Pouvons-nous communiquer avec les morts selon la foi chrétienne ?

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Communiquer avec l’au-delà est un rêve aussi vieux que l’humanité. L’antique nécromancie, technique immémoriale d’évocation des défunts, était très prisée des religions anciennes. Le spiritisme utilisait, il y a deux siècles, une multitude de procédés : des tables tournantes aux médiums. Il est revenu en force à la fin du siècle dernier dans les salles de classe où l’on a joué au verre parlant, dans les cabinets de voyants où l’on causait gentiment avec les disparus.

On fait aussi grand état des rencontres d’habitants de l’autre rive qu’ont pu faire certains « rescapés de l’au-delà » revenus d’un coma avancé. Et plus d’un Belge sur quatre croit à la réincarnation et à la possibilité de communiquer avec les « désincarnés » en attente d’une nouvelle existence terrestre. Le best-seller de l’actrice Shirley Mac Laine sur sa communication avec les entités de l’au-delà par « channeling », L’amour foudre, a été tiré à plus de trois millions d’exemplaires, assorti d’un film qui a fait courir les foules américaines. Certaines affirment même pouvoir enregistrer en direct les voix et les visages de nos disparus sur la bande magnétique du magnétophone ou du vidéo scope.

De tout temps, certes, on a fait état de messages et de « signes de vie » en provenance des habitants de l’au-delà. Mais, aujourd’hui, c’est un véritable rush que l’on observe, parallèle à une montée en puissance de l’irrationnel. Et des chrétiens s’interrogent parce qu’on voit des croyants déclarés se faire les porte-parole auprès du grand public de ces nouveaux modes de communication audio-visuel, ou des mamans fort chrétiennes faire connaître avec chaleur dans de nombreux livres des messages de haute élévation spirituelle reçus de leurs enfants décédés par « locutions intérieures » ou écriture automatique.

Un discernement s’impose alors. Le mérite de ces auteurs est d’avoir ouvert un dossier que l’on avait voulu clore définitivement par un rationalisme étroit. Car, il existe bel et bien un monde invisible : Dieu est « créateur de l’univers visible et invisible ». Et des personnes à vive sensibilité peuvent se sentir plus particulièrement accordées à cette interface subtile de l’ici-bas et de l’au-delà. Mais en ces domaines, le contrôle de la raison et du jugement objectif s’exercent moins aisément. Dégageons donc quelques points de repères assurés pour le discernement.

Nombres de mystiques de la tradition chrétienne attestent de l’existence d’une communication avec les habitants de l’au-delà, et tout d’abord d’une rencontre personnelle du Christ ressuscité : de saint Paul sur le chemin de Damas à saint François d’Assise, sainte Gertrude, saint Jean de la Croix ou sainte Marguerite-Marie. Les objections n’ont pas manqué dès les premiers temps pour mettre en doute l’authenticité de ces expériences. Toutes proportions gardées, ce sont des objections analogues que l’on fait valoir contre la possibilité d’une communication avec les habitants de l’autre rive.

« C’est irrationnel ! » Mais n’y a-t-il pas deux mode de connaissance : par la raison et par le cœur ? Et ce n’est pas parce que l’au-delà échappe aux prises des sciences d’observation que l’on doit en nier l’existence. « C’est incontrôlable ! » Mais Bergson faisait déjà remarquer qu’un des signes de validité de l’expérience mystique, signe parfaitement contrôlable, était l’accord de tous les spirituels sur son contenu. Ainsi en est-il de l’expérience authentique de l’au-delà. « C’est pathologique ! » Ces phénomènes seraient le fruit d’esprits troublés ou malades, des hallucinations. Mais, on extrapole ici de quelques cas avérés d’illusion maladive à l’ensemble des relations avec l’univers invisible. Le même Bergson note aussi à ce propos : « On pourra parodier le mysticisme et il y aura une folie mystique : suivra-t-il que le mysticisme est une folie ? » On pourra de même parodier la communication avec l’au-delà : suivra-t-il que la communication avec ses habitants est une pathologie ?

L’apôtre Paul fait intervenir alors ici un critère de discernement solide de type spirituel : « Quels sont les fruits de cette expérience ? Joie, paix, assurance ? Ou confusion, trouble et inquiétude ? » Et les maîtres spirituels de toutes les religions invitent à la plus grande prudence en ces domaines où l’esprit des ténèbres se plaît à se déguiser en ange de lumière. Car, appeler inconsidérément des êtres du monde invisible, on ne sait trop qui va répondre. Il n’est pas qu’à voir la pauvreté de certains messages de l’au-delà. Et des gens au psychisme fragile peuvent être conduits à l’asile ou à certaines formes de possession. On comprend alors la sévérité de la Bible quand elle alerte vigoureusement sur la manière maligne dont l’esprit embrouilleur (le diabolos, selon l’étymologie grecque) sait se faufiler par toutes les portes qu’on lui entrebâille : « On ne trouvera chez toi personne qui interroge les esprits ou qui invoque les morts ! » (Dt XVIII, 10-11).

C’est qu’il existe une voie saine, tonique et sûre pour communiquer avec nos disparus. Mais par d’autres moyens que le téléphone ou le guéridon : « La communion des saints ». Qu’est-ce à dire ?

Nos disparus nous sont présents, d’une présence spirituelle et réelle, invisible mais bien vivante. Nous sommes d’autant plus proches d’eux que nous essayons d’être plus proches de Dieu. Et ils sont d’autant plus proches de nous qu’ils sont plus proches de Lui. Car ils vivent alors de sa vie. Ils gardent toute leur personnalité, leur caractère, leurs affections et leur tendresse. Ils continuent à nous aimer de tout leur cœur. Le lieu privilégié de la rencontre n’est pas alors le cabinet du médium ou la cabine d’enregistrement des messages audiovisuels, mais l’Eucharistie. Quand la communication mutuelle est assurée par la vie même de Dieu sur laquelle nous sommes chacun « branchés » comme des sarments sur le même cep de vigne.

Mourir, ce n’est donc pas « s’en aller » définitivement. C’est aussi revenir vers les siens et nouer avec eux une entente invisible mais réelle. Parfois en donnant des « signes de vie ». Mais, ils sont exceptionnels. Et il serait aussi présomptueux de les exiger que de s’attrister de ne pas en avoir. Car là n’est pas l’essentiel.

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