Les normes

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Une norme, du latin norma « équerre, règle », désigne un état habituellement répandu, moyen, considéré le plus souvent comme une règle à suivre. Ce terme générique désigne un ensemble de caractéristiques décrivant un objet, un être, qui peut être virtuel ou non. Tout ce qui entre dans une norme est considéré comme « normal », alors que ce qui en sort est « anormal ». Ces termes peuvent sous-entendre ou non des jugements de valeur. Dans le domaine philosophique, médical ou psychique des auteurs considèrent qu’il n’existe pas de norme, tel Georges CanguilhemMichel Foucault ou Sigmund Freud.

Extension de la notion de norme

Historique

La norme est traditionnellement l’un des modes d’expression privilégiés de la souveraineté. En France en particulier, la monnaie, pouvoir régalien par excellence, mais aussi les poids et mesures, délimitent l’un des champs d’application les plus anciens de la normalisation, même si le terme, sinon le concept, apparaît ultérieurement.

Émergence de la notion de norme dans les sciences physiques

Historiquement, la notion explicite de norme a été établie dans les sciences sous la forme du système métrique sur proposition de l’Assemblée nationale constituante en 1790, remplacé par le système MKSA (1946) et plus récemment par le Système international (1960).

Extension à l’industrie, à l’économie, et aux services

Dans sa présentation, de la norme à l’attention du grand public, l’Organisation internationale de normalisation (ISO) évoque deux dates : 1906, avec la mise en place de la Commission électrotechnique internationale (CEI) ; 1926, année de création de la Fédération internationale des associations nationales de normalisation (ISAAFNOR). Si une telle mise en perspective n’est pas inexacte, elle fait l’économie des accords qui, passés dans le dernier quart du xixe siècle, ont préparé la démarche actuelle de normalisation internationale appliquée à l’économie en général.

Ainsi la signature en 1865 de la première Convention télégraphique internationale et la création de l’Union du même nom, permit dès cette année la mise en œuvre d’un Règlement télégraphique puis, à partir de 1885, l’élaboration d’une législation internationale dans le domaine de la téléphonie et, plus tard, des communications radiotélégraphiques, de la radiodiffusion, des télécommunications spatiales. De même, exemple d’un produit nécessitant la mise en place d’un certain nombre de normes en raison de son usage transnational, le timbre-poste apparu dans sa forme moderne au Royaume-Uni en 1840 (et adopté dans la décennie par la Suisse, le Brésil, les États-Unis, la France et la Belgique), donna lieu dès 1874, par traité, à la création de l’Union générale des postes, devenue l’Union postale universelle. Enfin, en 1875, la Convention du Mètre, signée dans la forme d’un traité diplomatique auquel 51 États sont aujourd’hui partie, constitue un autre exemple d’une structure permanente dédiée à la coopération internationale en matière de normes.

Après la Seconde Guerre mondiale, le processus d’élaboration des normes s’est considérablement développé dans l’industrie, l’économie, et les systèmes d’information. En fait, le terme de normalisation évoque le plus souvent la normalisation dans l’industrie et les services. En raison de son influence déterminante sur les économies contemporaines, la normalisation vue sous cet angle peut être considérée comme un instrument commercial pour étendre l’influence d’une puissance économique, en utilisant des techniques de lobbying et les réseaux d’organisations non gouvernementales par exemple (voir plus loin, au chapitre Relations internationales, la question de l’hégémonie appliquée à la norme).

Au 31 décembre 2012 l’ISO a publié 19 573 normes, dont 1 280 en 2012 et ce depuis 1947.

Extension aux sciences humaines

Même si la recherche implicite d’une certaine normalisation était déjà ancienne, en Europe par exemple, en ce qui concerne les règles sur la langue française (grammaire française), la notion de norme s’est élargie depuis quelques décennies pour englober les sciences humaines.

Vers le milieu du xxe siècle, la normalisation a touché le domaine juridique, avec la notion de hiérarchie des normes, même si le droit positif était à cette époque marqué par une certaine idéologie.

On constate d’autre part que la normalisation concerne aussi les domaines culturels et linguistiques, comme on peut le constater avec le patrimoine culturel et les questions sémantiques sous-jacentes.

Approches respectives États-Unis / Europe

La standardisation a fait l’objet d’une attention très soutenue aux États-Unis depuis les années 1980. L’approche des États-Unis est très commerciale et financière. Elle consiste à définir des communautés d’intérêt, puis à en déduire les standards (en particulier sur les données sémantiques), et enfin à définir les services d’entreprise adéquats. Cette démarche structurée, appuyée par un ensemble d’organismes le plus souvent privés (OasisW3C) permet aux États-Unis d’acquérir une certaine domination par la connaissance.

L’attention portée au sujet de la normalisation en Europe est à la fois différente et plus récente.

Tout d’abord, les Européens font la distinction entre un standard (qui n’est pas nécessairement une norme mais peut le devenir) et une norme (qui a fait l’objet d’un processus officiel à l’ISO).

D’autre part, les Européens semblaient dans un premier temps moins sensibles a priori à l’intérêt des normes (le mot « standard » est dissonant par rapport à certaines formes d’individualisme). Le monde industriel est paradoxalement demandeur de standardisation pour ses propres besoins (rationalisation économique) et demandeur de moins de normes, qui sont parfois considérées comme entrave au commerce. Certaines normes établies par les industriels (comme la durée de 1000 heures pour les lampes, initiée par le cartel Phœbus) posent des problèmes éthiques et de développement durable avec le développement d’une obsolescence programmée compatible avec les normes.

Une directive européenne1 a instauré, pour les États-membres, l’obligation d’informer leurs partenaires européens de leurs projets de réglementations techniques ou de normes. Elle couvre les produits industriels et agricoles, ainsi que les services de la société de l’information. Les réglementations sur les services sont également concernées si elles ont une incidence sur les produits.

Constitution et lois

Les normes dans un système juridique sont les règles obligatoires qu’elles proviennent de lois, des codes, d’une coutume voire du droit naturel. Les codes sont de deux types : les codes adoptés comme tels, et modifiés, par les organes délibérants, ou bien les codes rassemblés par les éditeurs (Dalloz et Litec en France).

Le terme « norme » désigne au sens large l’ensemble des règles obligatoires édictées par les autorités publiques : la Constitution, la législation, les ordonnances, décrets, règlements et arrêtés (ministériels, préfectoraux, ou communaux).

Les situations normatives sont assez différentes entre les États-Unis (système juridique de common law) et l’Europe continentale (système juridique de droit civil), qui représentent l’essentiel des systèmes juridiques des États dans le monde.

Dans les deux systèmes juridiques, la Constitution se trouve au plus haut niveau.

Dans l’Union européenne, depuis les années 1990, le droit communautaire modifie en profondeur les droits nationaux des différents États-membres, les directives et règlements, ainsi que les traités internationaux s’interposant entre les Constitutions et les lois (ou codes), avec la hiérarchie des normes.

Hiérarchie des normes

En droit positif, une hiérarchie ordonne les normes (voir hiérarchie des normes). Par exemple :

Le principe de hiérarchie des normes est beaucoup plus développé en Europe continentale, et particulièrement en France, qu’aux États-Unis, qui disposent d’une souplesse jugée quelquefois excessive en Europe continentale grâce à la soft law (droit mou).

La question de l’écologie se trouve au plus haut niveau en France, la charte de l’environnement étant dans le préambule de la constitution de 1958 depuis 2005.

Sciences humaines

Philosophie

En philosophie, une norme est un critère, principe discriminatoire auquel se réfère implicitement ou explicitement un jugement de valeur.

Par la volonté de certains acteurs, ou tout simplement de par son éducation et par le jeu de ses habitudes, l’être humain a tendance à édicter des normes précisant ce qui est normalement attendu et ce qui ne l’est pas. Ces normes varient fortement avec les époques, les individus et de manières plus générales les sociétés.

Caractéristiques

Une caractéristique majeure des normes est que, au contraire des propositions, elles ne sont ni vraies ni fausses puisqu’elles ne proposent pas de décrire quelque chose, mais de prescrire, de créer ou de changer certaines caractéristiques d’une chose.

Si elles ne proposent pas de décrire la validité d’une assertion, alors on ne peut pas lui attribuer des critères de réussite ou d’échec. Suivre la norme n’est pas une philosophie mais repose sur la recherche d’un consensus. Si une personne veut être guidée par une éthique véritable, elle ne peut généralement pas utiliser cette méthode.

Réflexions sur la norme

La norme sous-entend une notion de pouvoir. En effet, pour qu’une norme, une règle de vie entre en vigueur dans une société, elle doit être acceptée par la majorité (loi du plus grand nombre) ou imposée par un pouvoir.

Dans la marge

Une personne vivant hors de la norme est rejetée par l’ensemble. Elle se retrouve alors dans la marge. La personne est ostracisée. Les normes ne sont souvent pas visibles à ceux qui les portent. Dès qu’une personne n’entre pas dans le moule, une personne ou un groupe, parfois même de façon inconsciente, va rejeter cette personne. Cela va jusqu’à ressentir de l’antipathie pour une telle personne. Sans qu’on se rende compte des raisons, c’est la norme plus ou moins inconsciente qui entre ici en ligne de compte. Par exemple, la norme de la société en termes de couple traditionnel est constitué d’un homme et d’une femme. Ce couple fait face à une personne seule dont il sait l’histoire personnelle. Inconsciemment, il adoptera des comportements discriminatoires.

La marge, l’ostracisme, la persécution sont des notions se rapportant à la norme. Par le passé, l’excommunication permettait à l’Église catholique de rejeter la personne qui ne se pliait pas à ses normes. Même si la religion a nettement reculé, la norme est encore aussi forte. Elle ne s’appelle plus au péché. Elle n’est plus brandie par l’Église. La norme aujourd’hui est plus sécularisée, et tend à devenir plus libre dans le domaine du couple. Les normes varient donc d’une époque à l’autre. Le procédé demeure le même. Pour bien vivre en société, il faut en accepter les normes.

Éthique normative

En éthique, il existe une discipline qui s’appelle l’éthique normative, qui vise à établir des normes concernant l’examen critique des fondements et formes de l’action juste. Il s’agit de textes fondamentaux qui peuvent s’appliquer à des domaines plus particuliers en relation avec l’éthique appliquée (voir par exemple éthique sociale).

L’éthique normative a des rapports avec le droit

On désigne par méta-éthique l’étude des fondement sur lesquels bâtir une éthique normative.

Culture

La culture est un domaine particulièrement difficile à normer, en raison précisément de la diversité culturelle des populations et communautés humaines qui habitent la planète.

L’Unesco a établi des listes de patrimoines mondiaux, puis, défini plus récemment des instruments normatifs.

Listes de patrimoines mondiaux

Les efforts de protection du patrimoine culturel menés depuis le xixe siècle, tout d’abord en France (Prosper Mérimée), puis, de manière mondialisée par l’Unesco (dont le siège est à Paris) à partir de 1945 ont abouti à la définition de plusieurs listes du patrimoine mondial :

Instruments normatifs sur le patrimoine culturel

Les critères ayant été identifiés par l’UNESCO pour structurer les données qui sont à la base de ces listes ont permis d’élaborer une déclaration universelle sur la diversité culturelle, qui sert de base à des instruments normatifspour définir un patrimoine culturel immatériel, autrement dit, géré sous une forme électronique.

Plus de détails, voir : Instruments normatifs de l’Unesco sur les cultures et traditions [archive]

Linguistique

En linguistique, les normes d’usage d’une langue sont constituées par l’orthographe et la grammaire. Ces normes sont consignées dans des dictionnaires et des ouvrages de grammaire. La norme est partagée entre grammaticalitéet acceptabilité.

Sociologie

Une norme, au sens sociologique du terme, représente un comportement généralement observé dans un contexte donné.

La conception de normalité ou d’anormalité en sociologie est vierge de tout jugement de valeur et se rapporte plutôt au concept sociologique de déviance.

Il existe deux types de normes en sociologie. La première, la norme formelle, est une loi ou une règle officielle régie par des personnes influentes. La seconde, la norme informelle, est une façon de se comporter dans la société qui n’est pas obligatoire, mais dont les membres de la collectivité trouvent nécessaire à son bon fonctionnement.