Dire oui au bien et non au mal

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Document 7 : Fuir ou assumer se responsabilités : quelques exemples.

Face à nos responsabilités, il existe des dérobes, des bons prétextes, les astres, le diable, la prétendue volonté de Dieu… Ces dérobades nous déresponsabilisent. Or, l’histoire, l’actualité et la vie quotidienne fournissent aussi des exemples de personnes authentiquement responsables. Devant une situation difficile, elles ont « répondu », sans détour, à un outrage, à une injustice, à un appel. Voici quelques exemples de certaines de nos attitudes.
« Nous rendons coupables de nos désastres le soleil, la lune, les étoiles – comme si nous étions coquins par fatalité, bêtes par contrainte céleste, chenapans, voleurs et perfides de par un signe qui nous gouverne, ivrognes, menteurs et adultères par docilité obligée à l’ascendant de quelque planète et, en un mot, jamais porté au mal que si un dieu nous y mène. Quel admirable alibi, pour ce maître ruffian qu’est l’homme, d’aller mettre son tempérament de bouc à la charge d’une étoile. » Ainsi, avec une lucidité qui n’a pas vieilli, Shakespeare analysait-il la dérobade des hommes devant leur responsabilité (Le Roi Lear, Acte 1, sc. 2). Depuis toujours, les hommes cherchent, en effet, dans la voûte céleste une réponse pour expliquer leurs comportements. Mais, entre l’observation de l’influence des cycles de la lune ou des saisons sur notre humeur, sur notre fatigue et la certitude que les astres nous poussent à agir de telle ou telle manière, il n’y a qu’un pas, trop souvent vite franchi. Ils sont nombreux, en effet, à jeter un coup d’œil à leur horoscope, à consulter les voyants. S’agit-il pour eux de chercher à comprendre les variations de leur humeur, ou bien de se décharger des responsabilités de leur vie sur des forces qui les dépassent ?

La réincarnation.

Croyant que l’être humain mène successivement plusieurs vies en changeant de corps, beaucoup de nos contemporains interprètent certaines images mentales ou certains phénomènes psychiques comme des réminiscences d’existences précédentes. L’être humain n’est, pour eux, habituellement pas conscient de ses autres vies, mais cette mémoire l’habite néanmoins et marque de son empreinte, comme l’inconscient, ses paroles et ses actes. La croyance en l’inconscient s’accompagnant souvent de l’idée que chacun doit accomplir une sorte de destin écrit à l’avance, la volonté humaine voit son champ rétrécir considérablement. J’agis donc parce que je dois le faire, car c’est écrit, c’est mon destin ; une force en moi, en effet, me pousse à parler, à agir de telle manière. Je n’y peux rien, je dois payer pour des erreurs commises dans des existences précédentes.

Le diable.

Il est un personnage qui semble particulièrement opportun pour endosser notre responsabilité, c’est le diable. Sans chercher à approfondir ici la question de son existence et de sa place dans la foi chrétienne, contentons-nous de souligner les conséquences morales de l’idée de possession diabolique. Celui qui se croit posséder ne répond plus de ses actes. Ce n’est plus lui qui agit, mais la force diabolique qui le contraint, lui ôtant toute liberté. Cette conviction qu’un autre agit à sa place peut sembler la seule issue à celui qui a commis un acte inhumain. Devant l’horreur inqualifiable de certains crimes, le recours à une explication d’origine diabolique n’est-elle pas là pour éviter d’avoir à affronter une insoutenable responsabilité humaine ?
Contrairement à l’idéal de la vie morale où il s’agit de chercher à faire ce qui est bien, la vie du possédé ne peut plus s’orienter vers cette quête du bien, du bonheur. Il a la conviction que celui qui le possède n’est aucunement influencé par le bien qu’il peut faire. C’est bien là que réside finalement le piège diabolique : au lieu de chercher à faire le bien, le possédé est uniquement occupé à lutter contre le mal. Le mal – le diable, le possesseur – devient l’idole qui envahit toute l’existence et ne laisse aucune place ni à Dieu ni à l’homme.

S’abriter derrière la volonté de Dieu.

Il y a enfin une apparemment très croyante de démissionner de sa responsabilité morale, c’est de s’abriter derrière la volonté de Dieu. Cette manière de se situer dans le monde n’est pas propre à une religion plutôt qu’à une autre. On peut se soumettre passivement à tous les événements en les considérant comme l’expression directe de la volonté de Dieu. On peut aussi agir en renvoyant toute la responsabilité de ses actes, fussent-ils des crimes, devant Dieu.
On rencontre des chrétiens comme des musulmans qui réagissent avec passivité, voire fatalité aux événements de la vie en les considérant comme l’expression évidente de l’intervention de Dieu. Dans ces conditions, pourquoi se soigner si la maladie est le signe que Dieu veut notre souffrance ? Pourquoi lutter contre la pauvreté ou l’injustice si l’état de la société dans laquelle on vit est voulu par Dieu ? Une forme de confiance, de soumission radicale à Dieu, si elle se conjugue avec la certitude que Dieu intervient dans la vie des hommes, pousse à se laisser porter par les événements. S’engager dans une lutte contre le malheur qui survient serait alors une forme de révolte contre Dieu. On a pu également, et on peut encore aujourd’hui, tuer ou laisser mourir sans se sentir responsable de ce qui arrive, parce qu’on voit dans la mort de l’infidèle ou du pécheur la mise en œuvre de la volonté de Dieu. On tue au nom de Dieu, sans se sentir capable de désigner son acte comme un crime, tant on est persuadé qu’en agissant ainsi on ne fait qu’obéir à un ordre divin.
Enfin, plus généralement, les attitudes de démission, d’indifférence, les comportements liés à la mode, les réflexes conditionnés sont aussi des fuites devant les responsabilités. Devant elles, les exemples de responsabilité assumée n’en paraissent que plus forts. Il existe, en effet, de multiples façons d’être responsable. Le lycéen qui se dénonce dans un chahut, le conducteur malheureux qui revient sur les lieux d’un accident, le leader d’un mouvement politique ou social, tous affirment une forme de responsabilité. Ce qui les unit tous, c’est cette aptitude – très profonde et sans doute très humaine – à prendre la parole pour dire : « Oui » ou « Non », ou : « C’est moi », ou : « Plus jamais ça ».

Quand l’affirmation de sa responsabilité est un acte politique.

L’histoire politique fourmille d’exemples d’hommes et de femmes qui ont pu renverser des situations dramatiques. Ceux-ci ont manifesté leur capacité à être responsables alors que leur vie leur apparaissait comme totalement dépendante de forces qui les dépassaient. En effet, ni les astres, ni la situation économique, ni une formation culturelle particulière n’expliquent totalement le fait que sainte Geneviève, Nelson Mandela, Ghandi, Martin Luther King, Charles de Gaulle aient pris les initiatives qui ont conduit leurs peuples sur les chemins de la liberté. Ils ont su, à un moment où l’écrasement les menaçait, s’affirmer comme responsables de leur vie, de leurs paroles et de leurs actes.
L’histoire n’est pas écrite à l’avance. La vie, les paroles d’un homme qui prend en charge sa propre vie en manifestant qu’il est en responsable peuvent en changer le cours. Dans les camps de concentration nazis ou staliniens, la part de responsabilité qu’il était encore possible d’exercer sur ses actes étaient certes très faible, à peine perceptible. Pourtant, certains témoignages nous prouvent que des hommes et des femmes ont su s’y comporter de manière authentiquement humaine, parfois au risque de leur vie. Ils se sentaient responsables de la manière dont ils partageaient ou non un morceau de pain, de la manière dont ils préservaient la dignité humaine. En prenant le risque de la responsabilité, ces hommes et ces femmes ont su, au cœur de l’adversité, exercer leur liberté.