Qu’y a-t-il après la mort ?

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Christianisme Judaïsme Islam Bouddhisme
D’après les réponses de Bernard Seboué, jésuite, professeur de dogmatique et de patristique au Centre Sèvres, à Paris. D’après les réponses de Franklin Rausky, enseignant de psychopathologie à Strasbourg 1 et ancien directeur du Centre universitaire d’études juives. D’après les réponses de Soheib Bencheick, théologien musulman. Dans les religions de l’Extrême-Orient, les conceptions de l’homme, du monde, de l’absolu, de la vie et donc de la mort sont totalement différentes.
Les questions sur l’au-delà habituellement posées aux religions monothéistes ne sont pas comprises par un interlocuteur bouddhiste. C’est pour cela que nous avons interrogé Dennis Gira, spécialiste du bouddhisme.
1. Qu’est-ce que la mort ?
Dieu n’a pas fait la mort. Mais parce que l’homme s’est séparé de Dieu et ne vit plus de son Esprit, il a contracté une fragilité qui aboutit à la mort. C’est la conséquence du péché de l’homme, en tant qu’elle est douloureuse: « Le salaire du péché c’est la mort » (Romains 6, 23). La mort est aussi un passage : s’il est placé sous le signe du salut offert par le Christ, il débouche sur la plénitude de la vie en Dieu. Ce n’est ni une malédiction, ni la conséquence du péché. C’est l’aboutissement naturel et normal de tout être vivant. La fin de la vie physique. Une transition avant la vie éternelle. Nul n’y échappe. Ni une fin, ni une rupture. Le flux ininterrompu des éléments qui constituent l’individu se recombine après la mort pour former un nouvel individu.
2. Après la mort, le corps se sépare-t-il de l’âme ?
Pas de séparation totale. Le corps n’est pas une partie de la personne mais la personne elle-même dans son rapport au monde. L’âme en est le principe vital, son « moi ». Dans la littérature juive classique, corps et âme, unis durant la vie, se séparent à l’instant de la mort. Oui. Mais il s’agit d’une séparation provisoire. L’âme n’existe pas dans la perspective bouddhiste. Le corps et les différents éléments psychiques se dissocient.
3. Que devient le corps ?
N’étant plus animé, il devient un cadavre et il se dégrade. Il ne représente plus la personne comme telle. Mais celle-ci n’est pas anéantie, elle demeure vivante. Elle communique avec le cosmos de manière plus universelle. Il retourne à la terre dont il est issu. Mais le créateur peut ramener à la vie, dans des temps et par des voies qui échappent à la connaissance humaine. Le corps redevient poussière. Mais à la résurrection, Dieu saura le reconstituer. « L’homme pense-t-il que nous ne rassemblerons pas ses ossements ? Oui ! Nous avons le pouvoir de remettre en place ses phalanges. » (Coran, Sourate 75, versets 3-4) L’âme immortelle et céleste, rejoint aussitôt le ciel. La recombinaison des éléments est régie par la loi du karma, c’est-à-dire par la qualité des pensées, des paroles et des actes posés par l’individu au cours de sa vie. Cette force karmique est comparable à une colle. Elle reconstitue les divers éléments selon le bilan karmique de l’individu au moment de sa mort. Il y a une continuité entre le dernier moment de cette vie et le premier moment de la vie suivante.
4. Y a-t-il un jugement après la mort ?
On distingue le jugement individuel, à la mort de chacun, où l’on découvre ce que l’on est vraiment, et le jugement universel par le Christ. « Il jugera les vivants et les morts. » En ce jour du « Jugement dernier » fixé par Dieu, Celui-ci se révélera dans sa miséricorde et sa lumière. Dieu juge les êtres humains. Selon leurs mérites d’ordre éthique, Il accorde aux âmes l’immortalité ou l’anéantissement. Oui, le Dernier Jour, quand Dieu ressuscitera tous les êtres humains. Tous seront jugés par Dieu et recevront condamnation ou récompense selon leurs actions passées. « L’homme sera interrogé sur trois points : sur sa richesse et comment il l’a dépensée; sur sa jeunesse et comment il l’a passée; sur sa santé et en quoi il l’a usée. » Pas de juge. C’est la loi karmique, loi naturelle et inscrite, qui s’impose à tous. La vie suivante est l’expression du karma de la vie antérieure
5. L’homme est-il prédestiné ?
Non. Notre seule prédestination est d’être fils adoptif de Dieu et nul n’est prédestiné à accepter ou à refuser cette adoption. Au cours de l’Histoire, en particulier dans le courant janséniste, certains écrits de saint Paul ont été interprétés dans un sens contraire. Mais l’Eglise a toujours condamné de telles lectures. Non. L’homme est créé responsable de toutes ses actions et doit en rendre compte. Non. Accepter le Décret de Dieu préalablement établi (al qadâ) n’a rien à voir avec un fatalisme pessimiste. Les hommes sont responsables et libres. Mais, ils n’ont pas tous le même degré de responsabilité. Celle-ci est proportionnée à la richesse, à l’intelligence et à la santé données par Dieu. Le but de l’homme est de se libérer des liens karmiques et de sortir du cycle des renaissances. Cette délivrance est le nirvâna. Tout bouddhiste peut accéder au nirvâna puisque Bouddha (Ve siècle av. J.-C.) y est parvenu. Le nirvâna n’est pas le néant mais l’extinction de tout ce qui pèse sur l’homme.
6. Ce que l’on devient après la mort dépend-t-il de notre vie sur terre ?
Tous les morts ressuscitent : « Ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie; ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de jugement » (Jean 5, 29). Le sens que le chrétien donne à sa mort est lié à celui qu’il a donné à sa vie : un don de soi à Dieu. A travers sa mort et sa résurrection, le Christ offre le salut à tous les hommes. Le baptême, pour tous ceux qui le demandent, est déjà une manière d’orienter sa vie dans le sens de la résurrection avec le Christ. Oui, le juste prolonge sa vie terrestre par la vie éternelle de son âme. Une vie de destructivité aboutit au néant. Oui. Seule sa bonne conduite, découlant de sa propre volonté, sauve l’homme. « Tout individu est l’otage de ce qu’il a accompli » (Sourate 74, 38). Mais, il est aussi écrit : « Dieu efface un grand nombre des péchés. » (Sourate 42, 30). Seuls ceux qui sont arrivés à une juste compréhension de la condition humaine et ont agi en conséquence se libèrent de l’emprise du karma.
7. Que se passe-t-il alors, selon que notre vie a été « bonne » ou non ?
D’abord la « première » résurrection qui aboutit à la béatitude en Dieu. Puis, la résurrection finale, lors du retour glorieux du Christ. On ne peut se représenter « l’entre-deux » de ces résurrections. L’âme du juste est appelée à une vie éternelle, purement spirituelle, dans la jouissance de la contemplation de la présence divine, sans fusion ni engloutissement dans le divin et hors de tout plaisir matériel. L’âme du pervers s’anéantit après la mort. Les sévères châtiments annoncés pour ceux qui agissent mal se réaliseront-ils ? « Dieu ne peut manquer à ses promesses mais peut revenir sur ses condamnations« . Mais si condamnations et récompenses il y a, elles sont justes. cfr n°6
8. Est-il possible de communiquer avec les morts ?
Non. Mais l’Eglise affirme qu’une communion et une solidarité spirituelles avec les défunts sont possibles puisqu’ils sont, comme nous, membres du Corps du Christ. On peut aussi unir notre pardon à celui du Christ. Le Deutéronome l’interdit. Pour certains rabbins, cette pratique est illusoire. Pour d’autres, elle est moralement dangereuse. Non. La seule communication avec le monde invisible est avec Dieu. Les musulmans qui prétendent le contraire sont des charlatans en totale contradiction avec le Coran. Oui, selon certaines traditions (voir « Le Livre des morts tibétains »). Pendant quelques jours après sa mort, le défunt peut communiquer avec un maître spirituel afin que celui-ci l’aide et le dirige dans une bonne direction.
9. Les vivants peuvent-ils influencer le destin des morts ?
Oui. En priant ou en célébrant l’eucharistie pour les défunts, on unit notre intercession pour eux à celle du Christ. On peut ainsi unit notre pardon à celui du Christ : c’est la communion des saints. Oui, selon certains mystiques. Mais, dans Isaïe, il est écrit : « Nul œil, en dehors du rien, ô Dieu, n’a vu cela. » Oui, en priant pour eux. Le fils peut aussi, par ses bonnes œuvres acquérir une récompense pour son père mort, responsable de son mérite. Oui, dans certaines traditions. On peut transférer les effets de ses propres actes méritoires au bénéfice d’un défunt de sa famille.
10. Les morts ont-ils une influence sur nos vies ?
On peut se confier à leur intercession auprès de Dieu. Situation paradoxale de pouvoir à la fois prier pour eux et non recommander à leur prière. Oui, selon certains auteurs. Mais, nul ne peut en parler. Aucune. Notre destin n’est pas lié à celui de nos ancêtres. « Tout homme ne commet le mal qu’à son propre détriment ? Nul ne portera le fardeau d’un autre. » (Sourate 6, 164) Seuls ceux qui renaissent comme divinités peuvent exercer une influence sur certains aspects de la vie. Mais ils ne peuvent aider les hommes à échapper au cycle du karma.