Introduction
LE PETIT PRINCE
Antoine de Saint-Exupéry
Chapitre X
« Il se trouvait dans la région des astéroïdes 325, 326, 327, 328, 329 et 330. Il commença donc par les visiter pour y chercher une occupation et pour s’instruire. La première était habitée par un roi. Le roi siégeait, habillé de pourpre et d’hermine, sur un trône très simple et cependant majestueux.
– Ah! Voilà un sujet, s’écria le roi quand il aperçut le petit prince.
Et le petit prince se demanda:
– Comment peut-il me reconnaître puisqu’il ne m’a encore jamais vu !
Il ne savait pas que, pour les rois, le monde est très simplifié. Tous les hommes sont des sujets.
– Approche-toi que je te voie mieux, lui dit le roi qui était tout fier d’être roi pour quelqu’un.
Le petit prince chercha des yeux où s’asseoir, mais la planète était toute encombrée par le magnifique manteau d’hermine. Il resta donc debout, et, comme il était fatigué, il bâilla.
– Il est contraire à l’étiquette de bâiller en présence d’un roi, lui dit le monarque. Je te l’interdis.
– Je ne peux pas m’en empêcher, répondit le petit prince tout confus. J’ai fait un long voyage et je n’ai pas dormi…
– Alors, lui dit le roi, je t’ordonne de bâiller. Je n’ai vu personne bâiller depuis des années. Les bâillements sont pour moi des curiosités. Allons! bâille encore. C’est un ordre.
– Ça m’intimide… je ne peux plus… fit le petit prince tout rougissant.
– Hum! Hum! répondit le roi. Alors je… je t’ordonne tantôt de bâiller et tantôt de…
Il bredouillait un peu et paraissait vexé.
Car le roi tenait essentiellement à ce que son autorité fût respectée. Il ne tolérait pas la désobéissance. C’était un monarque absolu. Mais, comme il était très bon, il donnait des ordres raisonnables.
« Si j’ordonnais, disait-il couramment, si j’ordonnais à un général de se changer en oiseau de mer, et si le général n’obéissait pas, ce ne serait pas la faute du général. Ce serait ma faute. »
– Puis-je m’asseoir ? s’enquit timidement le petit prince.
– Je t’ordonne de t’asseoir, lui répondit le roi, qui ramena majestueusement un pan de son manteau d’hermine.
Mais le petit prince s’étonnait. La planète était minuscule. Sur quoi le roi pouvait-il bien régner ?
– Sire, lui dit-il… je vous demande pardon de vous interroger…
– Je t’ordonne de m’interroger, se hâta de dire le roi.
– Sire… sur quoi régnez-vous ?
– Sur tout, répondit le roi, avec une grande simplicité.
– Sur tout ?
Le roi d’un geste discret désigna sa planète, les autres planètes et les étoiles.
– Sur tout ça ? dit le petit prince.
– Sur tout ça… répondit le roi.
Car non seulement c’était un monarque absolu mais c’était un monarque universel.
– Et les étoiles vous obéissent ?
– Bien sûr, lui dit le roi. Elles obéissent aussitôt. Je ne tolère pas l’indiscipline.
Un tel pouvoir émerveilla le petit prince. S’il l’avait détenu lui-même, il aurait pu assister, non pas à quarante-quatre, mais à soixante-douze, ou même à cent, ou même à deux cents couchers de soleil dans la même journée, sans avoir jamais à tirer sa chaise ! Et comme il se sentait un peu triste à cause du souvenir de sa petite planète abandonnée, il s’enhardit à solliciter une grâce du roi:
– Je voudrais voir un coucher de soleil… Faites-moi plaisir… Ordonnez au soleil de se coucher…
– Si j’ordonnais à un général de voler d’une fleur à l’autre à la façon d’un papillon, ou d’écrire une tragédie, ou de se changer en oiseau de mer, et si le général n’exécutait pas l’ordre reçu, qui, de lui ou de moi, serait dans son tort ?
– Ce serait vous, dit fermement le petit prince.
– Exact. Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner, reprit le roi. L’autorité repose d’abord sur la raison. Si tu ordonnes à ton peuple d’aller se jeter à la mer, il fera la révolution. J’ai le droit d’exiger l’obéissance parce que mes ordres sont raisonnables.
– Alors mon coucher de soleil ? rappela le petit prince qui jamais n’oubliait une question une fois qu’il l’avait posée.
– Ton coucher de soleil, tu l’auras. Je l’exigerai. Mais j’attendrai, dans ma science du gouvernement, que les conditions soient favorables.
– Quand ça sera-t-il ? s’informa le petit prince.
– Hem! Hem! lui répondit le roi, qui consulta d’abord un gros calendrier, hem! hem! ce sera, vers… vers… ce sera ce soir vers sept heures quarante ! Et tu verras comme je suis bien obéi.
Le petit prince bâilla. Il regrettait son coucher de soleil manqué. Et puis il s’ennuyait déjà un peu:
– Je n’ai plus rien à faire ici, dit-il au roi. Je vais repartir !
– Ne pars pas, répondit le roi qui était si fier d’avoir un sujet. Ne pars pas, je te fais ministre !
– Ministre de quoi ?
– De… de la justice !
– Mais il n’y a personne à juger !
– On ne sait pas, lui dit le roi. Je n’ai pas fait encore le tour de mon royaume. Je suis très vieux, je n’ai pas de place pour un carrosse, et ça me fatigue de marcher.
– Oh! Mais j’ai déjà vu, dit le petit prince qui se pencha pour jeter encore un coup d’œil sur l’autre côté de la planète. Il n’y a personne là-bas non plus…
– Tu te jugeras donc toi-même, lui répondit le roi. C’est le plus difficile. Il est bien plus difficile de se juger soi-même que de juger autrui. Si tu réussis à bien te juger, c’est que tu es un véritable sage.
– Moi, dit le petit prince, je puis me juger moi-même n’importe où. Je n’ai pas besoin d’habiter ici.
– Hem! Hem! dit le roi, je crois bien que sur ma planète il y a quelque part un vieux rat. Je l’entends la nuit. Tu pourras juger ce vieux rat. Tu le condamneras à mort de temps en temps. Ainsi sa vie dépendra de ta justice. Mais tu le gracieras chaque fois pour l’économiser. Il n’y en a qu’un.
– Moi, répondit le petit prince, je n’aime pas condamner à mort, et je crois bien que je m’en vais.
– Non, dit le roi.
Mais le petit prince, ayant achevé ses préparatifs, ne voulut point peiner le vieux monarque:
– Si Votre Majesté désirait être obéit ponctuellement, elle pourrait me donner un ordre raisonnable. Elle pourrait m’ordonner, par exemple, de partir avant une minute. Il me semble que les conditions sont favorables…
Le roi n’ayant rien répondu, le petit prince hésita d’abord, puis, avec un soupir, prit le départ.
– Je te fais mon ambassadeur, se hâta alors de crier le roi.
Il avait un grand air d’autorité.
Les grandes personnes sont bien étranges, se dit le petit prince, en lui-même, durant son voyage. »
Réfléchissons un instant…
- Le roi te paraît-il un personnage antipathique ou seulement ridicule ? Explique en t’aidant des exemples pris dans le texte.
- Quel est le défaut du roi?
- Quelle est l’attitude du petit prince face au roi ?
- Relève dans le texte tous les mots et toutes les tournures du roi qui expriment l’autorité. Explique en t’aidant d’exemples pris dans le texte.
- D’après-toi, est-ce que ce roi est vraiment une autorité ? Pourquoi ?
PHOTOLANGAGE sur l’autorité…
- Parmi ce lot de 6 images, choisis après réflexion :
- celle qui représente le mieux ta conception de l’autorité;
- celle qui s’éloigne le plus de ta conception de l’autorité.
- Explique oralement chacun de tes choix positifs ou négatifs.
- Quels sont les mots qui te viennent à l’esprit pour chacun de tes choix?
Porteurs d’autorité – Sujets – Champs d’action.
- Nomme la fonction de chaque individu représenté sur l’image.
- Selon toi, sur qui s’exerce l’autorité de ces personnages ?
- Selon toi, ces personnages ont besoin d’autorité pour quoi faire ?
Porteur d’autorité | Sujets | Champ d’action | |
1. | |||
2. | |||
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5. | |||
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- Le porteur (qui est autorité ?), les sujets (autorité pour qui ?), le champ d’action (autorité pour quoi faire ?).
Conceptualisons l’autorité…
Selon l’Encyclopédie Universalis…
L’autorité au sens initial du terme c’est:
« Être soi-même l’auteur de ses actes pour permettre à l’autre de le devenir »
Ainsi avoir de l’autorité ne signifie pas avoir du pouvoir
«L’autorité est le pouvoir d’obtenir, sans recours à la contrainte physique, un certain comportement de la part de ceux qui lui sont soumis.
En excluant l’intervention de la force, cette définition fait ressortir le caractère psychique qui s’attache au phénomène d’autorité.
Elle souligne également le fait qu’il s’analyse nécessairement dans un rapport entre la source de l’autorité et le sujet dont elle influence la conduite.
L’autorité se situe dans une relation entre le commandement et l’obéissance, ce qui permet de la considérer comme un phénomène social.
L’autorité « normale » se pense en terme de responsabilité et non d’autoritarisme.
Comprendre l’autorité…
- L’autorité bien comprise
*L’autorité est tout d’abord un signe d’amour et de respect mutuel.
(ex : Les dangers de la vie quotidienne, les limites de chacun)
* L’autorité donne un cadre protecteur qui est rassurant.
(ex : apprentissage à la vie en communauté)
* L’exercice de l’autorité évolue selon l’âge. - L’autorité mal comprise
* Fait appel à des sentiments comme la culpabilisation, la moralisation
(ex : Ne suis-je pas gentil avec toi ? Alors fais-moi plaisir, obéis !)
* Faire du chantage (ex : Fais-le sinon tu seras privé de sortie !)
* Confondre l’autorité et l’autoritarisme (excès d’autorité)
- À ton tour ! Rédige avec tes mots, ta définition de l’autorité, en t’aidant de tous les éléments vus jusqu’à présent.
L’autorité : du manque à l’abus !
- Voici quelques dessins du célèbre illustrateur Pierre Kroll.
- Selon toi, l’autorité est-elle bien comprise par chaque personnage ?
- Quelles erreurs commettent-ils ?
1.Abus / manque d’autorité | 2.Abus / manque d’autorité | 3.Abus / manque d’autorité |
4.Abus / manque d’autorité | 5.Abus / manque d’autorité | 6.Abus / manque d’autorité |
Quelles sont les qualités pour une bonne autorité ?
- : pouvoir faire, avoir la possibilité de faire exécuter quelque chose.
- : savoir, savoir-faire quelque chose.
- : être bon, être juste, etc.
La soumission à l’autorité : l’expérience de Milgram
Extrait du film I comme Icare (1979)
Henri Verneuil
Réalisateur et scénariste français
(1920 ~ 2002)
>> Le procureur Henry Volney et le professeur David Naggara, assis derrière une vitre sans tain, observent et écoutent deux autres personnes qui se trouvent dans une grande salle, et qui participent à une expérience scientifique sur la mémoire. L’un d’eux, qui joue le rôle du moniteur (monsieur Despaul), est installé à un pupitre équipé de curseurs destinés à envoyer une décharge électrique à l’autre, jouant le rôle de l’élève (monsieur Rivoli) – et qui est attaché à une chaise -, si celui-ci ne retrouve pas le mot associé à un adjectif parmi une liste de trente combinaisons qui lui a été précédemment lu par la personne du pupitre. Cette expérience doit prouver que la punition améliore la mémoire de celui qui la reçoit. Les décharges électriques progressent par tranche de 15 volts, jusqu’à 450 volts. (Cette expérience est une adaptation cinématographique des expériences, et de leurs résultats authentiques, réalisées par le psychologue social américain Stanley Milgram).
Procureur Henry Volney : Comment recrutez-vous vos candidats professeur ?
Professeur David Naggara : Par une annonce dans les journaux locaux dans le style voulez-vous gagner 6 dollars avec indemnités de transport en échange d’une heure de votre temps. Nous recrutons des volontaires pour participer à une expérience scientifique sur la mémoire.
Procureur Henry Volney : Quand Daslow s’est présenté, quel rôle jouait-il dans votre expérience ? Moniteur ou élève ?
Professeur David Naggara : Moniteur, monsieur le procureur. Il occupait la place de monsieur Despaul.
>> Après que l’élève (monsieur Rivoli) ait reçu 15 volts, puis 30 volts.
Procureur Henry Volney : Vous croyez sérieusement que ces chocs électriques vont aider monsieur Rivoli à améliorer sa mémoire ?
Professeur David Naggara : La mémoire de monsieur Rivoli ne présente ici aucun intérêt. Ce qui nous intéresse, c’est la capacité d’obéissance de monsieur Despaul. Sa soumission à l’autorité. L’autorité pour monsieur Despaul, c’est le cadre de cette université, le professeur Flavius, moi-même, et nos blouses blanches qui sont les symboles de cette autorité. Nous venons de lui imposer un code de punition à infliger à une victime qui ne lui a rien fait. Jusqu’où va-t-il obéir à cet ordre imbécile et révoltant que nous venons de lui donner ? Tout le problème est là !
>> Alors que le moniteur (monsieur Despaul) s’apprête à envoyer 165 volts à sa victime.
Procureur Henry Volney : Mais enfin il ne va tout de même pas aller jusqu’à 450 volts !?
Professeur David Naggara : Je ne sais pas… Voyez-vous il est évident qu’à partir d’un moment monsieur Despaul va devoir affronter un problème. D’un côté sa soumission à l’autorité, exécuter la mission qui lui a été confiée. De l’autre, sa répugnance à faire souffrir sa victime. Despaul va être progressivement secoué par un conflit intérieur presque insoutenable. Pour se tirer de cette situation, il devra rompre avec l’autorité, et désobéir. C’est l’instant de cette rupture que nous étudions.
>> Alors que le moniteur fait des gestes à sa victime afin de l’aider à trouver le mot associé à l’adjectif qu’il vient de lui lire.
Professeur David Naggara : Regardez bien ! Despaul essaie de diminuer son conflit intérieur en aidant sa victime.
Procureur Henry Volney : Enfin ! Si ce conflit lui est tellement insupportable, pourquoi ne s’arrête t-il pas ?
Professeur David Naggara : S’il s’arrête il reconnaît implicitement qu’il a eu tort d’aller jusque là. En continuant, il justifie tout ce qu’il a fait jusqu’à présent.
>> Après que la personne attachée à la chaise (l’élève, monsieur Rivoli) se soit mise à crier alors qu’elle venait de recevoir une décharge de 180 volts.
Procureur Henry Volney : C’EST INTOLÉRABLE ! MÊME AU NOM DE LA SCIENCE VOUS N’AVEZ PAS LE DROIT DE FAIRE ÇA ! AUCUNE LOI NE VOUS Y AUTORISE !
Professeur David Naggara : Gardez votre calme monsieur le procureur. Ces appareils sont entièrement factices. Il n’y a absolument aucun courant électrique entre le pupitre de monsieur Despaul, et la chaise de monsieur Rivoli. Mais monsieur Despaul n’en sait rien… Monsieur Rivoli a beaucoup de talent. N’est-ce pas ? Il fait partie de notre équipe. Naturellement il est indispensable que les candidats que nous recevons soient toujours moniteurs.
>> Après que le procureur Volney soit retourné dans le bureau du professeur Naggara en compagnie de celui-ci.
Procureur Henry Volney : Vous avez beaucoup de sujets qui sont allés jusqu’à 405 volts ?
Professeur David Naggara : En moyenne, 63 % des sujets sont obéissants. C’est-à-dire qu’ils acceptent totalement le principe de l’expérience, et vont jusqu’à 450 volts.
>> Un peu plus tard.
Procureur Henry Volney : Mais dans le cas d’un génocide par exemple. Quand un tyran décide de tuer froidement cinq six millions d’hommes, de femmes, d’enfants ; il lui faut au moins un million de complices, de tueurs, d’exécuteurs. Comment arrive t-il à se faire obéir ?
Professeur David Naggara : En morcelant les responsabilités. Un tyran a besoin avant tout d’un état tyran. Alors il va recruter un million de petits tyrans fonctionnaires, qui auront chacun une tâche banale à exécuter. Et chacun va exécuter cette tâche, avec compétence ; et sans remords. Car personne ne se rendra compte, qu’il est le millionième maillon de l’acte final. Les uns vont arrêter les victimes. Ils n’auront commis que de simples arrestations. D’autres vont conduire ces victimes dans des camps. Ils n’auront fait que leur métier de mécanicien de locomotive. Et l’administrateur du camp en ouvrant ses portes, n’aura fait que son devoir de directeur de prison. Bien entendu on utilise les individus les plus cruels dans la violence finale. Mais à tous les maillons de la chaîne, on a rendu l’obéissance confortable.
Faisons le point !
- Quel est l’objectif de l’expérience ?
- En quoi consiste cette expérience telle qu’elle a été présentée aux candidats ? Comment sont-ils recrutés ?
- En réalité, quel est le but de cette expérience ?
- Quel est le conflit intérieur auquel est soumis monsieur Despaul, le moniteur ?
- Pourquoi monsieur Despaul continue-t-il l’expérience alors que l’élève, monsieur Rivoli, semble en danger ?
- D’après les paroles du professeur Naggara, comment un tyran arrive à se faire obéir ?
- Lis attentivement cette citation :
- Es-tu en accord avec cette citation ? Justifie ta réponse.
- Fais appel à tes souvenirs du cours d’Histoire. Quels faits peuvent confirmer les conclusions avancées par Milgram ?
- L’autorité peut-elle être dangereuse ? En quelles circonstances ?
- Faut-il obéir à n’importe qui ? Pourquoi ?
- Mais alors, comment savoir quand nous pouvons obéir à une autorité ?
- que des gens ordinaires peuvent facilement se transformer en bourreaux du fait qu’ils se soumettent à ce qu’ils considèrent être une autorité, et qu’ils abandonnent à cette occasion leur propre conscience ;
- que chacun peut être inconsciemment et simultanément victime et bourreau de la manipulation ;
- que certaines personnes acceptent n’importe quel travail pourvu qu’elles soient sous l’autorité d’une personne qui en supporte la responsabilité.
- que notre nature humaine connaît le « phénomène du premier pas » : une fois que l’on a fait quelque chose (surtout quand c’est quelque chose de stupide ou qui provoque une tension), on tend à se justifier en continuant ce que l’on fait, voire, en l’amplifiant, surtout si on s’est impliqué. C’est le principe du petit compromis qui, de fil en aiguille… mène à la compromission.
- que la solidarité est le meilleur rempart aux excès d’autorité.
- die Leiden, les souffrances.
- die Stadt, la ville.
« …ce qui signifie que dans un pays civilisé, démocratique et libéral, les 2/3 de la population sont capables d’exécuter n’importe quel ordre provenant d’une autorité supérieure … »
[Extrait des paroles du Procureur Henry Volney]
L’objectif poursuivi par Milgram lors de ses expériences :
L’obéissance, en tant que facteur déterminant du comportement, représente un sujet d’étude qui convient tout particulièrement à notre époque. On a établi avec certitude que de 1933 à 1945, des millions d’innocents ont été systématiquement massacrés sur ordre. Avec un souci de rendement comparable à celui d’une usine de pièces détachées, on a construit des chambres à gaz, gardé des camps de la mort, fourni des quotas journaliers de cadavres. Il se peut que des politiques aussi inhumaines aient été conçues par un cerveau unique, mais jamais elles n’auraient été appliquées sur une telle échelle s’il ne s’était trouvé autant de gens pour les exécuter sans discuter.
Stanley Milgram, Soumission à l’autorité, Calmann Lévy, 1974.
La conclusion de Milgram après ses expériences.
Le problème de l’obéissance n’est donc pas entièrement psychologique. La forme et le profil de la société ainsi que son stade de développement sont des facteurs dont il convient de tenir compte. Il se peut qu’à une époque, l’individu ait été capable d’assumer la pleine responsabilité d’une situation parce qu’il y participait totalement en tant qu’être humain. Mais dès lors qu’est apparue la division du travail, les choses ont changé. Au-delà d’un certain point, l’émiettement de la société en individus exécutant des tâches limitées et très spécialisées supprime la qualité humaine du travail et de la vie.
Cet exemple illustre une situation dangereuse qui caractérise toute société complexe : sur le plan psychologique, il est facile de nier sa responsabilité quand on est un simple maillon intermédiaire dans la chaîne des exécutants d’un processus de destruction et que l’acte final est suffisamment éloigné pour pouvoir être ignoré. Eichmann[1] lui-même était écœuré quand il lui arrivait de faire la tournée des camps de concentration, mais pour participer à un massacre, il n’avait qu’à s’asseoir derrière son bureau et à manipuler quelques papiers. Au même instant, le chef de camp qui lâchait effectivement les boîtes de Cyclon B dans les chambres à gaz était également en mesure de justifier sa propre conduite en invoquant l’obéissance aux ordres de ses supérieurs. Il y a ainsi fragmentation de l’acte humain total ; celui à qui revient la décision initiale n’est jamais confronté avec ses conséquences. Le véritable responsable s’est volatilisé. C’est peut-être le trait commun le plus caractéristique de l’organisation sociale du mal dans notre monde moderne.
Stanley Milgram, Soumission à l’autorité, Calmann Lévy, 1974
Après lecture de ces 2 extraits, réponds aux questions ci-dessous :
Conclusion : les expériences de Stanley Milgram nous montrent :
C’est pourquoi, il est impératif d’apprendre à désobéir quand la situation l’exige !
Il faut apprendre à réfléchir à nos actes. Que quoique nous fassions, nous devons toujours nous mettre à la place de l’autre ! Une autorité quelle qu’elle soit est dangereuse, plus elle prend le visage du populaire, plus elle nous manipule. Aussi médiatique et charismatique que soit un leader, il ne faut pas hésiter à le remettre en cause, surtout s’il parle facilement et qu’il se montre convainquant ! Réfléchir par soi-même c’est déjà se dire avant d’agir ou d’obéir : « Aimerai-je subir ce que je m’apprête à faire subir à une autre personne ? »
Si malheureusement, l’action est déjà faite, il faut se montrer responsable et savoir se retirer et/ou réparer son injustice.
ÉVALUATION : Né en 17 à Leidenstadt
Jean-Jacques Goldman
Et si j’étais né en 17 à Leidenstadt, sur les ruines d’un champ de bataille,
Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j’avais été allemand ?
Bercé d’humiliation, de haine et d’ignorance, nourri de rêves de revanche
Aurais-je été de ces improbables consciences, larmes au milieu d’un torrent
Si j’avais grandi dans les docklands de Belfast, soldat d’une foi, d’une caste
Aurais-je eu la force envers et contre les miens de trahir: tendre une main
Si j’étais née blanche et riche à Johannesburg, entre le pouvoir et la peur
Aurais-je entendu ces cris portés par le vent rien ne sera comme avant.
On saura jamais c’qu’on a vraiment dans nos ventres, caché derrière nos apparences :
L’âme d’un brave ou d’un complice ou d’un bourreau?
Ou le pire ou plus beau ?
Serions-nous de ceux qui résistent ou bien les moutons d’un troupeau s’il fallait plus que des mots ?
Et si j’étais né en 17 à Leidenstadt, sur les ruines d’un champ de bataille
Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j’avais été allemand ?
Et qu’on nous épargne à toi et moi si possible très longtemps
D’avoir à choisir un camp…
Remarques :
Né en 17 à Leidenstadt est une chanson écrite par Jean-Jacques Goldman. Elle a été interprétée deux fois par Goldman seul, et par Goldman avec Carole Fredericks et Michael Jones, chacun ayant une partie bien précise.
Dans cette chanson, l’interprète se demande s’il aurait agi différemment s’il avait été à la place des Allemands après la défaite de 1918 et pendant la montée du nazisme (en précisant que l’auteur, Jean-Jacques Goldman est d’origine juive polonaise), ou à la place des Nord-Irlandais dans la guerre civile, ou enfin plus solidaire des Noirs « si née blanche et riche » à Johannesbourg (Afrique du Sud).
La chanson est donc une interrogation sur la difficulté de résister à l’autorité et au pouvoir d’un gouvernement, à l’oppression, à la pauvreté ou aux conflits enracinés dans la religion ou à l’habitude.
« Être meilleur ou pire que ces gens », ce vers rappelle qu’il est difficile de juger tant que l’on n’est pas confronté à une situation dans laquelle on pourra montrer que l’on a conscience de devoir résister ou si on suivra le troupeau.
Leidenstadt est une ville imaginaire formé par les mots allemands:
Donc, la « ville des souffrances », c’est ce qu’est pour l’auteur l’Allemagne en 1917.
Choisis une des situations décrites et réponds à la question : « Et moi, dans cette situation, comment aurais-je réagi ? »
Critères d’évaluation | Points |
Mon travail est soigné, mon texte bien orthographié | /2 |
J’ai saisi le sens de la chanson | /2 |
J’ai structuré ma réponse | /4 |
J’ai envisagé tous les aspects du thème | /6 |
J’ai émis un réel avis personnel raisonné, réfléchi | /6 |
[1] Adolf Eichmann, haut fonctionnaire SS chargé de la déportation des Juifs d’Europe.