Vivre, mourir, revivre

posted in: Religion 2ème | 0

Document 14 : Encore un suicide chez les ados.

Victor, 14 ans, s’est donné la mort le mercredi 24 octobre 2013, en province de Liège. Comment des jeunes en arrivent-ils à poser un tel geste ? Et comment les en empêcher ?

« Repose en paix, Victor. On t’aime tous. » Le mercredi 24 octobre 2013, Victor 14 ans, s’est donné la mort chez lui à Fraiture, dans la commune de Tinlot. Il s’est suicidé avec le fusil de chasse appartenant manifestement à son papa, juge au palais de justice de Huy. Etudiant en troisième secondaire à l’athénée de cette même ville, l’adolescent ne semblait rencontrer aucun problème. La nouvelle a donc créé un électrochoc dans l’école. « Certains élèves étaient au courant le jour-même, d’autres venaient de l’apprendre ce jeudi matin », souligne le préfet. « L’information avait déjà circulé par sms ou via les réseaux sociaux comme Facebook. Tous les étudiants étaient effondrés, ils sont tombés dans les bras les uns des autres. »

Au lendemain du drame, la direction de l’établissement s’est rendue dans la classe du jeune homme pour confirmer les faits. Une cellule d’aide la Fédération Wallonie-Bruxelles a été mise en place. « Deux psychologues ont rencontré les élèves de manière groupée. Ce travail se poursuivra individuellement pour ceux qui le souhaitent. » D’autre part, étudiants et professeurs ont dû épauler une rhétoricienne qui a appris jeudi dernier que sa sœur s’était suicidée avec des médicaments. Sur une même journée, « seuls des pleurs résonnaient » dans l’école hutoise.

Peu avant le geste fatal de son fils, la mère de l’adolescent a eu un contact avec le personnel de l’établissement « pour une raison d’agenda. » « Elle m’a demandé comment ça se passait avec lui », précise le préfet. « Je lui ai répondu que je le trouvais souriant et plus épanoui que l’an dernier, bien dans sa peau. Les deux premières années, il était en effet plus turbulent. C’était un élève sans problème. On n’a vraiment rien vu venir. Il avait rentré tous ses travaux de mathématiques. Rien ne laissait présager ce qui s’est passé. » Forcément, les différentes activités prévues au sein de l’athénée, comme les deux concerts, la pièce de théâtre et la soirée des rhétos, ont été annulés.

Les suicides impliquant des (pré)ados semblent de plus en plus fréquents. « En Belgique, ils représentent la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 25 ans après les accidents », selon le Centre de prévention du suicide et d’accompagnement « Un pass dans l’impasse », actif en Wallonie. Ou plutôt la première cause de décès « importante » chez les jeunes, selon le pédopsychiatre et docteur en psychologie clinique de l’enfant et de l’adolescent à l’Université de Liège (ULg) Jean-Marie Gauthier. Selon lui, 15 à 16 % des dépressions chez les ados ne sont pas traitées. « Ce malaise résulte d’une accumulation de petits faits qui en eux-mêmes suscitent l’angoisse. Plusieurs facteurs, biologiques, sociaux et relationnels, entrent en ligne de compte. Souvent, les adultes pensent que les adolescents ont la vie devant eux, mais eux ne se projettent pas dans l’avenir. Ils doivent d’abord sortir du projet de leurs parents pour se créer le leur. »

Ce mal-être est difficile à détecter. « C’est très masqué, même si les jeunes ont tendance à s’agiter davantage à l’école. Il n’y a pas d’âge particulier chez les garçons. C’est critique en permanence. Les filles, elles, y sont plus sujettes entre 14 et 16 ans. » Toujours selon le spécialiste, les jeunes n’ont pas d’avis sur la mort. « Un adulte pense aux conséquences de son décès, par exemple au fait de laisser ses proches dans la douleur. Un ado n’aura pas la même vision, parce qu’il vit dans l’immédiat, sans se préoccuper des implications de l’acte qu’il posera. »

D’après les chiffres en Région bruxelloise pour 2011 et 2012, on comptabilise 5,2 suicides pour 100.000 jeunes filles âgées de 10 à 19 ans et 0,8 chez les garçons de la même tranche d’âge, selon le centre de prévention du suicide actif à Bruxelles. Ce même centre de prévention a recensé plusieurs facteurs de risques auxquels les jeunes sont sensibles : rupture amoureuse, décès d’un proche, abus sexuels, inceste, suicide ou tentative de suicide d’un proche, harcèlement, dévalorisation, violence, manque de reconnaissance, situation familiale perturbée, échec scolaire, … Il existe des signes avant-coureurs, comme le repli sur soi, les colères répétées, les réactions agressives, le comportement rigide ou encore l’apathie. Certains adolescents se sentiront tellement terrorisés, honteux et coupables à l’idée de décevoir leurs parents qu’ils préféreront disparaître plutôt que de leur infliger un échec. Il a même été prouvé scientifiquement que des bébés qui n’arrivaient pas à créer un lien avec leur maman pouvaient se laisser dépérir par désespoir. En cas de problème avec un adolescent, il faut donc dialoguer avec lui en prenant soin de l’écouter. Il faut lui livrer un message d’espoir avant de l’orienter vers un spécialiste avec lequel il pourra parler librement et se faire soigner.