteur s’efface devant les faits rapportés qui semblent se dérouler devant le lecteur, sans intermédiaire.
L’énoncé historique se caractérise par les marques formelles suivantes :
– l’utilisation exclusive du pronom de la 3e personne ;
– l’utilisation des trois temps du passé : passé simple (temps de l’histoire par excellence, il fige l’action dans un passé coupé du présent), imparfait, plus-que-parfait ;
– la présence de repères temporels qui permettent de situer l’action dans le passé.

1.2. Le discours.

Le discours désigne tout énoncé supposant la présence d’un locuteur et d’un auditeur. Le mot a ici un sens plus large que le sens courant d’allocution.
Le discours se caractérise par :
– l’utilisation de tous les pronoms personnels, et en particulier ceux de la 1re et de la 2e personne, qui désignent les interlocuteurs en présence ;
– l’utilisation de tous les temps, sauf le passé simple, avec une prédilection pour le présent, le futur et le passé composé (caractéristique du discours, ce temps a pour fonction d’établir un lien entre l’événement passé et le moment présent) ;
– la présence de déictiques (qui renvoit au sujet parlant), éléments qui ne prennent leur sens que par rapport à la situation dans laquelle ils sont prononcés et à laquelle ils font référence (locutions marquant le temps et le lieu : maintenant – hier – ici ; démonstratifs : ceci …).

Enoncé et discours

2. Le discours rapporté.

On appelle discours rapporté un discours qui est intégré dans une histoire. On distingue trois modes d’insertion de la parole :

2.1. Le discours direct.

Les paroles sont rapportées intégralement sans subir aucune modification.
L’introduction du discours direct dans un récit constitue une forte rupture marquée par :
– la présence de signes typographiques spécifiques (deux points, guillemets, tirets pour les répliques qui se suivent) ;
– des changements de temps et de personnes (passage de l’énoncé historique au discours).

2.2. Le discours indirect.

Il s’agit alors d’une transposition des paroles : le contenu général est conservé, mais on abrège et on élimine les marques spécifiques du discours (éléments des fonctions expressive, impressive et de contact).
Le discours indirect est inséré dans une proposition subordonnée complétive ; les temps et les pronoms sont ceux de l’énoncé historique. Ce procédé évite la rupture et conserve au récit son unité.

2.3. Le discours indirect libre.

Adoptant les formes grammaticales du style indirect (temps et pronoms de l’énoncé historique), il s’en différencie par l’absence de subordination et par la fidélité au ton du discours.
Reproduisant la vie de la parole, le discours indirect libre a le mérite de ne pas créer de rupture dans le récit.

3. Le discours intégré.

Les romans se présentent rarement sous la forme pure de l’énoncé historique. Les faits historiques existent en dehors de toute parole qui les rapporte : les documents témoignent de leur réalité. Au contraire, le récit romanesque suppose généralement l’existence de quelqu’un qui connaisse les faits et les raconte.
Le récit romanesque est donc souvent un mélange d’énoncé historique et de discours. Mais il s’avère difficile de repérer l’origine du discours dans un roman, en dehors des dialogues qui indiquent clairement quel est le personnage qui parle. On peut cependant distinguer trois grandes catégories de romans, selon la place qui est impartie au discours et selon son origine.

3.1. Prédominance de l’énoncé historique.

Le texte est constitué essentiellement par la catégorie de l’énoncé historique. Le pronom de la 3ème personne désigne les personnages fictifs dont on raconte l’histoire.
Dans ce cas, l’apparition du pronom de la 1ère personne, en dehors des dialogues, traduit l’intervention de l’auteur qui s’adresse au lecteur. Le discours a pour fonction de renvoyer au réel, c’est-à-dire à l’auteur, inventeur de la fiction, et au lecteur. L’énoncé historique au contraire concerne le domaine de la fiction, c’est-à-dire les personnages et leur histoire. L’apparition des temps et des pronoms du discours dans l’énoncé historique constitue l’intrusion d’auteur.

3.2.. Equilibre de l’histoire et du discours.

L’histoire est racontée par un personnage (le narrateur) qui y a participé en quelque façon. On distinguera avec soin l’auteur du narrateur : l’auteur est la personne réelle qui invente la fiction et lui demeure étrangère ; le narrateur est un personnage (héros ou témoin) qui est mêlé à l’univers de la fiction et qui a pour fonction de relater cette histoire imaginaire.
La présence d’un narrateur implique deux significations du pronom je :
– utilisé avec les temps de l’histoire (passé simple en particulier), le pronom je est l’équivalent d’un il. Il désigne le narrateur tel qu’il était au moment où se sont déroulés les épisodes racontés ;
– utilisé avec les temps du discours, le pronom je désigne le narrateur tel qu’il est devenu au moment où il raconte l’histoire.
Dans certains romans, appelé récits à la première personne, le narrateur se confond avec le héros de l’histoire. Ce procédé permet de passer de l’histoire au discours, d’une phrase à l’autre : au récit des faits passés se juxtapose le commentaire présent du narrateur.

3.3. Prédominance du discours.

On peut raconter des événements sous la forme du discours. Le choix de ce procédé correspond à un désir d’expression spontanée. Présentés dans un discours, les événements passés semblent plus proches : ils sont relatés non pour eux-mêmes mais pour le retentissement qu’ils ont dans la conscience du narrateur.

Souhaites-tu…

Pagès, Pagès-Pindon, Le Français au lycée, Nathan, Paris, 1984, pp 116-119