Dire oui au bien et non au mal

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Document 1 : J’étais un détenu dangereux et j’ai rencontré l’amour.

Une enfance livrée à elle-même, une série d’échecs et de malchances. A 27 ans, c’est la révolte et la spirale de la violence. Jacky se retrouve bientôt en prison comme DPS – détenu particulier à surveiller – jugé très dangereux. Il connaît l’horreur des QHS (quartiers de haute sécurité) … Mais aussi la douceur fantastique de la visite de Dieu.
Je suis né dans le Nord. Mes parents travaillaient dur et avaient de l’argent, mais j’ai passé mon enfance livrée à moi-même dans la rue. Mes parents m’aimaient mais on ne se parlait jamais. Je n’existais pour personne. Je n’ai eu ni enfance ni adolescence et à huit ans j’étais un petit sauvage, mentalement crevé, sans aucune sensibilité et avec une mentalité d’homme. De 14 à 18 ans, j’ai été garçon boucher. Au retour de l’armée, j’ai monté ma propre entreprise de transports.
Et puis, entre 25 et 27 ans, j’ai eu une série de tuiles : un divorce au bout d’un an de mariage, des tas d’histoires où je n’étais pas coupable mais où j’ai joué de malchance, un dépôt de bilan avec de grosses dettes. Je m’étais mis à boire, on m’appelait « monsieur citerne ». Et puis, je me suis opposé à un proxénète qui violentait une fille que j’avais connu dans un bar, et je l’ai assommé.
J’étais déjà passé plusieurs fois devant les tribunaux et avais eu des amendes et trente-six mois de prison avec sursis. Cette fois, je risquais les Assises parce que le gars avait été dans le coma et s’était réveillé privé de parole.
Pour échapper au procès, je suis allé à la Légion, mais là je me suis fait mettre à la porte : un gars m’avait marché exprès sur le pied et moi je l’ai passé par la fenêtre. J’avais la police aux fesses. J’ai fait des petits boulots, les vendanges, disk-jockey, habité chez une vieille dame… jusqu’au jour où je me suis constitué prisonnier. En fait, l’affaire du proxénète a été jugée et j’ai eu six mois avec sursis et cinq ans de mise à l’épreuve.
Décidé à me reclasser, j’ai pris des cours d’assurances et trouvé du boulot dans un cabinet d’assureur. Mais, j’ai été mis à la porte à cause de mon casier judiciaire. Ensuite, j’ai investi en Belgique pour monter une discothèque que je n’ai pas eu la permission d’ouvrir.
J’avais 27 ans et malgré tous mes efforts pour remonter dans l’échelle sociale, pour mener une vie honnête, je n’avais plus aucun débouché et beaucoup de dettes à rembourser. J’étais dégoûté. Puisque la société m’éliminait, j’allais passer à l’attaque, prendre des risques.
Pendant quatre ans, j’ai fait des braquages, « travaillant » dans plusieurs pays. J’étais devenu quelqu’un de très violent et dangereux, fiché par Interpol. J’ai été arrêté à Paris en mars 1981 par l’inspecteur Broussard lui-même pour tentative de meurtre et prise d’otage sur un gendarme en Belgique.
C’est à la Santé qu’un jour de septembre 1981, j’ai découvert la foi de façon tout à fait irrationnelle.
J’étais donc un impulsif, un violent dangereux, ne réagissant qu’avec l’instinct, incapable d’avoir une pensée construite et de m’exprimer. Et voilà que tout à coup, dans ma cellule, j’étais baigné par une douceur infinie et un voile se déchirait dans ma tête. J’ai eu la conviction que Dieu existait. J’ai été complètement changé : j’étais envahi d’amour pour les matons et même pour les murs de ma cellule. J’étais bouleversé par la vue d’un oiseau alors que je n’avais jamais été sensible à la nature. J’étais dans un détachement total.
A partir de ce moment-là, j’ai été capable de réfléchir, d’avoir une cohérence, de discerner. En fait – mais c’est maintenant que je me l’explique -, dans les filles, l’alcool, le jeu, le risque, l’argent, les grosses bagnoles, c’était l’absolu que je cherchais. Le seul absolu valable, je venais de le trouver : c’était l’amour.
C’était arrivé un vendredi. J’ai baigné dans cette douceur jusqu’au mardi. Je pleurais tout le temps. Je me disais : « J’ai l’impression de venir au monde. » Tout était changé en moi et je ne savais pas pourquoi. J’ai appelé l’aumônier protestant de la Santé qui m’a donné une Bible. Mais, je l’ai rejeté car j’y trouvais violence, concubinages, meurtres….
Puis, j’ai été transféré avec des mesures de sécurité inouïes : wagon blindé, mitraillettes, etc. En QHS, à Looslez-Lille, j’étais traité comme quelqu’un d’extrêmement dangereux alors que je ne me sentais plus du tout le même homme. Là, je suis resté des mois enfermé. Je ne voulais pas de contacts. Pendant cette période, j’ai connu un flux intellectuel extraordinaire. Tout à coup, je comprenais des tas de choses. Je passais mes journées avec la Bible, les Pensées de Pascal. J’écoutais France Culture. J’ai lu aussi les livres sacrés de l’Inde, le Coran….
Philippe Maillard, l’aumônier catholique, avait organisé un cercle biblique et m’a invité à témoigner de ce que je vivais. J’ai recommencé à sortir en promenade, à m’ouvrir aux autres. J’accueillais des gars en dépression dans ma cellule. De plus en plus, la Bible me parlait et j’y trouvais tous mes absolus. J’avais une hypersensibilité au mensonge, je me suis mis à la prière. Parfois, je me disais : « Mais, tu es fou ! »
La direction m’a même mis à contribution pour aider les gars. Mais comme je ne leur tenais pas un discours de soumission et qu’en prison commencer à penser c’est désobéir, j’ai été envoyé en disciplinaire à Douai. Là, j’ai exigé qu’on fasse un cercle biblique. Les autorités ne voulaient pas. Mais, j’étais un détenu célèbre : il n’y avait pas une cellule où je ne connaissais pas quelqu’un. Donc, pour éviter des histoires, ils ont cédé.
J’ai ensuite été transféré à la Santé où j’ai continué à accueillir les gars pour les aider. Je suis même devenu auxiliaire infirmier, ce qui est impensable pour un DPS. J’avais commencé à penser autrement. Je parlais autrement et j’agissais même autrement. J’allais le payer : quand j’étais un gros dur, tout le monde me craignait et me révérait.
Si, par exemple, je n’avais pas pu toucher mon paquet de cigarettes, il m’en arrivait une vingtaine. Quand j’ai cessé de jouer les gros durs, j’ai perdu mon influence. On a commencé à rire de moi, voire à me frapper. Devenir le dernier alors qu’on avait l’habitude d’être le premier, ce n’était pas évident et je n’avais pas choisi de devenir une victime. Mais, c’était une conséquence de la paix et de l’amour qui m’habitaient.
En mars 1986, j’ai été jugé. Contre toute logique et grâce à des circonstances particulières, je n’ai pris que sept ans. J’en avais déjà fait cinq en préventive. Et, j’ai eu vingt et un mois de grâce, ce qui est un maximum de sept ans et qui n’est jamais accordé à un DPS. Je suis donc sorti en juin 1986, mais interdit de séjour dans dix-sept départements. J’étais décidé à arrêter la marginalité. Ce n’est pas évident à 37 ans de recommencer avec un vélo alors qu’on était habitué aux BMW et aux Mercedes. Mais, quand on avait atteint un certain degré de destruction et que l’on retrouve sa dignité, on n’a pas envie de recommencer. Et puis, c’était possible parce que j’avais découvert d’autres valeurs et j’avais dit oui à Dieu.
En sortant, je n’avais qu’une envie : donner ma vie au Christ et le rencontrer le plus vite possible. Si ma femme et ma fille ne m’avaient pas attendu, j’aurais été ermite ou prêtre. Je voulais vivre dans l’humilité et l’obéissance et travailler dans le christianisme. J’ai cherché du boulot dans le social car on ne peut être tranquille quand on sait ce qui se passe dans les prisons. Aujourd’hui, je dirige un foyer de réinsertion. On y accueille de sortis de prison mais aussi des gars en danger de marginalisation. On leur trouve du travail. Je les oblige à ouvrir un livret de caisse d’épargne. A la sortie, on les aide à se loger et ils gardent une tutelle. Hélas, il y a beaucoup d’échecs parce que ces gars n’ont pas de structure intérieure. Je projette d’ouvrir un autre centre où je pourrais procéder autrement parce que je serais mon propre patron. Pour faire du bon social, il faut trois choses : la nature, le mixage des âges et des sexes et du chrétien militant.
Ici, vous avez trente gars avec le même profil psychologique, c’est négatif. Tout se passerait mieux s’il y avait un brassage. J’essaie de le faire dans la mesure de mes moyens avec des gens du quartier. A Noël, on va inviter deux débiles légers : ils verront qu’il y a d’autres handicaps que le leur. Dans mon projet, je voudrais accueillir des femmes et des enfants de détenus et vivre comme une communauté chrétienne.
Ici, les gars, malheureusement, ne comprennent que la menace. Dans un contexte communautaire chrétien, autre chose serait possible. Pour cela, il faut s’oublier soi-même, être à l’écoute, avoir une attention soutenue à leur égard, les aider à s’intérioriser. Si le gars arrive à s’intégrer à la société. Quand ils foutent tout en l’air, c’est qu’ils ont un problème qu’ils n’arrivent pas à assurer.
Moi, je suis né du pardon, né de la Bible et né de la croix. Je sais dans ma vie ce que signifie mourir au vieil homme et naître une seconde fois avec un cœur d’enfant. J’étais mort et je démolissais tout. Je suis un racheté. J’ai découvert que pour Dieu un homme n’est jamais déchu quelle que soit sa situation. Le Christ sait que le voyou, le violent, la prostituée sont dans un état de non-vie et de souffrance.
Alors, il faut absolument changer la prison et tout faire pour l’amendement du gars, pour les aider à se structurer psychologiquement, intellectuellement et moralement. Faire des cercles bibliques, les ouvrir aux arts. La prévention, c’est une honte. A Loos, en préventive, il n’y avait que dépressions, mutilations et suicides. Un prisonnier est quelqu’un qui flirte avec la folie. Il est traité en contradiction avec toutes les valeurs humaines, comment pourrait-il apprendre à vivre ? On dit qu’on a humanisé les prisons. Oui, si on parle de la télé ou de certains aménagements matériels. Mais, on n’a rien fait pour l’homme intérieur. La prison est une non-vie.
Quand je vais témoigner dans les écoles et expliquer aux jeunes comment on devient un voyou, je leur dis aussi que la conversion, c’est un changement des sentiments. Mais, c’est aussi un travail intellectuel, biblique, de formation car si l’évolution psychologique n’est pas en harmonie avec celle de l’intellect, vous êtes tiraillé. Voilà mes projets ! Mais, vous savez, je suis détaché. La seule religion, c’est l’amour : 6 milliards d’individus, 6 milliards de frères.
Par contre, on ne peut pas faire ce boulot si on ne prie pas avec des frères, si on n’est pas dans le Corps du Christ. Tous les vendredis soir, un groupe de Saint-Gervais vient passer la soirée ici.
Je n’aime pas qu’on dise que ma femme n’a pas la foi car elle a tous les mauvais côtés de ma foi, c’est-à-dire mes absences. Mais, on fait tout à deux et elle me suit parce qu’elle sent que c’est sincère. Je l’admire beaucoup. J’ai d’ailleurs découvert les valeurs de la féminité. Et, ma femme pourrait m’adresser ces mots d’un juif à son ami : « Quand tu es religieux, tu m’emmerdes. Mais, quand tu ne l’es pas, tu me déçois. »