Le mal de la jeunesse

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Avant-hier, les hippies, inoffensifs et oisifs, prêchant la paix et la fraternité… Hier les « punks », provocateurs, agissant délibérément à contre-courant… De tels mouvements, fort éphémères, semble-t-il, sont assurément loin de rallier la grande masse des jeunes d’aujourd’hui. Pourtant, bien que condamnés à rester minoritaires, ils mettent à nu les imperfections d’une société en pleine mutation.
Des gêneurs?

En ce sens, les courants marginaux jouent un rôle fondamental : les hippies ont indirectement contribué à mettre fin à la présence américaine au Viêt-nam, en révélant à leurs concitoyens la dérision d’une guerre meurtrière et lointaine.
D’origine plus récente, l’impact des punks paraît moindre. Toutefois, par leur mépris du conformisme, ces jeunes désenchantés contribuent peut-être à une prise de conscience de l’opinion : à force de clamer leur dégoût de la société actuelle, ils auraient pu réussir à faire comprendre à leurs contemporains que le monde a perdu son équilibre…

Quand l’adolescence n’existait pas!

Le conflit des générations est un phénomène récent. Certes, on rencontre déjà des scènes où s’opposent parents et enfants dans les littératures grecques ou romaine, par exemple. Pourtant, dans l’Antiquité, le respect des anciens était certainement plus profond qu’aujourd’hui.
Dans les sociétés préindustrielles, le garçon ou la fille entrait fort tôt dans la vie active. Il n’y avait guère de transition entre l’enfance et l’adulte. La puberté, période de transformations physiologiques, mais aussi psychologiques, ne marquait guère le début de ce long cheminement conduisant à la maturité. A certains égards, on pourrait presque affirmer que l’adolescence n’existait pas!
Si le passage de l’enfance à l’adolescence est difficile à fixer dans le temps, il en va de même du passage de l’adolescence à l’âge adulte. Le passage reste très progressif et fort variable selon les individus, leur race et l’influence du climat.
Dans de nombreuses sociétés, donc, le passage de l’enfance à l’adolescence, puis à l’âge adulte est l’occasion de manifestations culturelles importantes : les rites d’initiation. De telles fêtes (qui revêtent parfois le caractère de véritables épreuves) servent à confirmer qu’un individu participe désormais à la reproduction physique et économique du groupe auquel il appartient. Ainsi, au Kenya, par exemple, les enfants sont soumis à l’épreuve de l’isolement dans un ancien puits qui consiste à rester au fond d’un puits sans voir personne pendant plus d’une semaine.
Il n’empêche que, dans toutes les vieilles sociétés paysannes, le passage à l’âge adulte a toujours été marqué par des fêtes collectives, où des rites de « passage » symbolisaient l’entrée des nouveaux adultes dans la communauté. Dans certaines fêtes populaires, nos sociétés occidentales conservent encore des souvenirs de ces rituels collectifs. Dans les pays de vieille chrétienté, la fin de l’adolescence est aussi considérée comme l’âge des choix religieux.
Actuellement, les jeunes gens sont physiquement formés vers 15 ans, même si la croissance se prolonge au-delà de cet âge. En revanche, une fois sortis de l’école, ou poursuivant des études, ils ne sont pas encore pleinement intégrés à la vie active. D’où cette période de flottement, qui explique bien des litiges.

Refus ou adhésion?

De nos jours, les divergences de vues entre jeunes et adultes n’ont rien d’étonnant : les systèmes de valeurs et les modes d’existence n’ont jamais évolué aussi rapidement. Or, les aînés, riches de leur expérience, assimilent moins facilement les innovations, le changement.
Les jeunes, au contraire, adoptent volontiers de nouveaux objets (répondant souvent à des modes), un style de vie différent, une autre morale. Certains rejettent la société contemporaine et signifient leur refus par la violence ou par des voies pacifiques. Né dans les années soixante, et particulièrement virulent en 1968, l’esprit de contestation n’est rien d’autre que la manifestation de ce mécontentement.
Mais bon nombre de jeunes ne réagissent pas de la même manière : ils s’intègrent complètement au monde qui les entoure, adhèrent entièrement aux idées de leurs aînés. Il n’existe donc pas une seule jeunesse, mais bien plusieurs catégories de jeunes avec leurs besoins, leurs aspirations et leurs goûts.

Besoin d’indépendance.

Les rôles attribués à l’adolescent étant parfois mal définis, souvent mal acceptés, les jeunes ressentent une certaine insécurité face aux exigences de la vie sociale. L’individu, quel qu’il soit, a besoin d’affirmer son identité, de se référer à un système de valeurs. Or l’adolescent n’est pas défini positivement, mais négativement : il n’est plus un enfant et n’est pas encore un adulte. Il est donc logique qu’il ne se contente pas de ce statut transitoire qui lui est imposé : le jeune cherche à affirmer sa spécificité.
Il manifeste un certain besoin d’indépendance, qui diffère selon le groupe d’appartenance. Ce besoin est généralement plus prononcé chez le lycéen issu d’une famille bourgeoise que chez le fils d’ouvriers, qui s’intègre plus facilement dans la hiérarchie sociale. En milieu rural, le passage au monde adulte s’opère souvent avec moins de heurts : le contact avec la famille est permanent (dans le travail et les loisirs), et l’adolescent vit en quelque sorte en symbiose avec son milieu, surtout si celui-ci est en évolution rapide.

Adultes en miniature!

Comme on l’a vu, sous l’Ancien Régime (c’est-à-dire avant la Révolution française), le contact avec les adultes était permanent dans l’éducation sociale, morale et professionnelle. Cela ne signifie pas que les jeunes n’existaient pas, mais simplement que la mentalité collective ne les considérait guère comme une entité particulière. L’adolescent et même l’enfant étaient considérés comme des adultes en miniature, et l’intégration s’instaurait progressivement par assimilation à la société.
La notion de classe d’âge n’existait pas. Elle naîtra lorsque l’éducation par l’école et la famille se substituera à l’éducation par apprentissage. La notion de génération apparaîtra en même temps que s’élargira le fossé entre père et fils. Plus tard, les médias aideront également à modeler la nouvelle catégorie, à définir la personnalité et le rôle des jeunes.
Mais la quête d’une identité n’est pas facile. Comment se situer, en pleine adolescence, entre la morale véhiculée par la famille et l’esprit rationaliste enseigné à l’école? Quelles valeurs respecter, lorsque cette même école, où ils passent le tiers de la journée, met en évidence les notions de travail et d’intégration professionnelle, tandis que les médias, auxquels le jeune est confronté, insistent sur la société des loisirs?

Quel cadre de vie?

L’urbanisation, elle aussi, est propice à la formation de grands rassemblements. Les jeunes ont la possibilité de se retrouver sur des terrains de sports spécialement aménagés pour eux, dans les centres de loisirs, dans les bars, etc. Ces espaces favorisent la création de petits groupes. Nés spontanément, ces derniers s’opposent souvent aux groupes adultes, qui présentent une structure beaucoup plus rigide.
Les associations créées pour les jeunes doivent faire preuve aujourd’hui d’une certaine souplesse. Ainsi le scoutisme, mouvement fondé en 1908 par le général Baden-Powell, moraliste et paramilitaire à l’origine. Ainsi la plupart des autres groupements laïques et les organisations confessionnelles visant à encadrer les jeunes. Il est, donc, bon que les jeunes déterminent eux-mêmes leur identité, qu’ils s’assignent eux-mêmes des buts qui ne soient pas décidés par les adultes. De part et d’autre doit s’effectuer une remise en question passant par l’acceptation de la différence.

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