La soumission à l’autorité

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Document 1 : L’expérience de Stanley Milgram.

Stanley Milgram est un psychologue social américain (1933-1984). Il a effectué de nombreuses expériences qui analysaient le comportement humain au sein de l’organisation sociale. En 1963, à l’université de Yale, il organise une des premières expériences de psychologie sociale sur le concept de soumission à l’autorité.

Pour recruter ses sujets, Milgram fait passer une annonce dans la presse proposant quatre dollars et une indemnité de déplacement pour participer à une étude sur la mémoire. Les candidatures sont retenues en fonction de l’âge des sujets et d’une répartition entre les niveaux socio-professionnels. Les sujets de toutes les expériences, à l’exception d’une seule variante.

A leur arrivée dans le laboratoire de l’université de Yale, les sujets sont rémunérés et l’étude leur est présentée comme une expérience portant sur le rôle de la sanction sur la mémoire. Il s’agit plus précisément d’évaluer l’intensité de punition qui a le plus d’effet. Pour ce faire, on demande aux sujets de jouer soit le rôle de l’élève, soit le rôle de l’enseignant. En réalité, l’expérience a pour objet de découvrir jusqu’à quel point un individu peut pousser la docilité dans une situation concrète et mesurable pour infliger un châtiment de plus en plus sévère à une victime qui proteste énergiquement. Il s’agit d’observer à quel instant précis le sujet refusera d’obéir à l’expérimentateur.

Les sujets arrivent par couple, l’un étant le sujet naïf, l’autre un compère de l’expérimentateur, un homme de la cinquantaine et d’apparence sympathique. Le trucage d’un tirage au sort assigne toujours au sujet naïf, le rôle de l’enseignant et au compère, le rôle de l’élève (ou de la victime). L’élève est amené dans un local adjacent à la salle d’expérience où se tient le sujet et est attaché à une chaise. Puis, on lui pose sur chaque poignet une électrode.

Quant au sujet, sa tâche est double. D’une part, il doit lire plusieurs séries de quatre termes auxquels il associe d’autres termes (ciel/bleu, jour/frais, canard/sauvage, …) puis effectuer un test de rappel : il donne un des deux termes de chaque paire d’associations et demande à l’élève lequel des quatre termes lui avait été associé (par exemple bleu : compteur, ruban, ciel, yeux). L’élève donne alors des réponses soit vraies soit fausses selon un programme de réponses préétabli.

D’autre part, et c’est là le nœud de l’expérience, le sujet doit punir l’élève à chacune de ses réponses fausses. Pour cela, il dispose d’un générateur électrique sur lequel sont disposées trente manettes qui, lorsqu’elles sont actionnées, libèrent une charge électrique allant de 15 à 450 volts et s’échelonnant de 15 en 15 volts. En plus de l’indication de voltage, les manettes sont groupées en catégories d’intensité portant la mention : « choc léger, choc modéré, choc fort, choc intense, choc extrêmement intense, attention : chocs dangereux à 450 volts ». Dès qu’une manette est abaissée, un voltmètre précise l’intensité du choc correspondant à l’intensité choisie. En réalité, bien sûr, les chocs n’étaient pas administrés. La consigne précise que, pour chaque nouvelle erreur, il faut augmenter l’intensité du choc. L’expérience s’arrête lorsque le sujet était arrivé à donner trois chocs de 450 volts, les plus dangereux donc.

De plus, le sujet reçoit un feed-back réaliste venant de l’élève lui-même. En effet, on entend les plaintes de l’élève, graduées en fonction du voltage choisi. Pour cela, une bande magnétique était utilisée : à partir de 75 volts, l’élève gémit ; à 120 volts, il crie que les chocs sont douloureux ; à 135 volts, il hurle ; à 150 volts, il annonce qu’il refuse de continuer (l’expérimentateur, quant à lui, demande au sujet de continuer à chaque fois l’expérience) ; à 180 volts, il crie qu’il ne peut plus le supporter ; à 270 volts, il râle et ne répond plus aux questions. A chaque hésitation du sujet, l’expérimentateur l’enjoint à continuer l’expérience jusqu’au bout.

Au fur et à mesure que l’on avance dans l’expérience et que les chocs augmentent, le conflit ressenti par le sujet croît et apparaissent des hésitations, des tentatives pour arrêter l’expérience. Plusieurs incitations de l’expérimentateur étaient alors prévues selon la gradation suivante :

  1. Continuez s’il vous plaît, je vous prie de continuer.
  2. L’expérience exige que vous continuiez.
  3. Il est absolument indispensable que vous continuiez.
  4. Je prends la responsabilité de l’expérience.

Si le sujet refuse d’obéir à l’une ou l’autre incitation, l’expérience prend fin. A chaque hésitation du sujet, l’expérimentateur reprend dans l’ordre ses injonctions. Il dit au besoin aux sujets que même si les chocs sont particulièrement douloureux, l’élève ne subit aucune lésion permanente. A la fin de la séance, les sujets répondent à diverses questions et l’expérimentateur leur révèle les buts de l’expérience, le fait que les chocs n’étaient pas vraiment administrés et que l’élève était impliqué dans l’expérience en tant que complice. Ce « debriefing » est fait avec beaucoup d’attention afin de déculpabiliser le sujet car il s’agit que le sujet quitte le laboratoire la conscience tranquille.

Les mesures qui sont présentées concernent :

  1. Le choc moyen maximal au-delà duquel les sujets refusent de continuer l’expérience malgré les injonctions de l’expérimentateur.
  2. Le pourcentage de sujets qui obéissent, c’est-à-dire qui acceptent de poursuivre l’attribution des chocs jusqu’à 450 volts.

On peut remarquer plusieurs choses au cours de cette expérience. Le sujet se fâche sur l’élève en lui disant que cela ne l’amuse pas devoir lui envoyer des décharges, qu’il faut absolument qu’il réfléchisse et réponde correctement. Le sujet agit comme si c’était de la faute de l’élève si il lui envoie des décharges et rejette la responsabilité sur celui-ci afin de se libérer de tout remord, de toute prise de conscience qui l’obligerait à agir.

Quand l’élève crie, le sujet est mal à l’aise. Une fois qu’il ne l’entend plus, il semble avoir moins de remords à lui lancer des décharges. Toute manifestation de l’élève le met mal à l’aise parce qu’elle lui rappelle sa responsabilité.

Le sujet s’arrête quand celui lui semble insupportable pour l’élève et se tourne vers l’expérimentateur. Mais, la majorité reprend l’expérience une fois que l’expérimentateur répète l’ordre. On remarque donc que c’est bien parce qu’il y a eu une intervention d’une autorité supérieure que l’individu qui agit.

Dès que l’expérimentateur dit qu’il prend la responsabilité de ce qui se passe, le sujet continue, soulagé : il est libéré de toute responsabilité. Quoi qu’il arrive, ce ne sera pas de sa faute.

Le sujet s’arrête si deux expérimentateurs se disputent. Ils profitent du désaccord de l’autorité pour mettre fin à son action. C’est un élément extérieur qui l’aide à poser l’acte qu’il n’osait pas faire : arrêter.

On peut donc conclure que l’obéissance peut être expliquée par certains éléments :

  • C’est une autorité, une instance supérieure qui a donné l’ordre.
  • La distance matérielle : on est violent à travers un instrument, on ne frappe pas directement sa victime.
  • Le morcellement des responsabilités : chacun ne prend qu’une part dans le travail, n’est qu’un maillon parmi d’autres.
  • L’absence de réactions : l’individu qui subit la violence ne réagit plus, n’est plus qu’un objet (peut-être n’a-t-il pas d’autres possibilités).
  • Le rejet de la responsabilité : on nie sa responsabilité, on a simplement obéi.