Dire oui au bien et non au mal

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Document 8 : La morale sociale de l’Eglise.

L’enseignement de l’Eglise est souvent réduit à ses dogmes et à sa morale sexuelle… Or, il y a aussi une morale sociale, économique, politique, internationale… Elles sont trop souvent ignorées, peut-être parce que plus dérangeantes pour nos sociétés.
La morale sociale est vieille comme le christianisme. Cela commence avec les propos de Jésus lui-même sur la richesse, sur l’amour du prochain… Très vite, les Pères de l’Eglise ont relayé ces paroles. Ainsi saint Jean Chrysostome et ses interpellations aux riches. Mais, à partir de la Renaissance, estime le Père Calvez, cela s’est affadi. On s’est rallié aux valeurs du siècle. Il y a cependant toujours eu, dans l’Eglise, un intérêt pour les pauvres, que l’on qualifierait aujourd’hui d’un peu paternaliste.
Au 19ème siècle, il y a un réveil notable suscité par la Révolution française, puis le socialisme. Cette prise de conscience s’est faite d’abord à la base avec les socialistes chrétiens (Lamennais, Buchez…). S’est greffé là-dessus une réflexion plus vigoureuse, dans des petits cercles, notamment en Belgique. Cela a entraîné la prise de position majeure de Léon XIII avec l’encyclique Rerum Novarum de 1891. C’était la première synthèse de l’Eglise sur la société industrielle moderne et la question ouvrière. Des situations nouvelles y étaient abordées : le salaire, le libéralisme, le droit d’association… Commence alors un siècle d’enseignement systématique. Des thèmes reviennent souvent : la justice du salaire, la justice en faveur des plus pauvres…
Selon la doctrine sociale de l’Eglise, l’économie doit toujours s’intégrer sous la politique, car nous sommes d’abord des citoyens. L’économie n’existe pas séparée et autonome. L’Etat doit donc intervenir pour compenser ses déficits. L’Eglise maintiendra toujours cette subordination, mais en étant attentive à ce que des initiatives, même plus limitées, puissent se développer. C’est le fameux principe de subsidiarité selon lequel l’Etat doit aider les individus et non prendre leur place.
N’est-il pas aujourd’hui urgent de revoir tout le fonctionnement financier de l’économie ? Il n’est pas acceptable qu’une quantité de gens spéculent sur les flux financiers sans aucun souci éthique et mettent ainsi en péril la vie des entreprises. Le capital mérite aussi réflexion. Un trop petit nombre de gens le contrôle. Ne faudrait-il pas que les travailleurs y aient part ? Autant de domaines où l’on attend une parole d’Eglise.
Le Père Jean-Yves Calvez, spécialiste reconnu des questions sociales dans l’Eglise, a jadis publié une étude sur Marx qui fait autorité. Jusque Juin 1995, il fut rédacteur en chef de la revue Etudes, des jésuites de Paris. Il est actuellement responsable du département d’éthique publique au centre Sèvres à Paris. Selon lui, les prises de position de l’Eglise sont toujours précédées par la réflexion à la base. Ainsi, vers 1850, Mgr Ketteler, l’évêque de Mayence, avait déjà une pensée très avancée et a influencé Léon XIII précédemment nonce en Allemagne. A Fribourg, en Suisse, un groupe d’études a contribué à formuler les principes de morale sociale chrétienne. Il y avait quantité d’écoles différentes : Malines, Liège, Angers, Lille, dans nos régions.
Cette doctrine sociale a contribué, pour sa part, à changer le monde, notamment par les œuvres chrétiennes, l’Action catholique, les Patrons chrétiens… Dans les pays de chrétienté, on pouvait facilement, jusqu’à la seconde guerre mondiale, diffuser cet enseignement. Aux USA, dans les collèges, il y avait encore un cours de doctrine sociale, jusque dans les années 1960.
Dans la période troublée des années 1960-1970, la pensée de l’Eglise est apparue trop peu révolutionnaire. Mais, avec Jean XXIII et Jean-Paul II notamment, cette doctrine a retrouvé consistance. La commission « Justice et Paix » s’est distinguée ces dernières années par deux documents, l’un sur la dette du tiers monde et l’autre sur la destination de la terre.
Avec la crise actuelle du travail, s’offre une nouvelle direction à exploiter. En effet, tout ce qui est matériel est en cours d’automatisation. Cela permet à d’autres besoins de se manifester, des « services ». Ils sont immatériels, mais interpersonnels. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de possibilités de les satisfaire. Pensons aux services éducatifs, de santé, aux soins de la personne. La notion même du travail change donc, elle s’humanise. Le travail matériel était fatiguant ; le travail « service » est plus exigeant relationnellement et on en a parfois peur.
D’autres domaines peuvent aussi être abordés par l’Eglise. En effet, avouez-vous remarqué la sympathie naturelle du commun des mortels pour les virtuoses de la cambriole ? Le Garou-Garou (« Le Passe-Muraille ») de Marcel Aymé, l’Arsène Lupin de Maurice Leblanc faisaient courir les femmes. David Niven restera le génial cerveau qui faillit s’offrir (c’était sans compter sur Belmondo et Bourvil) le contenu du train Paris-Bruxelles transportant les fonds secrets de l’OTAN. Et, Georges Clooney, le séduisant braqueur de casinos d’Ocean’s Eleven. C’est évident : nous apprécions les vols rocambolesques, les détrousseurs d’aristocrates, de bourgeois, de grandes institutions, voire de l’Etat… Surtout quand ils font d’autres victimes que nous. Comment pourrait-il en être autrement puisqu’il s’agit toujours de montants vertigineux ? Pourquoi donc tant de sadisme ? Et d’admiration s’exprimant au mépris des éducateurs, de l’Eglise, de toute morale ? Peut-être parce qu’ils ne tuent personne. Peut-être parce qu’ils ont un vague lien de parenté avec Robin des bois, même si leur pactole va rarement aux pauvres.
La morale de l’Eglise ne se réduit donc pas aux questions économiques. L’Eglise dit aussi des choses sur le respect de l’être humain, sur l’organisation de la politique, sur la société internationale, sur la guerre et la paix.
Dans les années 30, par exemple, le nazisme a suscité la réflexion. Peut-on faire de l’Etat, de la loi, un absolu ? Il y a le primat d’une morale, d’une raison universelle, d’un droit naturel. La communauté politique doit faire se réaliser les droits de l’homme. L’Eglise donne une préférence à la démocratie, mais en n’hésitant pas à lui poser des questions. Un certain nombre de valeurs sont, en effet, au fondement de la démocratie, il y a donc une certaine méfiance vis-à-vis des décisions prises de manière mécanique, uniquement à la majorité. Il faudrait poursuivre la réflexion sur l’échange démocratique.
La réflexion sur la guerre a aussi évolué. Sans exclure la légitime défense, elle dit de plus en plus clairement que la guerre n’est pas une manière de résoudre les conflits qui se présentent, et cela à cause du développement des armes qui la rend disproportionnée. On est loin de la théorie de la guerre juste du Moyen Age. Il vaut mieux accepter certaines dépendances que de risquer de détruire d’immenses populations. L’escalade, en effet, peut être très rapide.