Vivre, mourir, revivre

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Document 1 : Elle sera toujours ma grand-mère.

Marthe a 14 ans, elle est en 3e secondaire. Elle fait de la danse et joue de la guitare. Elle a une sœur aînée et une plus jeune. Sa voisine est sa meilleure amie. Elle a une très chouette famille, avec plein de cousins et cousines. L’une de ses grands-mères a 75 ans et bascule lentement dans la démence.

« La famille de mon père habite assez loin, à trois quarts d’heure en voiture. Mais, nous voyons quand même ma grand-mère toutes les deux semaines environ. Depuis qu’elle vit dans une maison de repos, ses six enfants vont la chercher le dimanche à tour de rôle. Elle vient donc aussi à la maison toutes les six semaines. Nous nous connaissons bien, ma grand-mère et moi, parce qu’elle est aussi ma marraine. On s’entend bien. J’aime bien quand elle vient. Et j’aime aussi aller lui rendre visite, même si je trouve parfois un peu dommage de devoir rester aussi longtemps à l’intérieur quand il fait beau dehors. Mais, elle est toujours tellement contente de nous voir.

Je trouve que les grands-mères sont vraiment là pour le plaisir. Mon grand-père, lui était plus sévère et plus vigilant. Et, ma grand-mère, elle, ne pensait qu’à nous faire plaisir. Elle préparait toujours quelque chose de spécial quand nous venions : des biscuits, de la tarte ou des gâteaux. Maintenant, dans la maison de repos, ce n’est plus possible, c’est dommage. Je me souviens surtout que quand j’étais toute petite, ma grand-mère chantait tout le temps, racontait des histoires et récitait des poèmes. Elle le fait encore, quand elle va bien, mais beaucoup moins qu’avant.

La mort de mon grand-père, il y a quatre ans, a été terrible pour ma grand-mère. Elle a eu beaucoup de chagrin. Avant, elle était toute rondelette, mais depuis, elle n’a pas cessé de maigrir. Elle avait parfois des absences. Elle régressait et n’était plus capable de s’occuper d’elle-même. Ses enfants ont préféré l’installer dans une maison de repos. Au début, nous allions souvent la voir, parce qu’elle ne connaissait personne et se sentait parfois seule. Maintenant, elle se sent bien là-bas, mais elle est toujours contente de nous voir et adore sortir pour aller boire quelque chose, par exemple.

C’est très bizarre : ma grand-mère a parfois les idées très claires. Elle chante et papote comme autrefois, et on dirait que tout va bien. Et d’autres fois, elle est tout à fait confuse ou absente. Elle mélange tout. Par exemple, elle reconnaît bien nos visages, à mes sœurs et moi, mais elle confond nos prénoms. Ou elle ne parle par. Parfois aussi, ça change au cours de la même journée : elle va bien quand nous arrivons, et plus tard, quand elle est fatiguée, elle va moins bien. On ne sait jamais à l’avance comment elle va être… Autrefois, je faisais la folle et je riais aux éclats quand j’allais chez elle. Maintenant, je dois beaucoup plus tenir compte d’elle. Si elle est fatiguée et absente, il vaut mieux que je me taise. Je ne peux pas non plus faire de bruit, parce que c’est interdit dans la maison de repos. Mais, en gros, ça se passe bien. Il reste encore assez de choses pour que nous passions un bon moment avec elle.

Ma grand-mère est encore capable de faire seule la plupart des choses. Mais elle a parfois besoin d’aide. Elle fait tout un plus lentement : marcher, manger, se mettre au lit, s’habiller. Il faut toujours penser qu’elle a besoin de plus de temps. Quand on va se promener, je lui donne le bras et ça se passe bien. Le plus pénible pour moi, c’est qu’elle oublie de plus en plus de choses du passé, de l’époque où j’étais petite. Alors qu’elle en parlait avec tellement d’humour ! Ca me manque, parfois. Ces souvenirs sur ce que nous faisions avant se perdent petit à petit. Et puis, parfois, elle me surprend. Elle reste longtemps à table sans rien dire, et tout à coup, elle se mêle joyeusement à notre conversation et se met à raconter des tas de choses. Ca la rend heureuse, et nous aussi, bien sûr.

J’aime toujours beaucoup ma grand-mère, même si elle est parfois confuse ou absente. Elle reste toujours la même. On s’en rend compte quand elle va bien : elle parle beaucoup et elle chante. Et même si ça s’aggrave, elle restera toujours ma grand-mère. Ca ne changera jamais. Mais, si un jour, elle ne me reconnaissait plus du tout, je trouverais ça vraiment dur. Je continuerais à aller la voir, mais ce ne serait pas facile de parler avec elle. On parle, mais en fait on se parle à soi-même. Je crois que c’est dur. Mais, on ne sait pas comment les choses vont évoluer, on verra bien.

Je parle parfois de ma grand-mère et de sa maladie avec ma meilleure amie. En classe, je n’ai pas très envie d’en parler, mais mon amie me comprend bien. Sa grand-mère aussi a eu une grave maladie et elle sait ce que je ressens. Quand nous rentrons de chez ma grand-mère, je raconte souvent à mon amie comment c’était, comment elle a réagi et comment elle se sentait. Elle vit les choses avec moi, et moi avec elle, parce que je connais sa grand-mère.

Il y a encore des choses que je peux faire pour ma grand-mère, qui lui font plaisir. Elle adore les petits cadeaux. Pour Noël, par exemple, les membres de la famille lui offrent de petits cadeaux qu’elle met dans sa chambre. C’est fou mais elle se rappelle bien qui lui a donné quoi. Elle ne se trompe jamais ! Il ne faut pas grand-chose pour lui faire plaisir : une carte, ou l’emmener faire une balade à l’extérieur de la maison de repos. L’année dernière, à Noël, avec mes cousins et cousines, on est allés la chercher. Juste nous, les petits-enfants, sans nos parents. Nous lui avions organisé une fête de Noël. Elle a trouvé ça génial, c’est vraiment le genre de chose qu’elle adore. Ce n’est pas difficile de la rendre heureuse.

J’espère que ma grand-mère ira encore assez bien pour assister à la confirmation de ma sœur. Ma sœur et un autre cousin sont les plus jeunes des petits-enfants. Ma grand-mère a assisté à la confirmation de tous les autres. Ce serait bien si elle pouvait être là pour eux aussi. Aucun de mes cousins et cousines n’est encore marié. Je ne sais pas si elle pourra encore participer aux mariages.

J’ai du mal à m’imaginer que mes parents puissent un jour devenir déments. Ca ne sert à rien de s’inquiéter. On verra bien si ça arrive. Mais, je sais que je m’occuperais bien d’eux et leur accorderais beaucoup d’attention. C’est normal, parce qu’ils se sont beaucoup occupés de nous aussi. Le lien avec mes parents est important. Plus tard, je veux continuer à les voir beaucoup, pas seulement quand ils seront très vieux.

Ma grand-mère semble heureuse, ça nous rend les choses plus faciles, à moi et à ma famille. Ce serait beaucoup plus difficile si on la voyait abandonner. Mais, ce n’est pas le cas. Elle profite encore vraiment de la vie, surtout pendant ses bons moments quand elle nous raconte ses souvenirs. Je ne voudrais pas me passer de ces années ensemble. Et personne ne pourra jamais me retirer les bons moments que j’ai passés avec elle.