Jésus, fils de Marie.

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Au moment du mariage, un contrat liait les deux époux. Si la jeune épousée n’était pas encore pubère, elle devait demeurer encore un an sous l’autorité paternelle avant de passer sous celle de son mari. Ainsi l’évangile de Matthieu peut-il présenter sans contradictions Marie comme la « fiancée » de Joseph et parler de lui comme de son « époux ». Pendant cette période intermédiaire, toute relation sexuelle entre les deux époux était prohibée.
Selon l’évangile de Matthieu, avant que Joseph et Marie n’aient mené une vie commune, Marie << se trouva enceinte >> et, s’empresse d’ajouter l’évangéliste, « par le fait de l’Esprit Saint » (Mt 1,18).
Marie aurait-elle eu une aventure ? La visitation par l’ange Gabriel ne serait-elle que le masque d’une visite d’une autre nature ? En effet, cet ange se conduit de façon scandaleuse au regard des règles de bienséance juive : il s’adresse à une femme mariée sans témoins, en privé, et va jusqu’à la saluer ! Autant de faits qui confinent à l’adultère.
Cependant, Matthieu rapporte que, Joseph découvrant la grossesse de sa femme, « étant un homme juste et ne voulant pas la dénoncer publiquement, résolut de la répudier secrètement » (Mt 1, 18-19).
Or en aucun cas, la répudiation ne pouvait constituer un acte purement privé. Le Deutéronome est catégorique à cet égard. Lorsqu’un homme voulait se séparer de sa femme, il devait impérativement, avant de la renvoyer à sa famille, lui adresser par écrit une lettre de répudiation et la lui remettre en main propre. Mais seuls deux motifs graves étaient jugés recevables : si la femme avait fait montre d’impudicité ou si le mari avait découvert chez elle un comportement << honteux >>.
Si un mari soupçonnait sa femme d’inconduite, le livre des Nombres prescrivait même qu’il lui fasse boire les eaux d’amertume. << Et, lorsqu’il les lui aura fait boire, s’il est vrai qu’elle s’est rendue impure en trompant son mari, alors les eaux de la malédiction, pénétrant en elle, lui seront amères : son ventre enflera, son sexe se flétrira, et pour son peuple elle servira d’exemple dans les malédictions. Si au contraire elle ne s’est pas rendue impure et si elle est pure, elle restera indemne et elle aura des enfants » (Nb 5,26-27).
Comment expliquer que Joseph n’ait pas eu recours à une telle ordalie puisque la Bible a prévu ce moyen de lever le doute, et qu’il agisse en secret ?
Et si Marie n’avait pas succombé aux charmes d’un inconnu, si elle avait été violée ? Le Deutéronome a codifié minutieusement la plupart des situations imaginables en la matière. Si l’homme trompé est en droit de lapider, jusqu’à ce que mort s’ensuive, sa fiancée qui était vierge et son amant, il est expressément stipulé que la punition ne peut être appliquée en cas de viol, lorsque la victime n’a pu ni se défendre ni appeler au secours. « Si c’est dans la campagne que le jeune homme a rencontré la jeune fille fiancée, qu’il l’a violentée et a couché avec elle, l’homme qui a couché avec elle mouffa seul ; tu ne feras rien à la jeune fille, il n’y a pas en elle de péché qui mérite la
mort » (Dt 22, 25-26). Ce cas de figure s’accorderait mieux à la mansuétude dont Joseph témoigne à son égard.
Que penser de la virginité de Marie ?
La notion même de « virginité » n’était évidemment pas la même pour des juifs du premier siècle que pour nous.
Ainsi, le traité Tosephta qui reflète l’enseignement d’un rabbin de la fin du premier siècle, précisait qu’il fallait appeler « vierge » « celle qui n’a jamais vu le sang, même si elle est mariée et a eu des enfants jusqu’à ce qu’elle ait vu sa première manifestation ». La virginité se serait définie alors par l’absence de règles (ce qui corrobore aussi la symétrie établie par l’évangile de Luc entre la grossesse d’Elisabeth et celle de Marie, la femme âgée étant stérile et la fillette n’étant pas encore fertile).
Marie était une enfant, elle avait peut-être douze ans, treize ans au plus. C’était une enfant enceinte…
Dans l’évangile de Matthieu, la conception virginale de Marie trouve sa justification dans un verset biblique que cite l’ange du Seigneur qui apparût en songe à Joseph : « Or tout ceci advint pour que s’accomplît cet oracle prophétique du Seigneur : « Voici que la vierge concevra et enfantera un fils » » (Mt 7,22-23).
En hébreu, le terme original qu’utilise le livre d’Isaïe d’où provient la citation de Matthieu (Is 7, 14) est ‘almah, c’est à dire « la jeune fille ». Les traducteurs de la Septante, la version grecque de la Bible hébraïque, l’ont traduit par parthenos (un » vierge, au sens physique du pucelage intact) plutôt que par neanis (une jeune fille, de manière plus générale). Il n’est pas sans intérêt, à ce propos, de relever que le seul autre emploi du mot parthenos par la Septante est réservée à Dina, fille de Jacob, victime d’un viol.
Les rédacteurs de la septante ont involontairement forcé le sens du texte d’Isaïe alors qu’en aucun cas le prophète ne mettait l’accent sur la virginité- supposée de la mère, mais insistait sur le nom de l’enfant « Emmanuel » (en hébreu « Dieu avec nous ») comme garantie présentée au roi Ahaz : Dieu serait avec lui, constamment.
Il paraît d’ailleurs probable que Matthieu ait choisi pour les mêmes raisons ce passage d’Isaïe qu’il cite au tout début de son évangile. Il voulait affirmer que Jésus est bien le sauveur promis. La virginité de Marie n’est qu’accessoire.
Marie était une jeune fille, une vierge… Cela ne signifie pas qu’elle l’était encore lorsque Jésus est né.
Jésus « fils de Pantera »
Plusieurs sources indépendantes et émanant de différentes cultures mentionnent que Jésus était fils de Panthera ou de Pantera ou de Pentera, ou appellent Panthera le père de Jésus. Certaines sont des sources polémiques anti-chrétiennes, qui effacent le personnage de Joseph, et attribuent la paternité de Jésus à un amant de Marie : c’est notamment le cas des passages censurés du Talmud, et du Discours véritable de Celse, philosophe païen du IIe siècle. D’autres sources, en réponse à
ces imputations injurieuses, récupèrent l’appellation de Jésus ben Pantera, et la justifient en l’inscrivant dans la généalogie « officielle » de Jésus, selon laquelle Jésus est bien le fils adoptif de Joseph : c’est le cas notamment d’écrits chrétiens comme la Didascalie syriaque ou ceux d’Épiphane de Salamine.
Dans les passages censurés du Talmud, Jésus est parfois appelé Jésus le nazôréen, mais est en général appelé Jésus ben Pantera. Selon Dan Jaffé, ce nom, « Fils de Pantera », est « une représentation juive du christianisme », « une raillerie commune et répandue dans le monde juif afin de tourner en dérision la croyance en la conception et en la naissance virginales de Jésus ». Un ouvrage de Celse datant du IIe siècle conforte cette hypothèse : Celse rapporte les propos d’un juif érudit selon lesquels Jésus serait le fils illégitime d’un soldat romain nommé Pantera (l’ouvrage de Celse est perdu, toutefois ces rumeurs polémiques au sujet de la naissance adultérine de Jésus sont citées par Origène, Père de l’Église, dans son Contre Celse, dans le but de les réfuter). Ces accusations sont également attestées dans les Actes de Pilate (ive siècle), qui évoquent les « relations coupables » dont Jésus serait le fruit.
D’autres hypothèses ont été avancées à ce sujet. Selon Thierry Murcia, Panthera serait tout simplement un autre nom (ou le surnom) de l’époux de Marie : Joseph (évangiles) et Panthera (Discours véritable de Celse et sources rabbiniques) seraient donc un seul et même personnage « On l’a rapproché du grec petheros le « beau-père » (père du conjoint). On en a fait une déformation du grec parthenos, la « vierge ». » D’autres ont estimé qu’il s’agirait d’un ancien surnom donné à Jésus dont on ne connaîtrait plus la signification. Il pourrait aussi s’agir d’un titre ou d’un indicateur péjoratif appliqué à plusieurs ascendants de Jésus, tant dans sa branche paternelle que maternelle. La question est en débat et aucun consensus ne se dessine à ce sujet.
« Au IVe siècle, Épiphane affirme dans le Panarion, que Pantera a été le surnom de Jacob, le père de Joseph, l’époux de Marie. Dans la Didascalie syriaque, un écrit liturgico-canonique du début du IIIe siècle, la mère de Jésus est fille de Joachim, fils de Pantera, frère de Melchi, de la famille de Nathan et fils de David. » Pour Simon Claude Mimouni, « cette explication paraît assez vraisemblable, d’autant que la Didascalie syriaque rapporte nombre de traditions chrétiennes d’origine juive. »

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