La mort : vivre et mourir

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Document 10 : La mort et les différentes religions.

Que devient l’homme après la mort ? Est-il possible d’entrer en communication avec les morts ? Auquel cas, cette communication est-elle condamnable ? Ces trois questions ont été posées à des représentants de six traditions religieuses : le juif Mevorah Serbib, responsable d’une chronique sur le Judaïsme à la radio Paris J; le catholique Henri Bourgeois, théologien et animateur d’un groupe de théologie pratique ; l’orthodoxe Olivier Clément, également théologien ; le protestant André Gounelle, professeur de Théologie à la faculté de théologie protestante de Montpellier ; le musulman Malek Chebel, anthropologue spécialiste de l’islam ; le bouddhiste Jean-Pierre Schnetzler, psychiatre, fondateur et responsable du centre bouddhiste Karma Migyur Ling.

Quel est l’état de l’homme après la mort ?

Judaïsme : À la mort, le corps et l’âme se séparent. Seule une petite partie du corps subsiste jusqu’au jour de la Résurrection. Quant à l’âme, elle est soumise à un jugement pendant environ un an. Finalement, certaines âmes accèdent au Paradis, d’autres portent dans un enter qui est proche, par sa nature, du purgatoire catholique. Il arrive aussi qu’elles se réincarnent, ce qui est considéré comme très grave. Une dernière possibilité est la redescente sur terre de morts dont le « dossier » est trop lourd pour être examiné. Ils peuvent alors investir le corps d’un vivant.

Catholicisme : les défunts sont en état d’attente et de purification, un état où ils peuvent réassumer leur vie dans la proximité de Dieu. Ils sont, dit l’Eglise catholique, en voie de progressive « ressuscitation », et ils n’ont pas encore les pleines possibilités que leur apportera la Résurrection. Cet état, appelé le purgatoire, n’est pas autant un changement de vie qu’une relecture de la vie, d’une manière qui nous échappe largement.

Orthodoxie : Au moment de la mort, l’âme qui a recueilli en elle toutes les réalités du corps, est plongée dans une lumière très douce : elle comprend sa vie et se juge avec l’aide du Christ. Elle connaît alors une longue purification ; elle traverse des univers spirituels où elle se dépouille de ses passions jusqu’à atteindre la poix, une transparence qui la prépare à la rencontre ultime, à l’avènement de la Parousie.

Protestantisme : Le protestantisme renvoie aux indications du Nouveau Testament, lequel affirme nettement la vie après la mort, mais ne dit pas grand-chose du comment de cette vie, de sa forme, de ses modalités. Trois hypothèses sont émises. Selon la première, les morts sont anéantis et seront recréés par Dieu au jour de la Résurrection ; entre-temps, ils n’existent pas. La seconde postule que les morts sommeillent, semblables à des gens qui dorment : ils s’éveilleront à la Résurrection. La troisième, celle de Calvin, avance que les morts sont vivants, conscients, actifs auprès de Dieu.

Islam : Aussitôt enterré, le musulman subit l’épreuve de la balance : il répond aux questions de deux anges, Naker et Monker, et selon ses réponses, soit il se rend au paradis (largement décrit dans le Coran), soit il reçoit le châtiment de l’humiliation, c’est-à-dire qu’il se retrouve dans le brasier de l’enfer. Les autres croyants monothéistes peuvent subir cette épreuve de la balance avec succès. Les incroyants, eux, plongent directement en enfer.

Bouddhisme : Le bar do est un état intermédiaire purement mental, que l’on peut comparer à un rêve. Il dure, selon les êtres, quelques instants ou quelques semaines. Ceux qui savent y reconnaître la Claire Lumière, cet état de conscience parfait, atteignent le nirvana, la libération. La majorité ne l’atteint pas, et leur sort varie en fonction des désirs et des attachements qu’ils ont eus au cours de leur vie terrestre. Certains se réincarnent en humains, voire en animaux. D’autres connaissent soit un état paradisiaque agréable, mais temporaire, soit un état d’esprit avide, soit un état infernal. En attendant leur prochaine incarnation.

Est-il possible d’entrer en communication avec les morts ?

Judaïsme : Les vivants peuvent recevoir, de manière passive, des messages des défunts. Dans les rêves, notamment. Ils peuvent aussi, en allant sur une tombe, demander au défunt d’intercéder pour eux auprès de Dieu. La possibilité d’une communication existe donc. Mais elle ne doit jamais être recherchée directement.

Catholicisme : La relation entre les vivants et les morts est réelle. C’est une communion souhaitée par Dieu, souvent appelée communion des saints, un lien étroit et fort qui témoigne de la solidarité, de l’unité des êtres dans l’amour du Christ. La communication est de l’ordre de la mise en œuvre de cette communion. Elle est évidemment possible, ainsi qu’en témoignent les manifestations et apparitions de saints. Si elle ne l’était pas, pourquoi continuerais-je à m’adresser à certains morts et à les convoquer par mes pensées ?

Orthodoxie : La présence réelle des défunts à nos côtés nous est donnée par la prière. Grâce à elle, un dialogue « intuitif », s’établit entre les morts et les vivants. Mais, selon Ia tradition de l’Orient chrétien, le lieu privilégié de la communication entre
l’ici-bas et l’au-delà est la célébration eucharistique à laquelle les trépassés participent à nos côtés.

Protestantisme : Si l’on postule gue les morts sont si anéantis, soit en sommeil, en attendant la Résurrection, il n’y a évidemment pas de communication envisageable avec eux. Calvin, qui estimait que les morts sont vivants, ajoutait qu’ils n’ont pas d’oreilles assez longues pour nous entendre, ni d’yeux assez aigus pour nous voir. Ils sont donc radicalement coupés des vivants. Certains théologiens protestants, moins radicaux, estiment possible une communion des vivants avec les morts, dans les sens d’une proximité, mais non d’une communication avec échange d’informations.

Islam : Les morts détiennent la vérité et sont en communication permanente avec les vivants. Ces derniers peuvent se confier à leurs défunts, leur demander des conseils. Les réponses des Trépassés leur proviennent à travers différents « signes » : les rêves, les apparitions, des intuitions et d’autres « signes de hasard », comme une éclipse ou une tempête, qui sont ensuite interprétés.

Bouddhisme : Les rapports entre vivants et défunts existent et sont reconnus par tous les bouddhistes. Ils sont plus fréquents dans les mois ou les années qui suivent le décès, quand le défunt a encore des choses à communiquer ou sujet de ce monde qu’il vient de quitter : un maître livre ainsi ses derniers enseignements, un esprit indique le lieu de sa prochaine incarnation. La plupart de ces contacts interviennent durant le rêve, mais les apparitions et autres manifestations surnaturelles sont aussi reconnues.

La communication avec les morts est-elle permise ?

Judaïsme : la Torah interdit la recherche d’un contact direct avec les défunts. Dans la Bible, le roi Saül meurt pour avoir communiqué avec l’âme du prophète Samuel (voir 1 Samuel 28). On estime en effet que le vivant ne doit pas tenter de connaitre des vérités qui ne le concernent pas. La même condamnation s’applique d’ailleurs aux prédictions. Ces deux actes sont répréhensibles, parce qu’ils témoignent d’un manque de confiance en Dieu.

Catholicisme : La mise en œuvre, par les vivants, de moyens artificiels pour communiquer avec les morts, n’est pas condamnée à priori. Mais l’Eglise catholique incite à la prudence : il est difficile de faire le partage entre ce qui vient de l’au-delà et ce qui vient de nous. La Bible met en garde contre ces pratiques. Dieu lui-même demande aux morts d’être discrets à notre égard et il nous demande à nous de vivre dans la liberté et la responsabilité.

Orthodoxie : Le spiritisme ou Ia transcommunication ne sont pas condamnables, mais étrangers à la foi orthodoxe. La communication avec les morts par ces moyens est sans doute possible, mais sait-on vraiment avec qui on communique ? Selon la tradition, il peut s’agir de débris de la psyché, d’écorces que l’âme abandonne dans son exode après la mort : ces écorces seraient comme des rognures d’ongles : elles vous ont appartenu, mais elles ne sont pas vous. Il peut aussi s’agir de forces ténébreuses qui se déguiseraient en anges de lumière.

Protestantisme : Elle n’est pas souhaitable : les protestants s’occupent des vivants plutôt que des morts. Une attitude pastorale consiste à dire : si un contact se produit, accueillez-le, mais ne le recherchez pas ni le cultivez.

Islam : Spiritisme, magnétisme et autres transcommunications artificielles sont strictement interdits par l’islam : ces « artifices humains » sont de l’ordre de la ruse et, à ce titre, ils sont considérés comme l’œuvre du diable.

Bouddhisme : Elle n’est pas condamnable, mais elle n’est pas encouragée : l’intérêt des défunts n’est pas de s’attarder ici-bas, mais de se dégager des attachements de ce monde. D’autre part, les bouddhistes ne considèrent pas que les défunts sont par principe dans un état spirituel supérieur à celui des vivants : ils n’ont donc souvent rien à leur apprendre. Enfin, cette communication recèle une part de danger : quelle que soit la technique utilisée (magnétophone, crayon ou guéridon), le médium reste un humain, avec tous les dangers dans lesquels ce « filtre » risque de tomber, notamment la convocation d’esprits farceurs ou de fantômes malveillants, sans parler de sa propre imagination.