Dire oui au bien et non au mal

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Document 3 : La responsabilité à la recherche du bien.

De nos jours, on est bien plus sensible à l’aspect global et unitaire de l’action humaine, qui est toujours celle d’une personne invitée à répondre à l’appel de la personne du Christ. De même, on comprend bien mieux la complexité du réel humain, obligeant souvent à des solutions de compromis pour sauvegarder l’essentiel. D’où l’importance donnée aux différents aspects de la responsabilité qu’elle soit individuelle (cfr. Aristote) ou collective (cfr. Lévinas). Toutefois, le fond du problème demeure le même : comment concilier l’aspect objectif (cfr. Les 10 commandements) et l’aspect subjectif (la conviction qui commande la décision) de la morale, en évitant autant l’excès de l’objectivisme ou de légalisme moral que celui du relativisme, que serait par exemple une morale de pure situation ne reconnaissant aucun critère objectif de moralité et de justice (où tout pourrait donc se justifier dans une anarchie totale).
Par ailleurs, même si on est conscient que la liberté commence avec la responsabilité (autrement dit le respect des autres), il est de plus en plus évident que l’aspect objectif lui-même de la responsabilité (où est le bien, où est le mal selon la loi morale ?) n’est pas toujours nettement délimitable dans le temps et dans l’espace (où commence le bien, où finit le mal, le monde fonctionne en dépit du mal ou le contraire ?) ni immuable (pourquoi certains actes jugés comme bon jadis sont maintenant mauvais comme dans l’affaire Dreyfus, ou la pédophilie ?). Nous ne pouvons donc oublier que la responsabilité n’est pas tant un donné, rigoureusement fixé une fois pour toutes, mais une tâche, une vocation à réaliser, s’exprimant par des orientations générales laissant à l’homme le soin d’en tirer des conclusions pratiques ou des applications propres et variables selon les diverses cultures au cours de l’histoire. Ce qui était considéré comme moral en milieu chrétien, et cela pendant de longs siècles, comme par exemple l’esclavage quasiment justifié par l’Eglise, ne l’est plus de nos jours, sous l’effet d’une meilleure perception de la dignité humaine. De même, il suffit d’évoquer quelques exemples significatifs pour démontrer qu’il n’y avait pas accord des spécialistes pour apprécier où était objectivement le bien et le mal (le permis et le défendu).
Si tout le monde était d’accord pour condamner l’homicide et pour voir dans le commandement « tu ne tueras pas » un grave précepte du décalogue repris par toutes les démocraties, par contre on admettait, y compris dans la Bible, de nombreuses exceptions dans lesquelles l’homicide n’était plus un mal, mais pouvait être commandé par une vertu morale : la justice pour le meurtre de l’injuste agresseur, la justice distributive pour la peine de mort, le patriotisme pour la guerre dite juste. On ne peut tout de même pas oublier qu’à longueur de siècles, on s’est gaillardement entre-tué entre chrétiens, durant des guerres et des révolutions, chacun étant persuadé d’être objectivement dans un état de légitime défense. La théologie la plus classique n’enseigne-t-elle pas que l’on doit tuer, si c’est nécessaire, pour défendre la patrie ? Et que doit-on penser de l’acceptation de la torture par les hommes d’Eglise, du temps de la sainte Inquisition, comme moyen d’obtenir des aveux ? Et, il en va de même dans la plupart des autres domaines : l’interdiction du mensonge disparaît devant l’obligation du secret sacramentel (où mentir peut alors devenir un devoir si c’est l’unique moyen de sauvegarder le secret), sans parler des subtilités de la « restriction mentale ». En matière de vol, la situation de grave nécessité en fait disparaître l’immoralité, etc.
Aussi, face à toutes ces exceptions, il faut bien admettre que le bien et le mal sont souvent mêlés inextricablement. Les moralistes ont donc été obligés de formuler un certain nombre de principes pour permettre la recherche des responsabilités.

a. Le principe du « volontaire in causa ».

L’automobiliste qui, sachant que sa voiture est en mauvais état au point de s’exposer à ne pas rester maître, provoque un grave accident routier qu’il n’a pas voulu et le déplore, en est néanmoins responsable « in causa » dans sa négligence initiale (y compris le conducteur qui n’est pas en état de conduire). La cause de l’acte, plus ou moins lointaine, a été acceptée ou voulue en son temps (ne serait-ce que par négligence). La responsabilité de la cause rejaillit donc sur l’effet.

b. Le principe de la cause à double effet.

Une action (cause) peut provoquer deux effets, l’un bon, l’autre mauvais. Un exemple typique d’application de ce principe est celui où une médication particulière ou une intervention chirurgicale (par exemple, l’ablation d’un cancer de l’utérus), directement destinée à sauver la vie de la mère, provoquerait indirectement la mort du fœtus. La conséquence peut paraître dure à accepter mais, si la mère n’avait pas été sauvée, on aurait obtenu comme résultat la mort de la mère et de l’enfant. Toute l’ambiguïté de la situation est donc ainsi résumée : un principe moral est, en effet, fait pour protéger la vie et la personne humaine. Or, dans le cas évoqué ici, l’application d’un principe interdisant tout avortement aboutirait au contraire à la mort de deux personnes. Le préservatif, par contre, est un autre exemple assez concret de ce principe. Il empêche à la fois la vie et la mort. C’est ce principe qui doit être pris en considération lorsqu’on utilise le préservatif.

c. Le principe de totalité.

Vu que le tout n’existe que par l’ensemble des parties, son intégré et sa défense peuvent exiger le sacrifice de l’une ou l’autre partie. L’exemple classique de ce principe est offert par le cas de la mutilation d’un membre du corps humain (telle une jambe gangrenée), si elle est nécessaire pour sauver la vie de l’organisme total. Ici, on dépasse les limites du principe de la cause à double effet car la mutilation est en soi un mal, et cependant elle est voulue comme telle comme moyen de conserver la vie. Si le problème est relativement clair quand il s’agit de la totalité physique d’un être humain, il est bien plus délicat quand il s’agit d’un être moral ou social. C’est ainsi le cas jugé légitime par la morale classique et évoqué plus haut de la guerre. Il est clair que si ce principe solutionne bien des cas, il le fait en opposition avec un autre principe sur lequel il est dangereux de transiger : la fin ne peut justifier les moyens.

d. Le principe de la personne.

C’est finalement dans cette voie qu’il faut chercher le critère suprême de moralité : la promotion et la défense de la personne humaine. La défense et la valorisation de la personne humaine, dans ses caractéristiques propres, sont les critères fondant une vraie hiérarchie des valeurs. Aussi, la solution éthique la meilleure ou la moins mauvaise sera évidemment celle qui respectera le mieux la personne humaine intéressée, qui lui permettra de mieux réaliser sa vocation. Si la vocation profonde de la personne est d’aimer, de vivre un échange communautaire où chacun reçoit, et de vivre cet amour comme une participation à l’amour divin, alors l’amour est bien le critère ultime du bien et du mal. Non pas que l’amour dispense de toute règle morale, mais au contraire devant s’incarner dans la condition humaine et les lois qui la règlent, comme par exemple de la justice, l’amour n’a de sens que dans la mesure où il anime et intériorise l’observation d’une règle morale. Alors, à ce moment-là, celle-ci n’est plus observée comme une contrainte légale, une pure obligation, mais elle l’est librement, par un assentiment amoureux. En ce sens l’amour rend libre, c’est-à-dire qu’il fait naître au plus profond de nous-mêmes la décision, qui dans certains cas pourrait être un dur renoncement.