Les mécanismes de l’inégalité

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L’inégalité est donc bien une des réalités d’aujourd’hui avec l’insécurité et la pauvreté. Mais, si l’on veut caractériser les populations les plus pauvres, l’accent doit, semble-t-il, être mis sur neuf traits principaux :

  1. Une position sociale précaire sur le plan des moyens d’existence (revenus) et par voie de cause ou de conséquence, sur une multiplicité d’autres plans (accès au travail, au logement, à la consommation, à la santé, à l’enseignement, etc.)
  2. Généralement, une dépendance marquée à l’égard des organismes tant officiels que privés d’aide social et de « protection sociale » (CPAS, CPJ, police et tribunaux, services sociaux, etc.)
  3. Une intégration sociale en position « reléguée » au plus bas de la hiérarchie sociale, conséquence de la mise en œuvre de processus et de mécanismes sociaux de différenciation, de discrimination et d’exclusion qui leur assignent des fonctions précises (dans le circuit économique, sur le marché du travail, dans l’enseignement, dans l’occupation de l’espace bâti, etc.).
  4. Une quasi absence de conscience de classe, favorisant l’atomisation du groupe et le recours aux solidarités instinctives (spontanées et ponctuelles, cfr. marche de protestation) plutôt qu’à l’action collective organisée (au sein des mouvements sociaux et des organismes de lutte sociale).
    5. Des modèles culturels propres s’exprimant en des modes de vie et des formes de vie sociale qui les marginalisent et contribuent au maintien et à la reproduction de leur position sociale précaire.
  5. Les arguments idiots et les slogans odieux. Une anecdote bien connue nous révèle : si on place 10 personnes sur la ligne de départ pour une course à pied, à l’arrivée on trouvera un premier, un deuxième et un dernier. Certains en tirent des conclusions faciles mais il s’agit là d’une erreur car il ne faut pas confondre les inégalités qui proviennent de la nature au niveau de la santé, de l’intelligence, du caractère, de l’hérédité… et les très nombreuses inégalités qui sont provoquées par la société et la culture. Reconnaître les différences naturelles, c’est bien, c’est normal, mais c’est engager les forts à se mettre au service des plus faibles, alors que souvent ceux qui ont beaucoup reçu méprisent et écrasent les plus démunis.
  6. Le partage des revenus et le partage inégal. Les revenus sont généralement un sujet tabou. La première source de renseignement concernant les inégalités de revenus est la statistique fiscale. Malheureusement, les revenus « déclarés » ne constituent pas tous les revenus. Il y a des revenus qu’il ne faut pas déclarer parce qu’ils ne sont pas taxables, comme les allocations familiales. Il y a aussi des revenus qui devraient être déclarés mais qui ne le sont pas, comme les revenus mobiliers. Ils sont dissimulés ou fraudés de manière à ne pas être taxés. On ne les retrouve donc pas dans la statistique fiscale.
  7. Les inégalités scolaires. L’école produit à son tour des inégalités : inégalités d’échecs dès l’école primaire, inégalités d’orientation dans l’enseignement secondaire, inégalités d’accès à l’enseignement supérieur, inégalités de débouchés. Si l’échec en primaire n’est pas une catastrophe en soi, on sait néanmoins qu’un élève qui double une ou plusieurs fois termine l’école avec une ou plusieurs années de retard. Or, on sait aussi que l’orientation des élèves dès l’école primaire tient fortement compte de l’âge. En clair, on oriente rarement un enfant qui termine ses primaires à 14 ans vers les humanités générales. Ainsi la boucle se referme. Malgré le passage à l’école, la hiérarchie des catégories sociales se perpétue. Ce sont les enfants des milieux les plus défavorisés qui sont rapidement exclus de l’enseignement, par l’échec scolaire ou la relégation dans des filières courtes sans débouchés. Ce sont eux qui étant les moins qualifiés, auront les métiers les plus pénibles, les revenus les plus bas, les conditions de vie les plus précaires.
  8. Le chômage. C’est le système capitaliste qui veut maintenir ou accroître son profit en produisant plus avec moins de main-d’œuvre qui est à la base du chômage. Or, depuis 1970, on constate un recul important de l’emploi industriel dans nos pays mais aussi un accroissement de la production. L’automatisation, l’informatique font perdre des emplois plus qu’elles n’en créent. On remplace partout des hommes par des machines. Le déplacement des industries sous la forme de multinationales qui quittent l’Europe pour s’installer dans le tiers monde où la main d’œuvre est bon marché, les travailleurs peu organisés, etc. De plus, ces industries apportent peu au tiers monde parce qu’elles ne produisent pas ce dont les gens de là-bas ont besoin. Le manque de prévoyance de certains industriels qui n’ont pas effectué à temps les modernisations nécessaires et les investissements indispensables. Conséquence, il arrive trop souvent que l’on continue à produire des biens dont plus personne ne veut. Les principes boursiers comme la spéculation qui consiste à vendre un titre ou une action qui ne rapporte pas assez. Ou mieux encore, dans le but de faire le maximum de bénéfice sur un titre, même si celui-ci est côté en à la hausse, les actionnaires préfèrent licencier du personnel pour accroître les bénéfices boursiers. Enfin, il ne faut pas oublier de citer l’augmentation de la population active à la suite du baby-boum des années cinquante et des diverses revendications féministes qui ont saturé le marché de l’emploi.

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