Vivre, mourir, revivre

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Document 12 : Ce qui donne un sens à la vie, c’est la mort.

Nous sommes le seul animal à savoir qu’il va mourir tôt ou tard d’une façon ou d’une autre. La mort marque en fait la limite de notre vie et par conséquent l’imperfection de notre existence. Cette connaissance de la mort est très importante car elle a été quelque part la base de toute approche religieuse. En effet, l’homme est ainsi fait que lorsqu’il est en face d’un problème, il ne peut s’empêcher d’en chercher la solution. Ainsi, peut-on supposer que lorsque l’homme s’est retrouvé confronté pour la première fois à la connaissance de la mort, il s’est demandé pourquoi il devait mourir ; et, que sa réponse, il la trouva dans la religion.

La seule qui triomphe, c’est la mort.

Pourtant, chacun de nous doit mourir. C’est la conclusion normale et sans surprise de chacune de nos vies. Admettre la mort comme fin de toute chose n’a cependant jamais été évident pour l’homme. C’est donc de cette façon que s’est posé la question de la vie après la mort : « Tout est-il terminé avec ma mort ? Y a-t-il au-delà après la mort ? Le souvenir n’est-il pas la seule façon finalement de triompher de la mort ? »

La mort est l’arrêt des fonctions vitales de l’organisme. La mort se caractérise essentiellement par un ensemble de signes cliniques objectifs : arrêt de la respiration et de la circulation, perte de la sensibilité et des réflexes, relâchement des sphincters, refroidissement progressifs du corps, apparition de la rigidité cadavérique (+/- 72 heures), décomposition des organes et des muscles. Détail curieux, perte directe de 21 grammes dans les instants qui suivent la mort.

Mais, les progrès de la science permettent souvent d’entretenir artificiellement, chez un patient privé de conscience (mort cliniquement), les fonctions cardiaque et respiratoire afin de permettre le prélèvement d’organes. Il n’est donc plus possible dans ces cas de se référer aux signes classiques de la mort. C’est pourquoi les définitions modernes de celle-ci sont fondées sur l’absence, à plusieurs examens pratiqués à distance l’un de l’autre, des signes électriques cérébraux (recueillis par l’électroencéphalogramme) qui témoignent de l’activité des centres nerveux.

Bien que la mort semble être un phénomène caractéristique de tout le monde biologique, sa définition courante ne peut s’appliquer aux protozoaires et aux métazoaires inférieurs, qui sont capables de se reproduire indéfiniment par scission. Ces êtres devraient, de ce fait être considérés comme immortels, de même que les lignées des cellules germinales des êtres supérieurs. De plus, si on se permet de considérer l’ovule et les spermatozoïdes comme une sorte de vie, la vie ne se serait donc jamais arrêtée depuis sa création. La mort serait ainsi liée au simple fait que nous sommes constitués à partir d’atomes de carbone qui finissent par s’user comme les mines de crayon.

La mort revêt aussi un aspect légal. Le décès d’une personne doit être signalé à l’officier de l’état civil dans les vingt-quatre heures. Les entreprises de pompes funèbres sont les seules autorisées par l’état pour organiser des funérailles et elles ne peuvent procéder à l’inhumation ou à l’incinération qu’au vu d’un permis d’inhumer délivré par un médecin. Celui-ci est chargé de constater le décès. Et, il lui revient de refuser le permis d’inhumer en cas de mort suspecte, pour permettre éventuellement une enquête de police. De même, si seules les pompes funèbres sont autorisées pour organiser des funérailles, c’est pour éviter de nombreuses fraudes, vols ou trafics divers.

Les différentes pratiques funéraires, rites ou sacrements, reflètent la diversité des attitudes de l’homme envers la mort. Elles correspondent généralement à la croyance très ancienne que le décès n’est pas un total achèvement. Il convient de rappeler que l’inhumation a été pratiquée par les néandertaliens il y a cinquante mille ans. Certaines traditions belges proviennent donc d’un passé beaucoup plus ancien que la Gaule romaine ou même celtique.

La plupart de ces coutumes ont pour but de faciliter le passage du défunt du monde des vivants à celui des morts (ainsi que tous les usages destinés à empêcher le diable ou les mauvais esprits de s’emparer de l’âme du mort, tels qu’on les rencontrait dans les traditions de la paysannerie), éventuellement de faciliter sa survie dans l’Au-delà (comme dans l’Egypte ancienne), de lui permettre d’accéder pur au royaume des cieux (c’est le rôle du sacrement d’extrême onction).

Mais, les rituels funéraires s’expliquent par la crainte éprouvée par la communauté envers les morts : crainte d’une contagion de la mort et surtout que l’âme du mort, attachée à la Terre, ne vienne troubler les vivants. Ainsi, l’entourait-on de ses parures, de ses armes, voire de ses serviteurs immolés. On désirait, par ces largesses, obtenir sa protection. Le premier novembre marquait en Gaule le début de l’année et des semailles. On sollicitait le jour avant les morts, détenteurs de toute puissance, par une fête pour tous les morts. Il y a de cela plus de 2.500 ans.

Les caractères des obsèques – cortèges, processions de pleureuses (comme dans les pays méditerranéens) ou de musiciens (comme en Amérique latine), banquets, deuil des parents ou des proches – répondent à cette double intention. Au delà des cérémonies immédiates, le respect dont on honore les morts, les cultes, les fêtes qu’on leur consacre non seulement témoignent de la fidélité du sentiment et de la puissance des croyances ; mais, contribuent vivement à la force du lien social. La Rome ancienne, l’Europe médiévale, le Japon traditionnel, certaines tribus mélanésiennes en offrent des exemples remarquables. La philosophie existentielle a remis à l’honneur la méditation sur la mort.

Que l’homme soit un « être-pour-la-mort », ainsi que le dit Martin Heidegger, constitue sa singularité absolue, et la conscience qu’il en a peut justifier tout le sens de sa vie. Assurés de l’immoralité, que serait pour nous l’urgence d’exister ? Ainsi s’interroge Simone de Beauvoir dans « Tous les hommes sont mortels ; » Telles sont certaines interrogations philosophiques. Mais, pour l’immense majorité des hommes, l’instinct de conservation a le dernier mot et leur ferait préférer la vie, fût-ce « sous la peau d’un veau », comme le dit Rabelais. C’est ce qui rend insupportable le spectacle des camps d’extermination de la Seconde Guerre Mondiale et qui justifie les indignations universelles contre toute forme de génocide. Et, pourtant, la natalité galopante de notre époque nous amène à poser le problème de la mort avant la naissance. La religion catholique s’y refuse, mais accepte déjà la crémation, devant l’encombrement catastrophique des cimetières des grandes villes. La population mondiale conduira sans doute tôt ou tard à quelque révision déchirante des convictions les plus respectables concernant la multiplication de la vie.