Vivre, mourir, revivre

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Document 9 : Quand l’amour brûle le cœur.

Fin mai 1941, un long convoi se dirige comme tant d’autres déjà vers le sinistre camp de concentration d’Auschwitz. Un franciscain, le Père Kolbe, est dans un des wagons, serré, entassé avec d’autres. Prisonnier de guerre, évadé, résistant, il a été trahi et arrêté le 17 janvier 1941. Après cinq mois d’enquête continue, la Gestapo l’envoie dans l’enfer d’Auschwitz.

Là, c’est le travail jusqu’à l’abrutissement, les coups, la faim, le froid, les épidémies. Parfois en plein hiver, des 3.000 partis au travail le matin, il n’en revient le soir que la moitié ! Un kilo de pain, un litre d’eau pour quatre. Les blocs sont surpeuplés. On ne peut dormir qu’assis. Le Père Kolbe est tout spécialement persécuté parce qu’il est prêtre. Pour lui, on multiple les corvées. Pourtant, au milieu de ses souffrances, il sait réconforter les autres. Il ne perd jamais courage, donne souvent son pain aux plus faibles. De plus, – et c’est un miracle dans ce camp de la mort, – on le voit conserver son sourire.

Au début du mois d’août, un prisonnier du bloc n°14 a réussi à s’enfuir. Comme ses compagnons, le Père Kolbe a entendu les paroles de Fritsch, l’officier SS : « Si ce soir, l’évadé n’est pas retrouvé, dix d’entre vous mourront à sa place dans les bunkers de la faim. » Les prisonniers connaissent ces cellules humides et sombres où, déjà, ils ont vu partir tant de leurs camarades. Là, on est condamné à mourir de faim et de soif.

Le lendemain, le fugitif n’est pas revenu… Ceux du bloc n°14 resteront la journée entière debout en plein soleil. Le soir vient et l’évadé n’a pas été repris. Fritsch s’est avancé, furieux : « Dix hommes sont condamnés à mourir de faim. » Dans un silence de terreur et d’angoisse, chacun le regarde faire son choix. Aux côtés du Père, deux malheureux viennent d’être désignés. L’adjoint de Fritsch a noté le numéro de matricule du dernier d’entre eux : 16.674. Le Père Kolbe voit le visage de son compatriote François Gajowiczek défiguré par la peur et il l’entend s’écrier en sanglotant : « Oh, ma femme et mes enfants que je ne reverrai jamais… »

Il n’y tient plus. Il se fraie un passage à travers ses camarades. Il s’avance vers Fritsch qui recule et dégaine son revolver.

– Que me veux-tu, cochon de Polonais ?

– Je veux mourir à la place d’un de ces hommes.

– Et, pourquoi ?

– Je suis seul, tandis que sa famille a besoin de lui.

– Qui es-tu ?

– Je suis un prêtre catholique.

– Pour qui veux-tu aller ?

Et, François Gajowiczek raconte : « Le Père Kolbe s’est alors tourné de mon côté et m’a montré du doigt. Je ne pouvais y croire. Il m’a regardé. Je l’ai regardé. Ce fut notre adieu. » Le n° 16.674 a rejoint son rang. Le Père Kolbe s’est avancé vers les condamnés. Il soutiendra jusqu’à la mort ses compagnons au milieu de leurs souffrances. Le Père succomba le dernier, la veille de l’Assomption.