La soumission à l’autorité

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Document 11 : Révolte d’adultes.

Depuis la naissance de l’humanité, il y a toujours eu des injustices, parfois des révoltes ou des révolutions, trop souvent des guerres. Des hommes se sont alors dressés pour dénoncer les injustices commises à leurs époques. Par après, certains de ces hommes ont été appelés des prophètes.

Zola, dans Germinal, nous décrit une grève de mineur au cours du 19ème siècle. Le conflit vient de débuter et c’est la première confrontation entre le patron de la mine et les mineurs.

– Voyons, demanda le patron de la mine, qu’avez-vous à me dire ?

Il s’attendait à entendre Etienne à prendre la parole, et il fut tellement surpris de voir Maheu s’avancer, qu’il ne put s’empêcher d’ajouter encore :

Comment ! C’est vous, un bon ouvrier qui s’est toujours montré si raisonnable, un ancien de Montsou dont la famille travaille au fond depuis le premier coup de pioche !… Ah, ça c’est mal, ça me chagrine que vous soyez à la tête des mécontents !

Maheu écoutait, les yeux baissés. Puis, il commença, la voix hésitante et sourde d’abord.

– Monsieur le directeur, c’est justement parce que je suis un homme tranquille, auquel on n’a rien à reprocher, que les camarades m’ont choisi. Cela doit vous prouver qu’il ne s’agit pas d’une révolte de tapageurs, de mauvaises têtes cherchant à faire du désordre. Nous voulons seulement la justice, nous sommes las de crever de faim, et il nous semble qu’il serait temps de s’arranger, pour que nous ayons au moins du pain tous les jours.

Sa voix se raffermissait. Il leva les yeux, il continua, en regardant le directeur :

– Vous savez bien que nous ne pouvons pas accepter votre système… On nous accuse de mal boiser. C’est vrai, nous ne donnons pas à ce travail le temps nécessaire. Mais, si nous le donnions, notre journée se trouverait réduite encore, et comme elle n’arrive déjà pas à nourrir, ce serait donc la fin de tout, le coup de torchon qui nettoierait vos hommes. Payez-nous davantage, nous boiserons mieux, nous mettrons aux bois les heures voulues, au lieu de nous acharner à l’abattage, la seule besogne productive. Il n’y a pas d’autre arrangement possible, il faut que le travail soit payé pour être fait… Et qu’est-ce que vous avez-vous inventé à la place ? Une chose qui ne peut nous entre dans la tête, voyez-vous ! Vous baissez le prix de la berline, puis vous prétendez compenser cette baisse en payant le boisage à part. Si cela était vrai, nous n’en serions pas moins volés, car le boisage nous prendrait toujours plus de temps. Mais, ce qui nous enrage, c’est que cela n’est même pas vrai : la Compagnie ne compense rien du tout, elle met tout simplement deux centimes par berline dans sa poche, voilà !

– Oui, oui, c’est la vérité, murmurèrent les autres délégués, en voyant Monsieur Hennebeau faire un geste violent, comme pour interrompre.

Du reste, Maheu coupa la parole au directeur. Maintenant, il était lancé, les mots venaient tous seuls. Par moments, il s’écoutait avec surprise, comme si un étranger avait parlé en lui. C’étaient des choses amassées au fond de sa poitrine, des choses qu’il ne savait même pas là, et qui sortaient, dans un gonflement de son cœur. Il disait leur misère à tous, le travail dur, la vie de brute, la femme et les petits criant la faim à la maison. Il cita les dernières paies désastreuses, les mois dérisoires, mangés par les amendes, les taxes et les factures, rapportés aux familles en larmes. Est-ce qu’on avait résolu de les détruire ?

– Alors, Monsieur le directeur, finit-il par conclure, nous sommes donc venus vous dire que, crever pour crever, nous préférons crever à ne rien faire. Ce sera de la fatigue de moins… Nous avons quitté les fosses, nous ne redescendrons que si la Compagnie accepte nos conditions. Elle veut baisser le prix de la berline, payer le boisage à part. Nous autres, nous voulons que les choses restent comme elles étaient, et nous voulons encore qu’on nous donne cinq centimes de plus par berline… Maintenant, c’est à vous de voir si vous êtes pour la justice et pour le travail.

Zola, Germinal, Folio Classique, Paris, 1978, pages 271-272.