Y a-t-il un mystère Jésus ?

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Est-on certain que Jésus ait réellement existé ? La question est loin d’être idiote. Tout le monde s’est un jour demandé si Jésus était, comme le père Noël, le héros d’un beau conte, d’une jolie légende. C’est normal car, en effet, il n’y a pas de preuve directe de son existence. Cependant, tous les indices concordent. Si bien qu’aujourd’hui, aucun historien sérieux ne doute plus qu’un homme nommé Jésus a vécu en Galilée – aujourd’hui province d’Israël – sous l’occupation romaine et a été crucifié à Jérusalem.

Alors, quels sont donc ces fameux indices ? Du côté archéologique, le bilan n’est pas terrible ! En dépit des apparences, il n’y a aucune trace certaine du passage de Jésus, nulle part. Bien sûr, lorsqu’on voyage en Israël, on visite de nombreuses églises bâties sur les lieux où Jésus est passé. Ainsi, l’église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, serait construite sur l’emplacement de sa crucifixion. On peut même apercevoir un bout de rocher garanti d’époque… Dans l’église de Bethléem, là où il serait né, on voit soi-disant la grotte de la crèche. On sait aussi qu’il a été baptisé dans la rivière Jourdain, mais là ça se gâte : il y a au moins trois endroits possibles et autant de sanctuaires ! En réalité, personne ne peut affirmer à 100 % que c’est exactement à ces endroits-là que ces événements se sont déroulés, car ces églises ont été bâties au moins quatre siècles après la mort de Jésus.

En outre, à l’époque où on les a construites, personne ne se souciait d’archéologie et les lieux ont été tellement bouleversés qu’il est très difficile aujourd’hui d’y faire des fouilles pour tenter d’en savoir davantage. Et même si le souvenir de son passage avait été précieusement transmis entre les premiers chrétiens, il n’y a aucune chance que l’on retrouve l’empreinte de la semelle de Jésus moulée dans la boue et dédicacée !

Toutes les reliques qui ont été rapportées au Moyen Age, notamment par les croisés qui revenaient de Jérusalem, sont très douteuses. Une prétendue épine de la couronne de ronces que le Christ portait en mourant s’est, par exemple, retrouvée à Paris, achetée par le roi de France de l’époque, le très pieux saint Louis, qui a même fait construire une église spécialement pour conserver les reliques de Jésus : la Sainte-Chapelle. Des morceaux de la « Vraie Croix « ont aussi été ramenés continuellement de Jérusalem à partir du IVe siècle. C’est l’impératrice Hélène de Constantinople, venue en pèlerinage en Terre Sainte, qui a lancé la mode… . Le culte des reliques a ensuite donné lieu à toutes les prospections, trafic et vols possibles. Résultat : on a calculé qu’on pourrait reconstituer au moins trois croix avec tous les morceaux qui sont précieusement conservés dans de très nombreuses églises d’Europe ! Il faut dire qu’au Moyen Age, on décidait si une relique était authentique ou non à l’efficacité des prières que les gens formulaient devant elle. Pas besoin d’analyses chimiques… .

C’est donc suivre une fausse piste que demander à l’archéologie des preuves de l’existence de Jésus car si les fouilles nous donnent des tas de renseignements sur la vie des anonymes, elles ne nous disent rien, justement, de leur identité. Ainsi, Jésus a pu s’éclairer avec une des innombrables lampes à huile bien datées du Ier siècle qu’on admire aujourd’hui dans les musées, ou traverser le lac de Tibériade, en Galilée, sur un bateau de ses copains pêcheurs, comme celui que l’on a retrouvé fossilisé dans la boue du lac. Mais, nous ne le saurons jamais. C’est normal que nous ne retrouvions pas de témoignages directs de sa vie car c’était un homme du peuple, un juif investi d’une mission qui vivait parmi les juifs et qui s’adressait aux juifs pour réformer la religion juive. Les gens humbles, contrairement aux rois et empereurs, ne faisaient pas construire de palais, ni sculpter de statues, ni frapper des pièces de monnaies avec leur profil et leur nom.

Restent tout de même deux indices archéologiques qui font l’unanimité chez les historiens, même s’ils ne concernent pas directement la personne de Jésus. En 1968, lors d’une fouille effectuée au nord-est de Jérusalem, des archéologues ont découvert l’ossuaire d’un individu appelé Jean qui avait été crucifié au tout début du Ier siècle de notre ère : des clous de 17 cm perçaient encore ses tibias, attachés à un morceau de bois qui avait résisté. Ses pieds avaient d’ailleurs dû être sectionnés pour le descendre plus facilement de la croix, et ses avant-bras portaient la marque d’autres clous. Cette découverte prouve l’utilisation par les Romains de ce supplice horrible à Jérusalem même, à l’époque précise où vivait Jésus, pour châtier en particulier les juifs soupçonnés de se révolter contre leur pouvoir.

Plus récemment, à Césarée, le port construit par les occupants romains, on a retrouvé une stèle qui mentionne « Ponce Pilate, gouverneur de Judée. » Elle confirme la présence de ce fonctionnaire romain qui gouvernait la province comprenant Jérusalem entre l’an 26 et l’an 36, et auquel on attribue la condamnation à mort de Jésus.

A côté de ces maigres éléments matériels, on peut tenter de remonter la piste des textes. A priori, c’est encore pire, puisque Jésus n’a rien écrit lui-même. Il n’y avait pas de journaux, et si des lettres qui parlaient de lui ont été échangées, elles ne sont pas parvenues jusqu’à nous. Pourtant, c’est bien grâce au regroupement des indices contenus dans les textes particulièrement nombreux et rédigés par des chrétiens à partir de l’an 50, soit vingt ans après la mort de Jésus, que les historiens affirment aujourd’hui que nous en savons plus sur lui que sur aucun autre homme de l’Antiquité ; plus que sur Bouddha par exemple. Ils se basent essentiellement sur quatre Evangiles différents (attribués aux communautés attachées aux disciples Marc, Luc, Matthieu et Jean), mais aussi sur des lettres échangées entre les premières communautés chrétiennes, en particulier celles écrites par Paul, un des premiers convertis qui n’a pas connu directement le Christ mais qui a largement contribué à la genèse de la religion chrétienne.

Jésus n’est d’ailleurs pas cité uniquement par des chrétiens qui, après tout, auraient pu tout inventer ! Il est aussi brièvement mentionné deux fois par un historien romain juif jugé très fiable, appelé Flavius Josèphe, qui vécut entre l’an 37 et l’an 100. Un peu plus tard, des écrivains romains feront allusions aux adeptes d’un certain « Christ » et, au IVe siècle, un important texte religieux juif mentionnera Jésus pour le critiquer sévèrement, mais sans du tout remettre en question son existence.

Les originaux de ces témoignages ne nous sont pas parvenus : nous n’avons que les copies des copies. Comment alors être sûr que le récit n’a pas été déformé ? C’est finalement le même problème que nous rencontrons avec tous les textes antiques : ce que nous savons de Cléopâtre, de Jules César ou d’Alexandre le Grand ne nous est parvenu qu’au travers de manuscrits recopiés maintes et maintes fois durant le Moyen Age. Pourtant, personne ne doute qu’ils ont bien existé. Or, pour Jésus particulièrement, nous bénéficions de très nombreuses et vieilles copies. Le plus ancien est un fragment de papyrus contenant l’évangile de Jean, retrouvé en Egypte et daté, grâce à des techniques modernes, des années 125-150, soit environ un siècle après sa mort !

Cependant, faut-il croire à des événements racontés par les adeptes de Jésus tout de même plus d’une génération après lui ? Car, si les textes se recoupent souvent, parfois ils se contredisent. Par exemple, deux évangiles seulement parlent de la naissance de Jésus et la situent à Bethléem, tandis que les autres textes parlent seulement de « Jésus de Nazareth », mais sans préciser s’il y était né ! Les premiers chrétiens n’étaient ni journalistes ni historiens. Ils n’ont pas écrit dans le but de faire connaître la vie de Jésus, mais pour convaincre les gens qu’il était celui qui viendrait les sauver, comme la Bible l’annonçait. C’est pourquoi ils racontent en détail sa mort et sa résurrection, les miracles qu’il a accomplis, qui leurs paraissent des événements essentiels, mais en revanche nous ne saurons jamais si Jésus avait de grosses mains, s’il était barbu, quelle enfance il a eue. Ces détails, qui peuvent sembler importants aujourd’hui, n’avaient aucun intérêt pour eux.

Malgré leurs divergences et leurs silences, les évangiles recèlent néanmoins trop d’informations concordantes pour que l’on doute de l’existence d’un homme nommé Jésus : le récit de sa mort, par exemple, est suffisamment vraisemblable et précis pour que les chercheurs, en comparant avec le calendrier des fêtes juives, s’accordent sur la date à laquelle son exécution a eu lieu : très probablement le vendredi 7 avril de l’an 30, veille de la Pâque juive. A partir de là, et en recoupant avec d’autres indications, on pense que Jésus est né trente-cinq ans plus tôt, donc en l’an 6… avant Jésus-Christ ! Cette bizarrerie est due à de mauvais calculs effectués à Rome au début du Moyen Age, quand on a voulu fixer le début de l’ère chrétienne.

On sait que Jésus a commencé à voyager et à prêcher devant les foules vers l’âge de 32 ans, entouré d’un petit groupe de disciples qu’il avait choisis. En revanche, nous ne savons presque rien sur les événements qui ont précédé le début de cette vie publique, environ trois ans avant sa mort. Il a probablement vécu sans histoires à Nazareth, dans une grande maison rassemblant, selon la coutume orientale, tous ses proches. Ses parents s’appelaient certainement Joseph et Marie, puisque tous les textes le disent, et appartenaient à un milieu d’artisans assez aisés. Il aurait eu quatre frères et un certain nombre de sœurs. Comme tous les Juifs de Galilée à son époque, Jésus parlait l’araméen et devait savoir lire au moins un peu d’hébreu, la langue de la Bible, pour pouvoir en faire la lecture à la synagogue. Il travaillait, allait prier au temple de Jérusalem chaque année à Pâque, selon la tradition, et respectait les fêtes.

Les autres événements de sa vie qui paraissent authentiques aux yeux des spécialistes sont, au contraire, ceux qui présentent Jésus comme un marginal. Par exemple, le fait qu’il soit célibataire dans une société où tout le monde se mariait. Il a aussi frappé les témoins par des attitudes qu’ils ne comprenaient pas. Ainsi, lorsqu’il se met en colère et chasse les marchands du Temple, le lieu le plus saint pour les Juifs, il choque tout le monde, y compris ses fidèles. Or, ceux-ci n’ont pas pu inventer un pareil épisode qui donne une « mauvaise image » de leur héros !

Autre sujet de surprise pour ses amis qui espéraient peut-être un chef pour conduire la rébellion contre les Romains, Jésus, bien qu’il dénonce la richesse et le pouvoir, les incite à payer l’impôt sans broncher à cet occupant qu’ils détestent ! Pour la même raison encore, son baptême dans le Jourdain est considéré comme une scène réelle : Jésus, le plus « pur » aux yeux des écrivains des évangiles, s’abaisse devant Jean-Baptiste, un personnage secondaire auquel il demande de le « laver de ses péchés » dans l’eau. Incompréhensible à leurs yeux, donc crédible pour nous ! Par ailleurs, on sait qu’à l’époque, des prédicateurs comme Jean-Baptiste parcouraient le pays et proposaient cette purification par l’eau.

En revanche, impossible pour un historien de se prononcer sur l’authenticité des miracles et guérisons attribués à Jésus ni bien sûr sur la réalité de la résurrection, même si les textes en parlent abondamment. Nous ne pouvons seulement constater qu’il y a un mystère Jésus : qu’est-ce qui faisait courir cet homme et pourquoi a-t-il eu tant de succès ?

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