Vivre, mourir, revivre

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Document 6 : Le secret du médaillon.

Sophie Berdanska était gouvernante de son métier. Ses appointements faisaient vivre une maman ainsi que son frère. Et cela marchait comme cela pouvait. Mais, ses élèves avaient grandi : une gouvernante, cela ne suffisait plus, il fallait le collège. Sophie se trouva donc congédiée.

Avait alors commencé la chasse douloureuse à une situation quelle qu’elle soit. En Pologne, à ce moment, la fameuse « crise » financière à laquelle aboutissaient toutes les conversations et tous les soucis, était là comme ailleurs. On élevait ses enfants soi-même et bien des familles bourgeoises ne prenaient même plus de servante. Sophie Berdanska sentait son cœur s’arrêter de battre quand elle pensait que bientôt le pain manquerait à la maison.

Enfin, un jour, elle trouva une bonne place. Mais, voilà, il y avait un « mais ».

– Vous êtes… vous êtes… enfin, vous n’êtes pas juive ? lui demanda sa future patronne.

– Non, madame.

La dame réfléchit : cette gouvernante avait de si bons certificats. Elle se contentait de si petits gages. Puis, elle lui était sympathique… Enfin, ce qu’elle n’avouait pas, c’est qu’elle en avait vu défiler déjà un si grand nombre qui, toutes, étaient parties brusquement…. Elle fut honnête et avoua à la jeune fille la vérité :

– C’est que, voyez-vous, la place est difficile. Je suis dans le commerce. Je n’ai pu m’occuper des petits et c’est ma belle-mère qui fait marcher la maison. Elle les a un peu gâtés : ils sont très capricieux !

Mais, la pauvre fille ne sourcilla pas. Elle n’allait pas faire la difficile puisqu’on lui offrait un gagne-pain dont elle avait absolument besoin. La patronne alla plus loin :

– Je fais le sacrifice de prendre une catholique, mais c’est à une condition : vous devez me donner votre parole d’honneur que mes enfants ignoreront votre religion. Vous ne leur en parlerez jamais : je ne veux pas de propagande chez moi et je ne veux rien qui les ébranle dans leur foi messianique.

Les semaines avaient passé. Sophie avait juré, elle se taisait. En revanche, Madame Hertein permettait à Sophie d’aller à la messe le dimanche. Sophie avait vraiment besoin de sa communion hebdomadaire pour faire marcher les quatre garnements qui, toute la semaine, lui menaient la vie dure. Le soir même qu’elle avait accepté la place, la jeune fille avait sorti d’un vieux coffret un médaillon. Dans le médaillon, elle avait glissé quelque chose et le médaillon ne la quittait jamais. Souvent, les enfants demandaient à l’ouvrir. Mais, la jeune fille, effrayée, retirait le petit rond en métal : « C’est mon secret, mes chéris, n’y touchez pas. » Et les mois passèrent.

Peu à peu, un bouleversement pacifique avait gagné le foyer Hertein. Les enfants obéissaient. Ils commençaient à respecter leurs parents. Madame avait parfois habillement questionné les enfants. Mais non, la gouvernante avait tenu parole. Elle n’avait rien dit et personne ne se doutait de quelle religion elle faisait partie.

Un jour, le malheur fondit sur la famille. Le petit Haïm – l’avant-dernier – tomba malade d’un mal terrible. Le médecin ne prononça pas de nom mais il parla d’isolation et de contagion possible. Alors, Sophie s’avança au-devant de Madame Hertein :

– Madame, permettez-moi de m’isoler avec Haïm.

Bientôt, deux des autres enfants tombèrent malades eux aussi. D’un chevet à l’autre, la jeune fille inlassablement, sans songer à elle, se mit à soigner. Elle pria aussi. Elle fit tant et si bien qu’après bien des semaines, les petits furent déclarés hors de danger. Mais, ce fut elle qui fut prise par l’horrible mal. Elle est morte à l’hôpital de Varsovie. Trois ans plus tard, au jour anniversaire de sa mort, la famille Hertein a communié en son honneur à l’église Saint-Alexandre. Ils se sont tous convertis.

Qui a fait ce miracle ? Sophie Berdanska n’avait pourtant jamais parlé du Christ. Mais, elle avait servi, servi de toutes ses forces. Et, son secret ? Les enfants l’on su quand les yeux se furent clos pour toujours dans le visage tuméfié, ravagé par le « mal contracté en service » comme disent les communiqués de guerre et que les parents ouvrirent le médaillon mystérieux. Dedans, il y avait un papier plié en huit. En haut, une croix tracée à l’encre, et, au-dessous cette résolution : « Puisqu’on me défend de parler de ma religion, je veux en vivre. »