Un Sud hors course

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Un des avantages ou un des espoirs du génie génétique serait, entend-on facilement, de résoudre le problème de la faim dans le monde. Est-ce vraiment vrai ? Car pour solutionner cette question complexe, produire davantage ne suffit pas : il faut tenir compte également des problématiques culturelles et économiques (coût des transports, habitudes alimentaires, pouvoir d’achat…).
Par contre, l’avancée aveugle du génie génétique rendra le Nord autonome et laissera, davantage encore, le Sud sans ressource.

Des petits producteurs largués.

75.000 paysans vivent à Madagascar de la production de la vanille. Celle-ci est une des principales ressources agricoles exportées. Au Japon, des chercheurs ont réussi à fabriquer de la vanilline à partir d’essence de pin. Une société allemande en produit également. Comment les Malgaches pourraient-ils se défendre vis-à-vis de grandes sociétés aux moyens financiers et techniques incomparablement plus importants ? Onze millions de personnes vivent du cacao dans la seule Afrique de l’Ouest. Or, des recherches sont menées pour produire un cacao aux fèves normées et plus grosses, résistant aux maladies, aux moisissures et au froid, à la teneur plus élevée en graisse. Une seule plante pourrait fournir des récoltes plus riches, plus faciles à traiter et meilleur marché. Actuellement, le monde connaît déjà une surproduction de cacao. Les petits producteurs africains seront les premiers évincés du marché, incapables de concurrencer les grandes firmes. On peut sans peine multiplier les exemples. Un dernier : la quinine est exportée d’Indonésie mais une compagnie britannique la produit maintenant chez elle, à partir du gène de la plante.

Quand le Nord s’approprie la vie.

En fait, à partir du moment où l’on connaît le patrimoine génétique d’une plante, on détient la vie et donc la capacité de la produire. Or, maintenant, toute découverte d’un patrimoine génétique est brevetée (alors qu’un brevet est, par définition, donné à une invention, non à une découverte) par un pays du Nord. Autrement dit, des laboratoires du Nord s’approprient des plantes du Sud. Ce qu’on découvre dans le Sud en matière de patrimoine génétique est considéré comme invention mais aussi propriété intellectuelle du Nord. Les principes actifs identifiés à partir de ces plantes deviennent donc l’objet d’un monopole. Les premiers producteurs de ces plantes perdent le marché. En juillet 1997, le Parlement européen, qui avait jusqu’il y a peu refusé l’octroi de brevet des gènes humains, animaux et végétaux, a autorisé le brevetage sans limite des gènes humains, animaux et végétaux.
D’autre part, le génie génétique demande tellement de moyens financiers et techniques qu’aucun pays du tiers-monde ne pourra devenir compétitif. Et le très faible pouvoir d’achat de la toute grande majorité des populations du Sud ne leur permettra pas d’accéder aux produits biotechnologiques. Conclusion : une avancée aveugle du génie génétique arrivera à mettre le Tiers-Monde hors course et accentuera le clivage riches-pauvres.

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