La soumission à l’autorité

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Document 19 : La liberté selon Albert Jacquard.

Le scientifique que vous êtes voit dans la science l’avènement d’une représentation lucide, exacte, des phénomènes naturels. Or le déterminisme est au prince au service de la science. S’ensuit-il que vous niez la liberté ?

L’appétit de la liberté est directement lié à la capacité, que seule possède l’espèce humaine, de penser à demain. Pour les animaux, seuls existent le passé et le présent. Leurs actes, même lorsqu’ils semblent tendre vers un objectif d’avenir, ne sont que la conséquence des événements passés et présents. La découverte de l’avenir a été faite par notre espèce. Et, cette découverte entraîne l’interrogation sur ce que sera cet avenir, d’où l’angoisse et l’espoir. D’où surtout le désir de rendre cet avenir conforme à nos vœux.

Mais, est-ce possible ? Le cours des événements peut-il être modifié par notre action ? La réponse ne peut être invérifiable, à la façon dont l’existence d’une réalité extérieure à nous est indémontrable. Mais l’attitude qui en découle reviendrait à nier la possibilité de vraiment vivre. Il paraît préférable d’admettre que le monde réel n’est pas seulement une illusion de nos sens, que la réalité n’est pas le fruit de notre imagination et uniquement ce que nous acceptons de bien vouloir croire. De la même façon, il paraît préférable d’admettre que dans le passage d’aujourd’hui à demain, des bifurcations sont possibles et que, le sachant, nous pouvons intervenir autrement qu’en consultant notre horoscope.

Vous avez le droit de vous sentir libre. Mais, ce sentiment d’être libre n’est pas une illusion ? On croit être libre alors qu’on est contrôlé, sur le plan social, par exemple (déterminismes socioculturels, inégalités, préjugés, etc.), mais aussi sur le plan psychologique, avec les motivations inconscientes. Nous ignorons simplement les causes réelles qui nous font agir.

Il est clair que la personne que je suis devenu a été construite par l’ensemble des informations apportées par mon patrimoine génétique et par l’ensemble des règles, des comportements, des opinions apportées par les hommes qui m’ont entouré. Je suis le produit de la rencontre de mécanismes concrets et d’influences psychiques. Mais, ce produit trouve être d’une telle complexité qu’il est capable de participer à sa propre construction. Cette auto-structuration nous permet d’apporter notre contribution à ce que nous sommes, et surtout à ce que nous devenons.

Si j’étais le produit des seules influences externes, je ne serais qu’un objet fabriqué, aboutissement passif de chaînes causales sur lesquelles je n’aurais eu aucune prise. Ma capacité d’auto-structuration m’a permis de passer du statut d’objet à celui de sujet.

Le fait que je sois capable de penser « moi, je », c’est-à-dire, paradoxalement, de parler de moi à la troisième personne, est le signe de ce pouvoir étrange qui ne semble être partagé par aucune autre espèce. Du coup, les influences qui ont agi sur moi, les contraintes imposées par ma dotation génétique et par mon milieu, deviennent, ou peuvent devenir, les matériaux d’un édifice conforme à mon propre choix. Ces éléments extérieurs ne sont plus les causes qui me font agir, mais des incitations qui me poussent à choisir. Par exemple, notre système éducatif étant basé sur la punition et la répression, lorsque nous sommes convoqués quelque part, nous avons peur de cette rencontre et nous sommes prêts à tout pour éviter cette confrontation.

Quant aux motivations inconscientes, elles ne sont que des pulsions, et non des obligations. Nos hormones sont source de comportements, mais nous pouvons les utiliser et ne pas nous contenter de les subir. Nos hormones sexuelles nous incitent à copuler, mais de la copulation nous sommes passés à la tendresse et à l’amour.

La liberté est indémontrable, disiez-vous. Mais, vous raisonnez comme si elle était un fait. Plus encore : une valeur.

La liberté est une invention humaine, tout comme la dignité, les droits ou l’amour. Elle n’en fait pas moins partie de la réalité que nous construisons depuis que nous avons eu conscience d’être. A nous de hiérarchiser nos valeurs. Une société démocratique fait un choix collectif définissant cette hiérarchie : liberté, égalité, fraternité, ou bien travail, famille, patrie.

La liberté n’est pas un donné. Son exercice est facilité par un minimum de ressources. Il est possible mais difficile d’être libre le ventre creux. Les lois sont là pour nous protéger les libertés, mais elles ont souvent été obtenues par ceux qui ont osé transgresser les lois antérieures.

Seriez-vous en mesure maintenant de définir la liberté ? Le plein usage de nos facultés physiques et mentales ? La capacité de décider et d’accomplir des actes dont nous avons l’initiative, à l’intérieur des lois ?

La liberté ne peut être définie que par référence à la construction de chacun par lui-même avec l’aide des autres. Elle est donc sans rapport avec la possibilité de faire n’importe quoi pour la seule raison que l’on a envie de le faire.

La liberté, c’est la possibilité de tisser des liens avec ceux qui nous entourent. Elle n’est donc pas un exercice solitaire. La célèbre formule : « Ta liberté s’arrête là où commence celle de l’autre », nous trompe. Il faut être au moins deux pour être libre. Plus exactement pour mettre en place, jour après jour, des règles de vie en commun satisfaisantes pour chacun. La liberté commence par le respect des lois et des autres.

[1] Les Amorites étaient les habitants du pays conquis par les Hébreux lors de la sortie d’Egypte.

[2] Les Naziréens étaient des hommes consacrés à Dieu de façon spéciale. Ils s’abstenaient de boissons enivrantes ( = rejet de toute vie facile ) et portaient une longue chevelure ( = signe de plénitude de vie ).