Introduction
En préambule, il s’avère indispensable de préciser que cette approche est une approche parmi d’autres possibles (d’où le titre de cette synthèse). Elle s’inscrit dans une ambition plus large de compréhension globale du flux informationnel, autrement dit l’analyse critique des différents médias.
Aussi, il s’agit ici d’un « méta » discours. Car nous analysons l’analyse, nous essayons de mettre en place une technique qui vise à mieux comprendre les informations. En d’autres termes : les informations qui sont reprises dans ce cours servent à manipuler l’information en général…
Enfin, cette succincte présentation s’inscrit dans une double optique : introduire un rapport au monde qui se veut à la fois le plus objectif possible mais également le plus analytique possible. Ce rapport au monde détermine des valeurs, et il serait donc utile de comprendre les enjeux et « modalités » de ce rapport à l’information. Car comme nous l’avons vu précédemment, on ne peut avoir un avis sur les événements que si l’on les connait. Cette connaissance, ce n’est pas de la pure translation de faits (répétition de l’information), mais un cheminement, une analyse, qui suppose un sens critique.
Pour ne pas trop compliquer la tâche, nous résumerons et schématiserons un maximum. Nous proposerons une technique en deux points, relatifs à la double optique visée plus haut), mais il est nécessaire de préciser, encore une fois, qu’il ne s’agit d’ici que d’un essai de décortiquer le rapport que nous avons au monde qui nous entoure via les médias, rapport qui nous permet de comprendre un peu mieux notre environnement politique, social, culturel ou encore financier, et qui aboutira, en fin de parcours, à une prise de position, un avis, une opinion, et, peut-être en allant un peu plus loin, nous permettra donc de nous construire une idéologie via cette connaissance : un ensemble de valeurs.
La variété des sources
La variété quantitative
Pour ne pas trop enfoncer de portes ouvertes, un simple schéma suffira à un long discours :
Explication :
C’est tout simple : un cercle représente un média qui relate une information. Imaginons que le premier cercle représente un journal papier, le deuxième une émission télévisée et le troisième un site web. Les trois relatent un même événement mais les versions diffèrent d’un média à l’autre. La zone hachurée représente ce que ces trois médias rapportent de commun. L’événement analysé, par ce « recoupement », se retrouve a priori plus fiable. En conclusion : plus on multiplie les sources plus on a de chances de se rapprocher de ce qui s’est réellement produit, de ce qui a réellement été dit ou fait.[1]
La variété géographique
Pour se faire une idée plus précise du monde qui nous entoure, la lecture et l’analyse des médias d’une même provenance géographique et surtout leur recoupement s’avère indispensable. Mais un autre facteur entre en jeu, celui justement de la position géographique du média. De nouveau, ici un petit exemple vaudra mieux qu’un long discours : lors des attentats de Bruxelles le 22 mars 2016, tous les médias « occidentaux[2] » en tiraient leurs « unes ». Or, de l’autre côté de la Méditerranée, en Arabie Saoudite notamment, les médias en parlaient, certes, mais l’événement n’était pas à la une[3]. Et inversement : lorsqu’une bombe éclate à Islamabad au Pakistan, à moins que l’explosion ne fasse un nombre incroyable de victimes, les médias « occidentaux » n’en feront pas leurs choux gras. Dès lors, cela vaut la peine de choisir une « palette » de médias issus de zones géographiques variées, afin de mieux comprendre les différences d’intérêts (généralement corrélés à une analyse géo-économico-politique) et mêmes parfois idéologiques qui se cachent derrière la manière dont ces médias relaient les informations.
La variété idéologique
Enfin, il est évident que lorsque l’on analyse un événement au travers d’un média, savoir de quelle « couleur » se teinte le média sera capital si l’on veut être critique par rapport à l’information relayée. Une chaîne de télévision qui appartient à un homme d’affaire critiquera rarement ledit homme d’affaire ; un journal de gauche ou d’extrême gauche défendra rarement les thèses néolibérales et à l’inverse, un journal comme Minute[4], un hebdomadaire français qualifié d’extrême droite, émettra vraisemblablement quelques réserves à faire l’apologie de l’accueil des immigrés.
Le décryptage du média, l’analyse au sens strict
La verticalité et l’horizontalité de l’analyse
Explication :
L’axe vertical représente la quantité d’information. Plus on possède d’information et plus on a des chances de se rapprocher d’un regard critique sur notre environnement[5].
L’axe horizontal symbolise la profondeur d’investigation (si l’on peut s’exprimer ainsi) du média. Autrement dit : l’axe vertical représente le nombre de sujets traités et l’horizontal le temps passé (ou encore la pertinence) sur un sujet.
Le carré gris représente l’investigation d’une personne par rapport aux médias/informations. L’idéal serait que le carré soit parfait : autrement dit que la personne connaisse beaucoup de choses (verticalité) en profondeur (horizontalité). Un rectangle de type a signifie que la personne connait énormément de choses (culture générale), un rectangle de type b signifie que la personne est experte dans l’analyse du sujet qu’il traite.
Le décryptage proprement dit
Explication :
Le cercle est la clé de l’analyse. Il symbolise le langage dans lequel se donne le média à l’observateur. Le langage se rapporte à tout ce que nous avons expliqué précédemment mais pas uniquement. Effectivement, le langage d’un média peut être « politiquement correct » ; issu de sites internet conspirationnistes, etc. Mais le langage du média, c’est surtout la manière dont l’auteur de l’article, de la photographie, du film ou encore le présentateur du journal télévisé va codifier son information. Décrypter le vrai du faux du média c’est comprendre le langage du média, c’est décoder ce qui fait que le message est transmis : pourquoi il est transmis comme tel.
Le rectangle à angles droits représente l’information « brute », qui est (généralement) recouverte (rectangle à bords arrondis) d’une couche d’informations dite « superficielle », qui fait que l’observateur est « orienté » en quelque sorte dans sa vision de l’information. Si les médias ne relayaient que de l’information « brute » ou même « brutale » il serait impossible de regarder la télévision plus d’une heure (réalité de la guerre, traitements abominables d’animaux, etc.) On parle alors de politiquement correct. Ou encore d’un « glaçage mielleux[6] » qui fait avaler au citoyen lambda l’information d’un trait. Comme de la crème fraîche sur un gâteau à l’eau de javel.
L’objectif de ce cours est justement de décrypter le langage informationnel afin d’englober d’une vue plus large (ou encore percer la couche « superficielle ») et plus profonde l’information de manière générale (double flèche). Bref, de développer un esprit critique, mais aussi de laisser derrière soi la plupart de nos préjugés et se focaliser sur la seule information, et cela avec le recul nécessaire[7].
Conclusion :
Avant de clôturer, nous devons à tout prix rappeler que cette analyse se propose comme une analyse parmi d’autres. En rien elle ne prétend détenir la clé du décryptage médiatique.
Cela dit, au travers des différents concepts abordés et schémas expliqués, on peut espérer que le lecteur disposera d’une boîte à outils plus complète qui lui permettra d’apprendre à critiquer plus justement l’information. Ou encore, d’un point de vue plus général, on espère que ce bref exposé aidera à ne pas avaler tout cru ce que racontent les médias, et que le prix de l’information est proportionnel au temps que l’on passe à la décortiquer, l’analyser, la recouper, l’assimiler, la décoder, la comprendre.
[1] Ici, pour aller un peu plus loin, on pourrait mentionner l’idée qu’en sciences humaines ou même dans d’autres domaines : l’intersubjectivité créée l’objectivité.
[2] L’Occident, ou monde occidental, est un concept géopolitique qui s’appuie généralement sur l’idée d’une civilisation commune, héritière de la civilisation gréco-romaine dont est issue la société occidentale moderne.
[3] http://www.arabnews.com/saudiarabia, par exemple.
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Minute_(hebdomadaire).
[5] Une remarque s’insère ici : dans la société moderne, certains parlent de quantité d’information beaucoup trop importante. Nous sommes autrement dit complètement « noyés » par l’information. Il est d’autant plus important donc de ne pas se perdre dans un « tsunami d’information » : plus les sujets diffèrent et moins l’on peut entreprendre une analyse en profondeur d’un sujet (axe horizontal.)
[6] Pour reprendre les termes de M. Halimi in : http://www.monde-diplomatique.fr/1999/03/HALIMI/2851.
[7] Ici, une remarque s’impose. Il est évident que nous ne pouvons pas laisser de côté tous nos préjugés car, sans eux, nous ne pourrions rien entreprendre dans le domaine réflexif. Cela dit, nous pouvons émettre l’idée de laisser de côté les a apriori les plus développés, afin de ne garder que le strict nécessaire. Une comparaison avec le domaine anthropologique pourrait être intéressante : lorsqu’un anthropologue entreprend d’étudier une ethnie différente de la sienne, il doit avant tout se « défaire » de sa propre culture, afin de mieux intégrer (et s’intégrer) dans son nouvel environnement. Ensuite, pour étudier les résultats, le chercheur devra se réapproprier sa culture d’origine afin d’analyser, selon ses critères culturels propres, les résultats de son étude sur l’ethnie différente de la sienne.