La mort : vivre et mourir

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Document 8 : Petite histoire des rites funéraires.

L’archéologie et l’anthropologie funéraires fondent leurs recherches essentiellement sur des sources de terrain. Retracer les rapports que les hommes entretenaient avec la mort est une partie de l’archéologie qui nous renvoie aux habitudes culturelles d’une époque donnée. Ces habitudes changent selon l’évolution des mentalités. D’où l’importance des études archéologiques funéraires pour retracer notre passé.

Explorer le monde complexe des rites liés à la mort, c’est se plonger dans l’histoire passionnante des mentalités et découvrir les permanences, les variations ou les ruptures des discours tenus sur la mort au fil des siècles. Car, ces rites ont toujours pour finalité de faire disparaître le corps mort de la manière la plus efficace possible, en fonction des croyances de chaque époque.

Pour les périodes les plus anciennes, en particulier pour les civilisations sans écriture, l’archéologie est notre seule source d’information. Elle nous permet de saisir à travers les vestiges matériels laissés par les hommes (sépultures, mobilier funéraire, dépôt d’offrandes, stèles marquant l’emplacement de la tombe) leurs croyances et le rituel qui environne la mort. Des premières sépultures de la fin du Paléolithique aux premières nécropoles des populations sédentaires du Néolithique, des rites funéraires romains à ceux du début du Moyen Age, tout un monde de pratiques, de mythes et de croyances organisent et ritualisent le passage des défunts vers l’au-delà.

L’Antiquité romaine.

Les romains n’avaient, jusqu’au IIe siècle environ, qu’un seul rite dominant : l’incinération, les restes brûlés étaient ensuite insérées dans une urne funéraire à cet usage puis enterrés. Cette pratique funéraire tendait à remplacer l’inhumation, pratique celte du nord de la Gaule mais au second siècle l’inhumation réapparaît depuis l’Orient. La nouvelle pratique se développe dans des villes comme Lugdunum (Lyon) et c’est alors que la production des sarcophages et autres contenants s’amplifie. Les deux modes coexistent jusqu’au IVe siècle où l’inhumation prend finalement le dessus suite à l’influence chrétienne.

L’inhumation se déroulait dans une nécropole à proximité du milieu urbain mais toujours en dehors de la ville. La mort était exclue du monde des vivants au contraire du milieu rural où les nécropoles sont souvent en relation avec un lieu d’habitation. Leurs corps étaient orientés nord-sud. Les sarcophages ne sont réservés qu’aux riches familles qui utilisent le deuil pour affirmer leur richesse au travers la décoration et la nature du matériau du sarcophage, pierre ou marbre. Les autres se contentaient d’un cercueil de bois, au pire étaient inhumés en pleine terre c’est-à-dire sans aucun contenant si ce n’est un linceul. A côté du corps, les familles déposaient des objets pour accompagner le mort dans son chemin vers l’au-delà pareillement à l’Egypte ancienne. Ainsi voit-on l’obole de Charron qui consiste à déposer une pièce de monnaie dans la bouche ou la main du mort.

Les romains avaient une vision plus positive de la mort. Outre ce dépôt, on y trouvait des vêtements, de la vaisselle ou de la nourriture toujours pour accompagner le mort dans son voyage, dernière preuve de l’amour des vivants pour l’être décédé. Le IIIe siècle est celui des invasions barbares, c’est-à-dire des peuples non romains. Rome accepte leur intégration à l’empire en échange de la paix et de services militaires. L’armée romaine était ainsi composée de Germains, de saxons ou autres qui ont amené avec eux leurs propres rites funéraires. La religion chrétienne va tenter d’uniformiser la pratique funéraire en combattant les diversités des rites devenus païens.

La christianisation.

Avec l’essor du christianisme, l’Eglise va se battre contre les pratiques païennes dès le VIe siècle. L’Eglise élabore des rites précis réglementant la mort, insère la séparation entre l’Enfer et le Paradis et surtout donne aux consciences le sentiment d’un accompagnement spirituel garant de la survie du défunt : répondre aux angoisses et s’occuper des morts pour mieux convertir les vivants. Mais, l’évangélisation de la France ne sera achevée qu’au XIe siècle.

Les nécropoles d’origine antique sont alors peu à peu abandonnées au profit du schéma classique encore connu aujourd’hui du regroupement des corps autour de l’église. Plus on est enterré près de l’autel, plus on aura droit au salut de son âme, ainsi les plus riches réservent leur place aux limites des murs de l’église, voir sous l’église même.

Les signalisations des tombes ne sont pas forcément plus marquées après le XIe siècle bien que les pierres tombales apparaissent aux XIIe – XIIIe siècles. Mais, la présence d’une grande croix au centre du cimetière donne à l’espace le symbole d’un lieu de refuge dominé par la spiritualité chrétienne.

L’intérêt des reliques est de poursuivre la mémoire d’un Saint au travers de son culte et de fédérer une population autour de valeurs communes. Si la relique est précieuse et qu’on lui attribue des miracles, elle attire les fidèles en pèlerinage, celui de Saint Jacques de Compostelle en Espagne est l’un des plus connus.

La perception de la mort change dans les mentalités et certaines pratiques ne sont pas forcément des plus « chrétiennes ». C’est ainsi que même en milieu rural, la réalité populaire marque l’écart avec les exigences de l’Eglise. Les hommes des époques médiévales et surtout modernes (jusqu’au la fin du XVIIIe siècle) considèrent le cimetière comme un lieu de vie. On y danse, on y joue, on s’y rencontre et on pratique parfois sur les tombes certains plaisirs de la vie.

Au Moyen Age, donc, l’Eglise devient la grande ordonnatrice des funérailles, dont elle canalise les pratiques en rassemblant les tombes dans et autour des chapelles et églises en terre consacrée. La fin du XVIe et le XVIIe siècle voient se déployer un cérémonial baroque d’une complexité où la mort est théâtralisé et mise en scène pour l’édification chrétienne des vivants.

Ce n’est qu’à partir de la fin du XVIIIe siècle que la mort se sécularise progressivement, avec le développement de grandes nécropoles urbaines en périphérie des agglomérations. Ces « villes des morts » constituent dès le milieu du XIXe siècle, à travers l’architecture multiforme de leurs monuments, leur décor chargé de symboles d’une grande diversité, les thèmes déployés par un art funéraire de qualité, un reflet du monde des vivants et de l’organisation sociale de leur temps.

Dans les campagnes du XIXe siècle, on tente de canaliser la mort dans un code préétabli qui la ritualise à l’extrême et assure au défunt un bon « passage » vers l’au-delà, mais aussi une survie dans l’imaginaire social, où s’expriment aussi de nombreuses superstitions et légendes. Le décès de l’un des siens est souvent, pour la communauté villageoise, un moment privilégié pour marquer son unité et resserrer les rangs face au caractère inéluctable de la séparation.

La Toussaint.

La Toussaint est une fête chrétienne, dont l’Eglise catholique a fixé la date au premier novembre en 835. Depuis, chaque année, la Toussaint célèbre Dieu et tous ses saints martyrs. Le choix de la date n’est pas innocent, l’Eglise Catholique encore jeune cherchait ainsi à évincer la fête païenne célébrée ce jour-là.

Le premier novembre était en effet l’une des quatre grandes fêtes des nations païennes du nord de l’Europe, la Saint-Sylvestre celtique, le dernier jour de l’année, suivi du jour de l’an : Samhain. Les Irlandais émigrés en masse aux Etats-Unis lors de la grande famine du milieu du XIXe siècle ont apporté avec eux leurs légendes, et en Amérique, Samhain est devenue Halloween. Selon les Celtes, cette nuit du premier novembre qui enterrait l’année voyait revenir les esprits et autres fantômes pour hanter les maisons des vivants. Ceux-ci plaçaient une petite lumière à l’abri dans un navet devant leur porte, ainsi que des aliments, pour chasser les revenants. Le navet est devenu citrouille en Amérique du Nord où Halloween est fêtée par petits et grands depuis longtemps.

La mode est arrivée en Europe où la Toussaint, devenue Halloween pour les plus jeunes malgré qu’Halloween se déroule en fait la veille, s’écarte de plus en plus de la religion. Désormais, les citrouilles rivalisent chaque année avec les chrysanthèmes dans les grands magasins la dernière semaine d’octobre. Il faut préciser que la Toussaint est une fête catholique, en l’honneur de tous les saints du panthéon catholique mais elle n’est pas reconnue par l’ensemble du christianisme.

Les protestants ne fêtent pas la Toussaint car ils ne reconnaissent pas l’autorité de la croix, du saint suaire ainsi que la Vierge Marie ou du Saint Père. La Toussaint, célébrée dès les origines de l’Eglise Catholique, est donc une fête qui rend hommage avant tout à ses martyrs. Cette fête religieuse fut créée au début du VIIème siècle par le pape Boniface IV, qui dédia le Panthéon de Rome à la Vierge Marie et à tous les saints martyrs. Rome était devenue chrétienne et il était temps d’effacer les traces des anciens dieux. Le pape Boniface, quatrième souverain pontife, débarrassa le temple de toutes ses idoles, et, le 3 mai de l’année 605, le consacra à la Vierge Marie et à tous les martyrs, le rebaptisant du nom de Sainte-Marie aux Martyrs. La Toussaint fut alors fixée au 13 mai, jusqu’en 835, date à laquelle le pape Grégoire IV instaura la date du premier novembre pour sa célébration afin d’appliquer la politique ecclésiastique de l’époque. Plus prosaïquement, la date correspondait également à la fin des vendanges et les moissons. Les fidèles, libérés de leurs travaux, pouvaient venir en foule pour célébrer les saints martyrs.

Au XIe siècle, on fit suivre la Toussaint du jour des morts, jour de commémoration de tous les défunts. L’origine de la Toussaint vient également d’un archevêque de Gênes, Jacques de Voragine, à qui l’on doit la « légende dorée » au XIIIe siècle. L’ouvrage relate la vie des saints illustres avec quantité de miracles et de faits surnaturels dont le Moyen Age était friand. Il a connu un grand succès car il permettait aux croyants de s’attacher aux saints martyrs fêtés lors de la Toussaint. Notons enfin que la Toussaint en France reste l’une des quatre fêtes chômées depuis le Concordat de 1801.